Quand on tape les mots PDC Suisse dans un moteur de recherche, on ne trouve pas Le Centre du premier coup. Des articles de presse s’affichent dans les premiers rangs. Ils rappelent que, le 28 novembre 2020, le PDC a fusionné avec le PBD (le parti dissident de l’UDC des anciens conseillers fédéraux Schlumpf père et fille) et s’appelle désormais Le Centre (Die Mitte et non pas Das Zentrum, pour des raisons évoquées ici)
Le PDC Genève va ce mercredi soir franchir lui aussi le pas. Il s’appellera aussi Le Centre. Avant de se retiré dans son jardin au pied du Salève, votre serviteur se souvient avoir été président des Jeunes Démocrates-chrétiens suisses, au temps où le monde était encore divisé entre les bleus et les rouges (les Suisses neutres étant évidemment du côté des bleus). voici don une très modeste et bien incomplète réflexion sur le « C ».
« Le christianisme n’est pas un supermarché. » Le correspondant à Rome du journal La Croix, éminent vaticaniste, croit déceler dans quelques propos décochés au coin d’une interview ou d’un colloque plus ou moins discret la nouvelle croisade des gardiens de la foi: le christianisme n’est pas un supermarché où l’on viendrait faire ses emplettes et d’où les chalands ressortiraient chacun avec un caba différent conforme à ses idées, ses goûts, ses humeurs, ses affinités politiques, culturelles, économiques ou de genre et que sais-je encore. Non le christianisme est selon le Vatican un ensemble à prendre avec tous ses dogmes, que ça plaise ou non. On pourrait ajouter les dogmes du Christ (mais le Christ est-il dogmatique?) ou de son Eglise, là est la question.
Le discours n’est pas nouveau. Cette fois il s’adresse à ces pays dits illébéraux, la Hongrie, la Pologne et aux mouvements populistes qui défendent sans broncher la morale biosexuelle de l’église romaine, mais se démarquent des derniers propos du pape à propos de l’accueil des migrants, des réfugiés, des laissés pour compte. A l'inverse, dans la « droite » ligne de Laudato Si’, d’autres courants plaident pour l’ouverture des frontières ou l'extension des quotas et l’écologie intégrale*, tout en prenant leur distance avec la même morale biosexuelle de l'Église catholique.
Au centre, on joue au ppdc (le plus petit dénominateur commun). On s'accommode du mariage pour tous et l’on règle la migration sur l’horloge européenne et l’opportun accord de Dublin qui permet à la Suisse, qui n’a de frontières qu’avec des Européens, de leur déléguer le sale boulot de dresser des murs et des barrières à leurs frontières. Dans les faits, chaque habitant du petit pays béni des dieux navigue peu ou prou au centre. Avec quelques nuances et exceptions notables, certes.
Presque un an après le parti suisse, le PDC genevois va donc voter ce 29 septembre 2021 pour l’abandon du « C », du mot chrétien (historiquement et sociologiquement, l’électorat du PDC est très majoritairement catholique), au profit du « C », pour le mot Centre.
D’une identité idéologique, le parti, qui a fait la Suisse moderne autant que les radicaux et les socialistes, passe à une identité géométrique. Il se conforme ainsi à l’air du temps, où l’important n’est plus de clamer sa vérité mais sa nuance sur l’échiquier politique. Dans un monde médiatique plutôt binaire, les socialistes sont évidemment à gauche, les libéraux radicaux à droite. Il était temps que le PDC se situe au Centre.
Le changement de dénomination présente de nombreux avantages pour cette formation politique (une prise de distance nécessaire par rapport à l’église catholique dont l’état est très préoccupant - genre chef d’œuvre en péril -, un choix nouveau pour nombre d’électeurs, une clarification par rapport au supermarché religieux, un rapprochement avec l’Eglise protestante dont le PDC a adopté les mots d’ordre, en matière de morale biosexuelle justement, et possiblement avec le monde mystérieux et encore moyenâgeux de l’islam. A Genève, l’un des plus dignes représentants en politique de cette tradition controversée, est Mauro Poggia, qui, avant de devenir l’avatar opportuniste du MCG, fut quelque temps membre du PDC. Bref de belles perspectives en perspective, si je peux me permettre.
Ni de gauche ni de droite, mais étant lui-même composé de chrétiens sociaux et de chrétiens conservateurs, le PDC a toujours eut de la peine à définir et défendre un modèle de société propre, même si l’espace est large, les possibles et les nuances nombreux entre le « tout à l’Etat » et le « rien à l’Etat ». Le PDC a un temps évoqué une troisième voie entre le capitalisme financier et le communisme soviétique. Notre Manifeste des jeunes démocrates-chrétiens évoquaient la participation, le modèle rhénan au temps où Die Union (entendez la CDU et la CSU) dominait le paysage politique de notre voisin du nord. Ce temps - le temps des Trente Glorieuses - est passé depuis longtemps. Et la troisième voie devenue chinoise - avec le conversion du parti unique au capitalisme - ne séduit plus que les nostalgiques d’un gouvernement dirigé par un dictateur éclairé. Une nostalgie qu’on trouve aujourd’hui parfois chez les Verts et les manifestants climatiques. Cependant, l’Europe et les démocraties européennes, malgré tous leurs défauts et manquements, tracent une voie originale entre « le tout à l’Etat » et le « rien à l’Etat » qui a le mérite d’exister. Quel continent protège aussi bien ses membres, promeut les minorités en tous genres mieux que l’Europe?
On sait confusément que la gauche - égalité fraternité liberté- est tendanciellement pour la collectivisation des moyens de production ou au moins pour un contrôle étatique strict des activités privées. On sait aussi que la droite - liberté fraternité égalité - est pour la plus faible appropriation des moyens de production par l’Etat et un contrôle aussi léger que possible des activités privées.
Le Centre - fraternité liberté égalité - se méfie de ces deux doctrines. Il croit à la dynamique d’un juste équilibre: une fondue moitié moitié, une salade russe ou niçoise, une paella, bref un peu de tout dans des proportions qui peuvent changer au fil du temps, au gré des forces en présence, de l’état des techniques et même du bon sens commun.
Le « C » (en français), c’est aussi le l’initiale du mot commun, communauté, mais aussi du mot combat. Un combat qui n’est pas une révolution (toujours meurtrière et finalement captée par une nouvelle nomenklatura) mais un combat de tous les instants, à tous les niveaux, à commencer par soi-même, son voisinage, son quartier, sa commune, son canton, son pays et l’union formelle ou non qu’il noue avec ses voisins et le monde entier.
Je souhaite bonne chance et longue vie au Centre dont la raison d’être est moins d’assener sa vérité qu’à être le creuset où se forgent les bonnes politiques pour tous et pas pour un clan ou une classe seulement.
* L’écologie intégrale fera l’objet d’un prochain billet.