Un projet important nécessite à l'évidence des études à foison. La législation ne cesse de grossir qui impose, souvent avec la meilleure volonté du monde du législateur, telles ou telles études avant de planter un clou. Pour les bureaux d’ingénieurs, cette inflation est une formidable aubaine, surtout quand, comme à Genève, les collectivités publiques ne manquent pas de moyens et appliquent avec zèle le principe de précaution.
Pour les opposants aussi, c'est une aubaine. Ils veillent au grain et sont prêts à dénoncer un projet dès lors que viendrait à manquer une pièce au dossier ou que la procédure d'autorisation ne respecterait pas le code.
C'est ainsi qu'à Compesières, le projet de construire une nouvelle école à l'emplacement de la ferme, projet qui, après un relevé critique du site, des études approfondies et un concours d'architectes en bonne et due forme (lire le Journal de Genève 1997), en était à l'autorisation de construire, fut stoppé net par le recours d'architectes mécontents. La commune, confiante dans la promesse du canton - à l'époque Christian Grobet - de procéder à la mise en conformité de la zone agricole dans laquelle le site de Compesières était bien en zone permettant la création d'une école, fut condamné en 2004 par le Tribunal fédéral parce que, au moment du dépôt de la demande d'autorisation, le site était encore en zone agricole. Or, le changement de zone exige une loi, laquelle peut être contestée par un référendum populaire. En n'ayant pas attendu la réalisation de cette étape, la commune avait violé les droits populaires.
Une victoire pour les défenseurs du patrimoine partout en Suisse car le jugement de Compesières fit jurisprudence dans le pays. Une défaite pour les écoliers que l'on devait loger dans des bâtiments provisoires: le premier date de 1982, il héberge aujourd'hui les activités parascolaires. Le dernier, quatre classes bâties à la va-vite en zone agricole près du hangar, fête cette année sa onzième rentrée. Il devait durer 8 ans avait promis le maire d'alors.
Bref, l'affaire de la construction de l'école sur l'emplacement de la ferme coûta, si mes souvenirs, sont bons un bon million de francs à la commune, addition jusqu'au coup d'arrêt infligé par le TF des études et des plans devenues inutiles. C'est que la Mairie abandonna l'idée même de construire une école dans le périmètre du site historique.
En 2010, elle relança le dossier en recherchant un point de chute pour l'école. C'est ainsi que, du giratoire de Compesières (emplacement ancré dans le plan directeur communale de 2009) au projet de bâtir l'école de Compesières à Charrot, entre le stade et le village, la Commune revint à la case départ, soit une construction à l'emplacement du centre communal, bâti lui-même en 1975 sur le site de la chapelle de la persécution, érigée durant le Kulturkampf par les catholiques restés fidèles à Rome sur un parcelle donnée à la paroisse par la famille du cardinal Mermillod.
A lire: Mandat du concours d'idées 2020 pour une école sur la parcelle Mermillod, au lieu-dit Les Remparts***
Avec le recul, quand on y réfléchit, on tombe à la renverse. Comment se fait-il qu'on ne puisse pas au XXIe siècle, à Genève, bâtir une école à côté d'un bâtiment scolaire ouvert en 1900? La sauvegarde des vieilles pierres serait-elle plus importante que la formation de nos enfants?
Tout ça pour dire aux nouveaux élus de ma commune, désignés ce printemps par le suffrage populaire, que je continue à trouver saugrenue l'idée de bâtir une nouvelle école de Compesières, à 300 mètres du site historique, sans que l'on sache ce que va devenir l'école actuelle ni qu'on ait un projet pour la ferme de Compesières et sans doute au prix de la démolition du centre communal inauguré en 1977.
* Zurich a supprimé le référendum financier en 1998, lit-on dans un article du Temps, sous prétexte que ça multipliait les scrutins sans véritables enjeux. A la même époque, les Verts vaudois voulaient réintroduire cette pratique. En vain. A Fribourg, la constitution limite le référendum financier aux "actes du Grand Conseil qui entraînent une dépense nette nouvelle supérieure à 1 % du total des dépenses des derniers comptes arrêtés par le Grand Conseil". Au plan suisse, le référendum financier a aussi disparu. Sauf en quelques rares exception comme ce 27 septembre 2020 où les Suisses étaient invités à plébisciter l'achat d'avions de combat.
** C'est ainsi que si les Genevois ont bien voté sur le CEVA en 2009, ce n'était qu'à l'occasion d'un ajustement du crédit initial qui avait explosé de 950 millions à 1,45 milliard en sept ans. Ce fut l'occasion pour les habitants de Champel et quelques autres, qui ne s'étaient pas réveillés lors du vote du premier crédit en juin 2002, de lancer un référendum. Les articles 65 à 67 de la Constitution genevoise de 2012 précise les cas où un référendum peut être organisé, notamment si deux tiers des députés l'exigent.
*** J'ai enfin trouvé (merci Google) le document établi par la commune de Bardonnex pour le concours d'idées. je l'avait réclamé à la Mairie au lendemain de la présentation publiques des résultats le 2 septembre. Sans réponse, malgré deux rappels.
Certains cantons* ou communes connaissent en Suisse la pratique du référendum financier obligatoire. Elle oblige les autorités à soumettre au vote populaire des crédits d’investissement dès lors que ceux-ci dépassent un certain montant. C'est un moyen d'impliquer le peuple souverain dans les choix stratégiques et une obligation pour les porteurs de projet d'informer la population pour obtenir une majorité.
Genève ne connaît pas cette institution - la Constituante s'est bien gardée de l'introduire mais a néanmoins introduit quelques Genferei** - et s'en tient au référendum facultatif dont ses citoyens usent et parfois abusent. C'est ainsi que la construction des trams, l'extension de l'aéroport, la prison de Champ-Dollon, les constructions universitaires, les hôpitaux n'ont qu'à de très légères exceptions jamais été soumis au vote populaire. En revanche, les infrastructures culturelles et sportives sont plus souvent contestées.
L'école de Compesières ne sera pas soumise au vote populaire oblgatoire. Fera-t-elle l'objet d'un référendum facultatif? La Mairie de Bardonnex demande 1,35 million pour seulement étudier la construction d'un bâtiment de 12 classes, en bois voire préfabriqué, à l'emplacement de la salle communale, un projet de 14 millions.