"Nous sommes devant un patient...", dit le prof Bernhard Waldmann de Fribourg, en introduisant le deuxième thème du Forum Etat et médias dans la démocratie: Rôle de l'Etat...
Un patient, une danseuse dirait Bernard Campiche (lire la note précédente), qui souffre d'anémie grave. La publicité boude les journaux et les lecteurs lui font des infidélités vers les nouveaux médias: internet et intelliphones.
Ce n'est pas nouveau. Un premier coup de bambou leur a été asséné lorsque la TV est devenue le premier média d'information générale. Mais la TV perd son âme dans la pipolisation, le rythme, l'émotionnel, le live, le reality show, qui n'est qu'une caricature de la réalité, bref toutes formes peu propices au débat citoyen et à la réflexion politique.
Deux sujets sont présentés, en termes très académiques et donc sans grand intérêt pratique ou même stratégique - on devrait créer le palmarès des Universités les plus inventives dans le domaine de la formation interactive:
- La liberté des médias, plus qu'une protection contre la censure étatique se demande la prof Eva Maria Beiser de Fribourg? Seul affichage à l'appui de la lecture ex-cathedra: l'article 17 de la Constitution "Medienfreiheit/Liberté des médias".
- Le soutien de l'Etat, un panorama dressé par le prof Pascal Mahon de Neuchâtel. Un powerpoint sur le droit comparé. Bon point, il est distribué sous forme papier, mais pas disponible online. Sans liberté des médias pas de démocratie, commence le Neuchâtelois. Les médias sont un chien de garde vis-à-vis de l'Etat, d'où certaines tensions. ça commence bien. Il distingue quatre âges des relations entre Etat et médias.
Ma religion est faite. Les médias d'information générale et politique - type SSR - livrent comme l'agriculture des prestations annexes qui sont d'intérêt public et que le marché ne parvient plus à financer:
- la couverture des activités des institutions politiques
- la présentation des sujets soumis aux votations populaires
- la libre expression des opinions, notamment via les blogs
- la supervision du débat citoyen via le contrôle des commentaires publiés sous les articles
- l'organisation et l'animation de débats publics
- les contributions dans le cadre de la semaine des médias,
- etc.
Les états généraux de la presse engagés par Sarkozy dans la foulée du Grenelle de l'environnement a débouché notamment sur la commande par les grandes régies publiques de pages entières de publicité dans les quotidiens français qui ne sont rien d'autres qu'un soutien indirect de l'Etat à la survie économique des journaux.
Les CFF, les entreprises électriques, les banques cantonales, les instituts de formation, les Offices de santé publique, les Services promoteurs de la bonne gouvernance des ménages et des familles suisses (recyclage des déchets, lutte contre la violence conjugale, consommation réduite d'alcool, tabac et autres addictions, etc) pourraient se voir contraints, au travers des contrats de prestations qui les lient aux pouvoirs politiques, de consacrer une petite partie de leur budget à des pages de publicité dans les médias (pas seulement les journaux) d'information générale, lesquels devraient adopter des chartes de qualité et accepter le contrôle de médiateurs indépendants.
Des journaux comme Le Matin, 20 MInutes ou des hebdomadaires comme M Magazine ou GHI ne seraient pas éligibles à ces publicités sauf s'ils se mettaient à consacrer une partie de leur espace rédactionnel à couvrir régulièrement les débats des parlements.
Ce soutien public est pour le prof Pascal Mahon le quatrième âge de l'ère des médias dans la démocratie qu'il dénomme le retour à l'Etat(isation). Le premier âge a duré un peu plus d'un siècle, c'est celui de la liberté de la presse. Le deuxième est est celui du monole étatique et de l'autonomie, le troisième celui de la libéralisation.
En fait Pascal Mahon se rend compte qu'il dresse là l'histoire des médias audio-visuels et non celle de la presse écrite. Il va donc balayer rapidement ses slides trop exclusivement consacré à l'histoire de la SSR pour conclure sur celle des journaux. L'assistance composée essentiellement d'étudiants est d'une passivité remarquable.
Le retour de l'Etat(isation). Pascal Mahon ajoute un point d'interrogation à son 4e âge. Il cite les démêlés de Sarkozy avec la presse, la loi baillon en Italie. Mais il ne cite aucun exemple en Suisse? Serions-nous blanc comme neige? Le seul risque d'une plainte pénale ou civile, coûteuse en frais d'avocat et pire si le journal est condamné, suffit à rendre les rédactions prudentes.
Le professeur n'est plus très à l'aise dès qu'il abandonne son powerpoint, qu'il n'a fait que survoler. Il enfile des généralités. Un peu de courage Monsieur le professeur!
"Pourquoi l'Etat ne s'occupe-t-il pas de la presse imprimée? Par souci d'indépendance? La profession semble divisée sur la question selon que ses ténors sont optimistes ou pessimistes. Il faudrait montrer, construire un modèle de travail montrant que l'environnement de la presse change à ce point et que sa diversité est à ce point atteinte qu'ils nécessiteraient l'intervention de l'Etat."
"Il ne suffit pas de dire: la presse va mal donnez-nous des moyens! Un modèle doit obligatoirement intégrer les nouveaux médias. En outre la presse écrite veut-elle se soumettre à un mandat de prestations comme la SSR?"
Débat
Philippe Amez-Droz: En France, le Grenelle de la presse a établi que les aides à la presse dépassent le milliard d'euros. Elles ne se montent qu'à quelque 30 millions en Suisse. Que pensez-vous des sites payés par la redevance qui veulent accueillir de la publicité.
Pascal Mahon: Le législateur devrait intervenir et cite la suppression de la publicité dans le secteur public.
Je croyais que les Académies avaient vocation d'être à la fine pointe de l'invention conceptuelle, de l'exploration des territoires inconnus, de la découverte et de l'évaluation de nouvelles hypothèses. Rien de tout cela ce matin!