Je ne dégomme pas un sympathique petit bistro qui fait une honnête cuisine de petit bistrot, je n’en parle pas, mais je ne rate pas ceux qui prétendent jouer en ligue supérieure et auraient mieux fait de demeurer en seconde. C’est en substance ce que m’avait répondu Alain Giroud, critique gastronomique de la Tribune de Genève qui a fréquenté les meilleurs chefs francophones. Cette réflexion me saute à l’esprit quand je constate le peu de critiques qu’a suscité le dernier essai d’Amin Malouf: Le naufrage des civilisations. Un silence qui en dit long.
Le sujet de la collapsologie est pourtant à la mode.
Le réchauffement climatique qui nous promet l’enfer et les pires tempêtes, les migrations que nos murs ne parviennent pas à endiguer, la dénatalité et le vieillissement de l’Europe (mais aussi du Japon et de la Chine), le big data et la 5G qui promettent de nous traquer mieux que Big Brother dans la dystopie d’Orwell, CRISPR et les outils du génie génétique qui vont nous permettre de bricoler l’ADN de tout ce qui grouille sur terre et dans les cieux, la démocratie qui recule, le divertissement qui envahit tout, la violence banalisée, le salariat qu’on dévalue en promettant à chacun une rente à vie, de la naissance en matrice artificielle à la crémation ordonnée. Il y a de quoi écrire une somme de mille pages.
Malouf évoque surtout son Levant natal qui ressemblait encore à un pays non pas de cocagne (cocagne, ce fut le pétrole et les têtes soudain trop riches qui tournent et se perdent) mais un état minimal de cohabitation entre de qui était déjà des tribus et est devenu des factions armées identitaires, exclusives, folles et pour quelques-unes hyperviolentes.