Pour le reste, le Conseil d'Etat énumère 24 modestes priorités, rangées en trois temps. Une valse donc. Archiconnue, archijouée. Comme si l'exercice de la prospective, parce qu'imposé par la nouvelle Constitution, avait perdu de son sel, était déjà tombé dans la routine.
On ne chante plus le Grand Genève, on n'évoque pas la métropole lémanique non plus. A l'heure où Genève commémore le 200e anniversaire de son mariage de raison avec la Suisse, pas un mot sur la cohésion nationale, qui impliquerait une approche solidaire d'un des cantons les plus riches de la Confédération. Pas un mot non plus sur l'Europe.
Manifestement les scrutins du 9 février et du 18 mai ont laissé notre gouvernement KO debout. Nos sept sages donnent l'image d'une cordée coincée au sommet du Môle. Elle sait que les prochains pas de sa randonnée ne peuvent, quelle que soit la direction qu'elle prenne, qu'entamer sa descente.
Pas un chiffre dans ce programme, il faudra attendre la rentrée de septembre et la présentation du projet de budget 2015 et du plan financier 2015-2018. Pas un agenda non plus! Il sera donc impossible de dresser un bilan de l'exercice au printemps 2018 quand chaque membre de l'équipe se représentera devant ses électeurs.
* Photo officielle, un exercice de style toujours délicat, comme dirait mon confrère Pascal Décaillet qui décortique dans son blog Liberté la posture du gouvernement annonçant son programme. Pour cette législature, le gouvernement genevois a accumulé les messages subliminaux.
Derrière nos sept ministres vêtus comme de sages conseillers, sauf la chancelière qui arbore une blouse blanche plus longue que son veston, on voit le parc de la Genève international et son vaisseau amiral le Palais des Nations. On voit aussi le nouveau fleuron de l'industrie intellectuelle genevoise, les pétales de l'Institut de hautes études internationales et du développement. Un coup de chapeau à son patron à l'heure où l'université se cherche un nouveau recteur capable de vendre l'usine à neurones du centre-ville?
Le Conseil d'Etat s'est installé sur le toit de la Maison des étudiants. Pas n'importe quelle maison, celle-ci a été bâtie grâce à la générosité du banquier Edgar de Piccioto, un modèle sans doute pour le Conseil d'Etat qui espère que ce PPP (partenariat public privé) fera des émules.
Seul rappel de la mobilité, les voies de chemin de fer des CFF. A noter que le Conseil d'Etat ne dit pas un mot sur la raquette qui doit raccorder le cul de sac qu'est aujourd'hui la gare de Cointrin à celle de Cornavin et sans laquelle le CEVA ne sera pas complet.
Pour le reste, notre gouvernement est bien seul sur son toit. Le choix de la prise de vue en contre-plongée est toujours audacieux. Nos sept sages paraissent bien petits. Quel est donc le drone qui fonce sur eux caché dans les rayons du soleil? Au moins, Longchamp aurait pu tenir un iPhone, on se serait dit qu'il pilotait l'engin et saisissait d'un doigt pour la postérité le selfie le plus smart de la terre...
Il y a quatre ans, le nouveau gouvernement avait annoncé son premier programme de législature du dernier étage de l'Office mondiale de la météorologie. Quatre ans plus tard, on retombe sur terre (sauf pour la photo officielle*). Le brouet gouvernemental 2014-2018, présentée cet après-midi dans l'obscure salle des Fiefs, au cœur de l'Hôtel-de-Ville, est gris comme la molasse de la Tour Baudet.
La faute à la dette que le gouvernement genevois semble découvrir à chaque début de législature pour mieux l'oublier pendant quatre ans. La faute à la trouille aussi, la trouille de perdre les poules aux oeufs d'or - lisez ces sociétés multinationales sans domicile fixe, actives dans le trading, dans la gestion des marchés, l'optimisation fiscale, dans la finances. On les rassure donc une nouvelle fois. On leur confirme qu'elles seront toutes traitées avec reconnaissance. Leur taux fiscal diminuera de moitié ou presque. Les propriétaires à Genève doivent eux s'attendre à se serrer la ceinture.