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#œcuménique: Je te prête ma maison pour faire la fête

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cathedrale entree poupees blanches (2).JPGA Saint-Pierre de Genève ce matin, deux poupées blanches accueillent les chrétiens de la cité, tous les chrétiens quelle que soit leur église. Sont-ce des anges? Il.elle.s portant une coiffe du temps de la Réforme. Une réforme qui se poursuit. En 2020, une messe catholique aura lieu à Saint-Pierre le 29 février prochain, à 18h30.

Trois cents personnes, plutôt âgées, ont bravé la bise et pénètrent dans l'austère temple pour le culte de 10 heures. Le culte, dit par six hommes et une femme, est en fait une cérémonie œcuménique.  Elle ouvre la semaine de l'unité des chrétiens. Une tradition vieille de quelques décennies, une goutte d'eau dans l'histoire bimillénaire de la chrétienté.

De l'eau, chacun en a mis dans son vin. On s'en tient à la liturgie de la parole, désormais presque consensuelle, dit le pasteur de la cathédrale Emmanuel Rolland, pour qui l'Ecriture compte plus que tout. L'Eucharistie, le partage du pain et du vin consacrés, reste une pomme de discorde. Surtout aux étages supérieurs, souligne le pasteur, où les théologiens et les doctrinaires font la loi. 

cathedrale ceremonie oecumenique 19 janvier (2).JPG

Au ras du sol, à Genève, les catholiques, protestants et orthodoxes engagés marchent main dans la main. Depuis des lustres. Les pastorales sont communes dans les hôpitaux, auprès des handicapés, dans les prisons, auprès des migrants, des pauvres.

Des pastorales communes par conviction. La division est une blessure, une offense au message évangélique, un prétexte pour de nombreux croyants attiédis de s'éloigner des chapelles aux querelles parfois byzantines, à s'absoudre des anathèmes, du sang versé.

Par nécessité aussi. Les chrétiens font désormais d'autant plus corps ici que leur troupes s'amenuisent. L'unité, la reconnaissance mutuelle est vitale, souligne un Hongrois rencontré à l'issue de la cérémonie, dont la patrie fut et est toujours à la frontière des plaques tectoniques européenne et proche-orientale.

Le 29 février, tous les chrétiens qui le souhaitent seront les bienvenus à la table de communion, a dit le vicaire épiscopal de Genève, Pascal Desthieux. Rien de nouveau mais, pour certains, un contresens problématique. Cette semaine, l'abbé Marc Passera, président du Rassemblement des églises et communautés chrétiennes de Genève, m'a expliqué que communier c'est, pour les catholiques, recevoir vraiment le corps du Christ et que l'église est depuis le XIe siècle le corps mystique du Christ. Communier, c'est donc aussi attester son adhésion à l'église.

Pascal Desthieux n'en a-t-il cure? Le vicaire avance et considère sans doute, comme l'a prêché le pasteur Rolland en référence à la lecture du jour, qu'il est temps d'alléger le bateau si l'on veut sauver l'équipage.

Un culte à Saint-Pierre de Rome?

Desthieux annonce qu'il a d'ores et déjà proposé qu'un culte soit dit en la basique Notre-Dame à la date que voudra l'église réformée de Genève. Pour notre part, nous avons choisi le 29 février pour signifier notre entrée en Carême - le ramadan catholique. Pour ce qui est d'un accueil d'un culte calviniste à Saint-Pierre de Rome, il fera suivre la demande de ses hôtes. Il rappelle que la Vatican a déjà accueilli des cérémonies œcuméniques avec les orthodoxes, les Luthériens et les protestants et que le dialogue avec les autres croyances est plus vivant que jamais. Qui sait? me dis-je, les voies de Dieu sont impénétrables. 

On sent pourtant que si Paris vaut bien une messe, celle du samedi 29 février 2020, reste en travers de la gorge de certains. J'ai reçu beaucoup de messages surpris et critiques, avoue le pasteur Rolland. Il n'est pas homme à se laisser démonter. Ses paroles sont mesurées mais fortes. L'invitation est un acte d’hospitalité que nous dicte l’Évangile. 

Tous dans l'assemblée ne sont pas encore convaincus. Un homme dans la quarantaine se dit choqué qu'on accueille dans ce haut lieu de la Réforme une église toujours misogyne, qui bafoue les droits des homosexuels, qui professe des mensonges à propos de la communion. 

Un ange passe.

Pascal Desthieux s'en sort par quelques pirouettes: Le pape vient de nommer une femme comme ministre des affaires étrangères du Vatican, ce n'est pas rien. S'agissant de l'homosexualité, le patron des catholiques de Genève y réfléchit dans le cadre d'un groupe de travail qu'il préside pour le diocèse. Quant au mensonge de l'eucharistie, le prêtre s'offusque et cite les paroles de Jésus: "Ceci est mon corps, ceci est mon sang, mangez et buvez en mémoire de moi." Nous ne faisons rien de plus durant la messe. 

Pascal Desthieux a remercié très chaleureusement la paroisse de la cathédrale et son président Daniel Pilly. Cette messe n'est nullement une reconquête, c'est un signe que nous sommes prêts à faire un pas l'un vers l'autre: "Il n'est pas question de reprendre Saint-Pierre. L'entretien du bâtiment serait d'ailleurs au-dessus de nos moyens."

Tous semblaient se réjouir que ce qui paraissait impossible il y a encore quelques années soit en passe de devenir réalité, cinq siècles après l'éviction par les protestants des catholiques de Genève d'un édifice emblématique de la cité dont les racines remontent au VIe siècle. Et même bien avant, rappelle une intervenante guide touristique: la colline de Saint-Pierre fut un lieu de culte ancien. 

Malheureusement la cérémonie n'a pas été enregistrée. Dommage. Elle aurait été un témoignage plus juste dans les actualités que les trois minutes que Darius Rochebin consacrera sans doute à la messe du 29 février, qui sera concélébré par vingt ou trente prêtres. Un point que le jésuite Bruno Flugistaller et le pasteur retraité Daniel Neeser contestent. Et moi aussi. 

Ce billet ne peut résumer la richesse des propos. Pour en saisir le sens, on lira avec attention la lecture du jour des Actes des apôtres, que les officiants ont fort bien commentée.

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Commentaires

  • « Ce billet ne peut résumer la richesse des propos. », en effet mais vous rendez compte dans les grandes lignes de ce moment que chaque participant(e) a vécu de manière aussi intime que quasi passionnelle.

    Et surtout, vous avez raison de regretter que ce partage oecuménique qui se voulait aussi explicatif et comme on dit aujourd’hui « participatif », n’ait pas été enregistré.

    Cela dit, j’ai, pour ma part, discuté avec plusieurs personnes, catholiques et protestantes, qui avaient chacune des réserves quant à ce qui nous attend le 29 février.

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