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La censure est toujours active

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censure palais de justice.jpgVu de notre XXIe siècle volontiers libertaire (sur le plan de la culture avec un grand Q s'entend), la censure étatique, qui protégea les Genevois de la vue de 350 films jugés licencieux, de 1934 à 1980, - il suffisait de passer la frontière pour aller voir Le cuirassé Potemkine ou Emmanuel à Annemasse - la censure donc apparaît à la fois scandaleuse et anachronique.

L'historien Henri Roth fait le récit précis et documenté de cette tranche de Genève dans "Censuré", un ouvrage qu'il a présenté mardi au café Slatkine, un estaminet qui donne sur la rue des Chaudronniers et est adossé au Palais de justice... Cette justice qui s'employa longtemps, tant à Genève qu'au Tribunal fédéral, à Lausanne, à conforter les avis de la Commission de contrôle des films.

La commission a été instaurée par le Gouvernement socialiste de Léon Nicole et maintenue sans faillir par les gouvernements radicaux puis multicolores qui lui succédèrent à la Tour Baudet. Jusqu'en 1980, quand L'Empire des sens eut raison des censeurs, car, dit enfin un tribunal en 1986, ils ont agi pendant 46 ans sans base légale. Un péché devenu mortel pour bien des règlements et arrêtés du gouvernement genevois.

Henri Roth raconte de nombreuses anecdotes. La plus fameuse est rapportée par le célèbre critique de la Tribune Georges Bratschi qui assista le 10 novembre 1975 à l'ABC au visionnement matinal d'Histoire d'O avec le Conseil d'Etat in corpore. Sa chronique dans la Tribune fit rire tout Genève et mortifia le gouvernement qui s'en plaignit au tout puissant rédacteur en chef Martin.

Roth, qui fut journaliste à la Tribune, cite son illustre confrère in extenso. ça commence comme ça: "Les conseillers d'Etat ne se sont jamais levés si tôt pour contempler les demoiselles couchées. Ils arrivent à la queue leu leu bien avant les coups de neuf heures..."

Les censeurs sont comme les cocus. On s'en moque. Cependant, de gauche, comme de droite, la censure fut longtemps soutenue à tort ou à raison par la majorité silencieuse. Qui l'est restée hier soir du côté de chez Slatkine. Aujourd'hui encore, une commission nationale fixe l'âge recommandé pour voir les films.

La chair est triste... Avec le recul, les débats de la commission aussi. Sauf que...

IMG_0017.JPGSauf qu'en ce XXIe siècle, la licence sans frein et le déferlement sur les réseaux et dans les jeux des images violentes et avilissantes, réelles ou virtuelles, font toujours problème. Même qu'hier, les Claude Richardet, Christian Zehnder et autre Albert Knechtli, trois contestataires élus à la commission au fil des années 70, mais trois censeurs tout de même, qui ont évoqué leurs souvenirs sur le trottoir des Chaudronniers, s'interrogeaient sur le présent tsunami d'images...

Sauf que si, sous nos latitude, l'Etat n'imagine pas mettre un policier derrière chaque citoyen, le plus grand "imprimeur" du monde, le ci-devant Facebook, élimine sans état d'âme toute image montrant les organes sexuels et les seins et menacent les contrevenants d'un bannissement temporaire ou définitif. Sans aucun recours possible.

Sauf que la France s'enflamme non plus pour le bi ou le monokini mais contre le burkini qui effraye le quidam et les politiques comme si le drapeau noir de Daech couvrait l'Europe.

Sauf que le politiquement correct fait des ravage et interdit de prononcer certaines vérités sans user de paraphrases ou de mots policés.

Sauf que si le sein s'ébat, Luky Luke ne suce plus sa clope.

Sauf que le dressing code du Conseil des Etats empêche une femme de siéger parmi ses pairs cravatés en robe à bretelles sans se faire rappeler à l'ordre.

Dura lex sed lex.

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