C'est difficile de faire la fête de Genève (14/08/2016)

Étrange ambiance, samedi soir, à la sortie du feu d'artifice du désormais Geneva Lake Festival. Une fois la dernière fusée éclatée dans un tonnerre de crépitements assourdissants, le jet d'eau s'est effondré. Il avait majestueusement ponctué le dernier quart d'heure des tirs bien rythmés et plutôt poétiques du Français Berthonneau. Il n'a pas réapparu laissant la rade dans une nuit d'urgence, celle des feux bleus des vedettes de la police.

La foule a poliment applaudi. Sans manifester ni effusion ni émotion ni fraternisation. Genève est une cité hors sol, davantage encore en plein été. Le monde s'y cotoie sans s'embrasser. Elle s'est calmement fondu dans les rues. Le quai du Mont-Blanc était bondé, mais il n'y avait rien à y faire. Aucun bal populaire.

De la rue, les club-house barrent la vue du lac, où il ne se passe plus rien. La navette lacustre gratuite (dont l'accès relève du parcours du combattant) joue les abonnés absents. Dix minutes, vingt? On décide dans une semi-pénombre de rallier la rive gauche par le pont des Bergues. Le pont du Mont-Blanc annoncé interdit à la circulation laisse néanmoins circuler des colonnes de piétons sur un tiers de sa largeur. On s'y engage. On progresse entre le double parapet métallique qui sépare les autos des piétons et les barrières qui ont enclos les spectateurs payants. 

Étrange ambiance.

La promenade du lac est sordide, jonchée de détritus (comme le quai du Mont-Blanc d'ailleurs, partout les poubelles dégueulent). Le monument national, l'horloge fleurie, le jardin anglais sont plongés dans la nuit. Des ombres semblent s'y promener ou se reposer sur le gazon éteint.

Tandis que le staff des fêtes plient les chaises, on déambule devant des stands sans attraits que des cerbères barrent aux visiteurs qui ne déclarent pas vouloir consommer. On finit pas s'asseoir. Après deux ou trois rappels on nous apporte deux petites flûtes de champagne servies dans des verres en plastique et une bière (servie sans verre). Pour 37 francs. 

On n'ira pas plus loin. Au bout du quai, les manèges des forains gesticulent sans bruit. On dirait des miniatures esseulées. Où est la grande roue?

La promenade du lac plonge sous le pont du Mont-Blanc. Peur sur la ville. Bonjour les toiles d'araignée! Le coeur de la ville prend des airs d'une morne banlieue. Le chemin de pavés inégaux longe Le Lacustre, hideux bunker de béton. Il faut remonter sur le quai Général-Guisan, dont les boutiques, comme celles des autres rues commerçantes, n'arborent aucun décoration particulière, car les Terrasses de Genève se sont barricadées derrière de grande bâches blanches que surveillent des videurs musclés.

Pas une lumière supplémentaire, pas un projecteur ne viennent animer les lieux. La place du Rhône est vide. Le Molard paraît en vacances. L'île Rousseau découpe ses arbres noirs sur une ville fantôme. Les aménagements végétaux du pont des Bergues sont à peine visibles. Et c'est ainsi jusqu'au pont de l'île. Aucun grand hôtel n'a mis en valeur son immeuble.

Il fait 20 degrés, la nuit est douce. La ville est triste. Un jeune aviné a la gueule ouverte. 

Sur l'autoroute, les panneaux d'information routière ont affiché durant les dix jours des fêtes: "Genève centre ville entravé!"

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