L'élection du Procureur général commence, six mois avant son échéance en avril 2008, à faire la Une des gazettes. L'enjeu est-il à ce point crucial?
Il l'est devenu depuis 1990, quand le fauteuil de l'Accusateur public et de chef du Palais du Bourg de Four, qui était alors encore directement sous la coupe du conseiller d'Etat du Département de Justice et police, fut conquise par le jeune socialiste Bertossa opposé au très classique PDC Maye.
Depuis cette date et grâce à l'aura grandissante de BB, le Palais n'eut de cesse de gagner son indépendance politique. Au point que désormais c'est le Procureur général qui défend son budget devant la Commission des finances, Moutinot n'ayant plus, de ministre de la Justice, que le titre.
Le poison d'avril n'est évidemment pas que la fonction de procureur soit soumise à élection. C'est une des vertus de notre démocratie directe. Non, le poison, c'est que le débat qui s'ouvre va se focaliser à l'excès sur la seule personne du procureur général. Lequel devrait être un grand magistrat, un fin juriste, un administrateur hors pair doublé d'un politicien capable de vendre sa salade sur le plateau de Léman Bleu ou devant le Grand Conseil.
Pourquoi donc le troisième pouvoir (ou le premier selon certain) serait-il tout entier dépendant d'un seul homme, alors qu'en Suisse tous les autres sont collégiaux? La Constituante aura également cette tâche de réunir les procureurs en un collège et à faire tourner la présidence comme tourne celle du Conseil d'Etat ou du Conseil fédéral.
Commentaires
Après avoir dressé le profile idéal du Procureur Général, j'ajouterais qu'il conviendrait aussi de se préoccuper de l'indépendance du pouvoir judiciaire, respectivement d'une délimitation claire et nette des prérogatives de ce dernier, par rapport à une autorité de tutelle qui reste à définir. En la matière, notre canton s'est montré indigne à plus d'une reprise. Enfin, je constate que vous misez beaucoup sur les bienfaits de la Constituante. Outre le fait qu'elle arrivera bien tardivement, il y a toutefois un préalable important pour moderniser notre société: que les mentalités genevoises aient profondement évolué. En voyez-vous les prémices ?
Tout le monde parle de Montesqieu et BB, comme vous l'appelez, a souvent mis en avant cet auteur pour justifier et revendiquer l’axe politique de son action.
Cela pose une grande question, appartient-il au Pouvoir judiciaire d'avoir une action "politique"?.
La réponse est de toute évidence NON!
Le Pouvoir judiciaire N'EST PAS UN POUVOIR POLITIQUE et doit s'en tenir aussi loin que possible.
L’ère BB a été marquée, en raison de son aspect "politique" de très sérieux dérapages dogmatiques dont l'affaire Mikhailov est certainement la plus emblématique.
Pour mémoire, sur la base d'un dossier pénalement vide et d'une instruction calamiteuse, le ministère publique s'est enferré, au nom du dogme "Mr Proper".
Cela nous a coûté d'être ridiculisés sur la scène judiciaire internationale, et quelques 800'000 Frs dont ceux qui nous ont causé ces dommages n'ont pas payé le moindre centime rouge!
Voilà pourquoi le Pouvoir judiciaire doit être politiquement neutre et pourquoi l'élection des juges sur des listes de partis politiques est une aberration totale.
Mieux elle constitue un réel danger pour la démocratie, pour nos libertés et surtout pour leur propre indépendance.
Comme disait Robert Badinter, si les juges veulent être indépendants, ils doivent pleinement responsables. Ce magistrat ne peut pas être taxé d’extrême droite !
Cette affirmation montre combien la cohabitation entre le monde politique et le monde judiciaire peut être incestueuse et qu’il faut à tout prix l’éviter.
Curieusement, à Genève les plus réfractaires à cette indépendance sont ceux qui appartiennent à la même mouvance politique que Badinter !
L'appartenance au "bon parti" au "bon moment" est l'assurance de trouver un emploi, qui au bout du compte, vous offre un bon jackpot de retraite.
Réducteur peut-être mais certainement bien réel !
Le résultat est qu'à Genève on observe, en raison de dérives « politiques » à des dérives judiciaires assez inquiétantes.
L'engorgement de Champs Dollon, relevé par des spécialistes émérites, n'est que la pointe émergée du phénomène.
La mesure la plus urgente, Constituante ou pas, est de séparer les pouvoirs de façon non seulement organique, mais aussi politique.
Les juges ne doivent pas être issus de telle ou telle chapelle politique.
Ils doivent être désignés, comme c’est le cas dans les pays anglo-saxons, sur la base de leur carrière, de leurs écrits ou encore de leur contribution scientifique à la technique du droit.
De quoi réduire singulièrement le nombre de prétendants.
En un mot les juges, dans leur propre intérêt, doivent être indépendants.
Plus que tout autre, le Pouvoir judiciaire doit être affranchi du "Prince", c'est la seule garantie que le peuple a de se retrouver devant une justice sereine.
Sus aux Robespierre et autres montagnards.
La République les a d'ailleurs, eux aussi, raccourcis pour le plus grand de nos libertés individuelles.
N’est-ce pas tout l’enjeu du Pacte de 1291 ?