Les gazettes européennes n'ont pas de mots assez durs ce matin pour dénoncer le sauve-qui-peut européen face à l'incendie des bourses et des maisons financières. Sarkozy n'a pas réussi à convaincre samedi ses 26 homologues de l'Union à agir de concert. Merkel a garanti les fonds d'une caisse d'épargne bavaroise.
Les Etats sont appelés à la rescousse par des capitalistes sans foi ni loi, non qu'ils soient convaincus que c'est leur rôle, mais ça paraît être la seule antidote au trou d'air de confiance dont souffre le système. Quand les budgets publics sont, au cours de longs et fastidieux débats parlementaires, serrés, rapés, rognés pour éviter de gonfler la dette, voilà qu'en quelques heures, sans débat public, sans possibilité de recours, des milliards sont déversés comme autant d'eau salvatrice sur un brasier.
Il y a de quoi laisser le simple citoyen songeur. Et leurs députés dépités.
Les crises sont forcément douloureuses. Elles étonnent autant par leur irruption soudaine. Elles génèrent aussi leur pesant d'experts qui sur le ton de "on vous l'avait bien dit" avouent en fait leur impuissance à avoir pu les prévenir. Le débat sur trop ou trop peu de régulation fait rage. Ainsi les libéraux extrêmes, tel Michel Grandjean de l'UBP ce matin dans Le Temps, trouvent l'origine de la crise dans l'excès de régulation publique qui aurait incité les banques à contourner ces barrières et à inventer des instruments financiers sophistiqués dans ce but. Bref on n'a pas fini de purger des années d'argent facile. L'émission Capital sur M6, toujours excellente, en retraçait déjà une histoire édifiante hier soir.
Mais que vient faire Dal Busco dans cette galère? Il est comme Sarkozy et Merkel prisonnier d'un système. Le président de l'Association des communes genevoises a remis il y a dix jours, au ministre des finances du canton une nouvelle répartition des ressources fiscales des communes. En fait, ce projet ajoute trois nouveaux emplâtres sur un système mis en place il y a bientôt un siècle qui n'a cessé d'être peaufiné lustre après lustre. Et qui est devenu une horlogerie que bien peu de magistrat et je crois encore moins de conseillers municipaux maîtrisent. Plutôt donc que de refondre une mécanique opaque et non démocratique, le président des communes et ses camarades de jeu ont préféré augmenter encore la complexité de la chose.
Serge Dal Busco pouvait-il faire autrement? Oui en théorie, non en pratique. Un élu des communes ne peut demander la suppression de la souveraineté fiscale communale. C'est exactement dans cette situation que se trouvent aujourd'hui Sarkozy et Merkel. Ils sont les chefs d'Etats nations. Ils sont élus par les citoyens de ces Etats. Dites-moi quel politicien européen peut prendre le risque électoral de mettre dans un pot commun des milliards d'argent public qui iront renflouer des banques du Luxembourg ou des îles anglo-normandes? Sans parler des risques qu'elles ont prises hors des frontières européennes?
Cette crise comme toute crise a du bon. On le verra peut-être. Pour l'Europe de la forcer enfin à s'intégrer un peu plus au plan financier. Une nouvelle constitution sortira peut-être de la débâcle économique que ce matin on nous promet.
Genève qui engage sa révision constitutionnelle à froid, sans passion, sans émotion, sans précipitation, pourrait peut-être tirer profit des désordres actuels pour s'interroger au-delà des tabous et des pesanteurs historiques sur la raison d'être de ses communes.