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Le troisième combattant

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comite international emblème.jpgMais qu'est-ce qui les pousse à s'engager au coeur de la guerre, dans des causes apparemment perdues ces délégués du CICR, ces engagés de la coopération au développement, ces sans-frontiéristes de tout poil: médecins, infirmiers, ingénieursagronomes, pompiers, charpentiers... Le film de Romain Guélat et Jean-François BergerDocteur Junod, le troisième combattant, présenté hier soir à l'Alhambra - ne répond pas vraiment à la question. Est-ce que Survivor, donné ce soir à la Maison de la Paix dans le même cadre du FIFDH, y répondra mieux?
 
Mais, dira-t-on, en ce temps sans perspectives, sans autres convictions (oserais-je écrire foi?) que celle de la peur de mourir du réchauffement climatique ou de l'ingestion de nourriture non bio et sans frontières, qu'importe la motivation personnelle, c'est l'engagement qui compte. Sans doute. Mais pourquoi si peu s'engage et pourquoi s'engage-t-on si peu? Pourquoi certains frères humains s'engagent-ils dans des causes humanitaires beaucoup plus que d'autres, parfois au péril de leur vie et souvent de leur carrière? Qu'est-ce qui les motivent? 

Plus du 16 mars

En contre-point du Dr Marcel Junod, archétype tintinesque du délégué CICR, descendu des montagnes jurassiennes (Neuchâtel), pétri de convictions protestantes - dont le film ne dit mot - surgit, dans cette biographique plutôt linéaire et hagiographique, Christine Cipolla, une humanitaires d'aujourd'hui, aux prises non plus avec des armées régulières, mais avec des groupes armés sans foi ni loi. Il y en a 100 à 120 au Nord Kivu qui se disputent la région riche en terres rares.
 
Une femme forte, 14 ans de CICR, frigorifiée sur la scène de l'Alhambra, tout juste débarquée du Congo, où elle est pour quelques semaines encore cheffe de la délégation de l'ONG genevoise. Elle dit: "On ne croit pas avant qu'on est capable de faire ce métier. On ne le croit pas non plus après. Mais quand on est sur le terrain, on se bouge, on se décarcasse, on prend la main des gens qui souffrent et qui meurent. On a peur, parfois on ajourne une action, mais on ne tient pas si l'on ne s'engage que pour l'aventure, l'exotisme. 
 
Certes, mais pourquoi? Pour la cause de droits humains? Par amour du prochain?
 
L'un et l'autre sont intimement liés ont rappelé, la veille à Infrarouge, deux politiciens de droite (Poncet, Freysinger), étrangement opposés, dans un débat un peu déséquilibré, à deux militants des droits humains (Manon Schick, directrice générale Amnesty International Suisse et Rithy Panh, cinéaste franco-cambodgien) où il était question de savoir si les droits humains sont ou non de l'histoire ancienne. Manière de dire qu'ils sont contingents à l'Europe et à sa civilisation, dont l'aura s'éteint? 
 
D'Abyssinie à Hiroshima, en passant par la guerre d'Espagne et le Seconde guerre mondiale, le fameux délégué Marcel Junod (fameux dans les cercles étroits du CICR) a eu une vie extraordinaire, fauchée prématurément à 57 ans, en 1961, par une crise cardiaque à l'hôpital cantonal où il était médecin. Je n'avais jamais entendu parler de lui. Dois-je en tenir responsable le Département de l'Instruction publique? Hiroshima l'a honoré, pas (encore) Genève.
 
Dans le film de Guélat-Berger, il paraît bien seul et bien impuissant face aux centaines de millions de vies détruites par le désir de puissance des hommes. Comme son honorable organisation d'ailleurs, dont on voit l’emblème frappé de la croix rouge et dont la marque "Comité international Genève" s'affiche à l'arrière des 4x4 soudain comme une incroyable promotion de la ville et du canton éponyme. 
 
Son fils, Benoît Junod, n'en a pas dit beaucoup plus, hier soir sur la scène de l'Alhambra. Sauf qu'en racontant cette anecdote, qui aurait pu ouvrir le filme et lui donner un tour moins documentaire et plus incarné, il a rappelé l'histoire du bon samaritain:
 
Un jour à Jussy, j'étais encore gamin, ma mère a reçu un énorme bouquet de roses, une cinquantaine au moins d'un mètre de long. Quelque temps plus tard, on apprit que le bouquet remerciait ma mère pour avoir, des années durant, laissé son homme courir le monde sous l'emblème de la Croix-Rouge.
 
Durant la guerre d'Espagne, Perpignan et son hôpital était une base arrière des Républicains et mon père s'y rendait régulièrement. Une nuit, passant par le Perthus qui avait alors des allures de sentier muletier, il aperçoit dans la lueur de ses phares une main levée au bord du chemin. Il s'arrête et découvre un soldat blessé inconscient. Il ne peut le laisser là et le cache sous la banquette arrière, espérant passer la frontière sans encombres. Arrivé à Perpignan, il confie le blessé à un médecin et oublie l'incident.
 
Le soldat s'était remis et s'était plus tard embarqué pour les Amériques où il avait fait une petite fortune. De retour un jour en Europe et de passage à Genève, il s'enquit de l'adresse de son sauveur et fit porter à son épouse le fameux bouquet de roses. 
 

 

Plus

 
J'ai reçu le 16 mars ces informations utiles qui réagit à cette note: "Je n'avais jamais entendu parler de lui"

Normal, comme tous les Suisses vous avez suivi scrupuleusement l’histoire de la Suisse pendant la Seconde Guerre mondiale, construite et diffusée par des gens comme Ziegler et d’autres idéologues. C’est ainsi que tout l’immense travail du CICR a été réduit à démontrer qu’il était pro nazi.

Il ne s’est trouvé aucun historien en Suisse pour montrer l’immense travail accompli par les délégués. C’est encore Anne Cunéo qui a montré ceci : http://www.cuk.ch/articles/5098/  Il y eut aussi Raymond Courvoisier :  http://www.livresdeguerre.net/forum/sujet.php?sujet=1488

Et si vous aviez eu la curiosité d’aller sur le forum Livres de guerre vous auriez su qui était le Dr Junod, j’ai présenté son livre il y  a 10ans

http://www.livresdeguerre.net/forum/sujet.php?sujet=1175

 

Commentaires

  • Il y a une face sombre de l'engagement CICR sur le terrain. Ce n'est pas le chef de délég qui risque sa vie, mais le petit délégué qui reçoit l'ordre de son supérieur de se rendre dans telle ou telle zone malgré tous les dangers prévisibles. Cela dérange pas mal de monde, au bout du bout.

  • Excellent article et très touchant, M. J.-F.Mabut.
    C est vrai que votre interrogation est intrigante sur le "Pourquoi certains frères humains s'engagent-ils dans des causes humanitaires beaucoup plus que d'autres, parfois au péril de leur vie et souvent de leur carrière? Qu'est-ce qui les motivent? "

    Je n ai qu une courte citation à suggérer et qui est la suivante : "Nul être humain n'est trop mauvais pour être sauvé. Nul être humain n'est assez parfait pour avoir le droit de tuer celui qu'il considère à tort comme entièrement mauvais." Mahatma Ghandi.

    Bien à Vous.
    Charles 05

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