Temples et églises à vendre? (25/06/2008)

roseraie cloches.pngL'Eglise protestante de Genève s'engage dans une nouvelle révolution. Après s'être organisée comme une entreprise, avec une direction exécutive flanquée d'un dir com et d'une direction financière, après avoir licencié des pasteurs et fusionner ses paroisses, l'Eglise protestante de Genève est en passe de démolir un temple. celui de la Roseraie inauguré le 19 mars 1961.

Chez les catholiques, tout autant frappés par la défection des fidèles, le sujet n’est officiellement pas à l’ordre du jour, affirme Denis Thorimbert. Dans cinq ou dix ans peut-être, élude le secrétaire général de l’Eglise catholique romaine, qui ne méconnaît pas la situation financière périlleuse de certaines paroisses, ni la charge symbolique d’une telle perspective.

L'agonie du temple de la Roseraie a été lente. A l'occasion du 25e anniversaire de la paroisse en 1979, le pasteur André Péry dresse un premier bilan inquiet. Vingt ans plus tard, la fusion de la Roseraie avec la Jonction et Plainpalais Acacias est consommée. Le tempe de la Rosereaie est de trop. La nouvelle paroisse de l'Arve quitte les lieux qui sont successivement loués à l'Eglise adventiste portugaise et à la Mission évangélique italienne et à une fondation d'aide aux réfugiés.

747273271.pngLa démolition s'impose aujourd'hui pour trois raisons, explique Michel Deferne trésorier de l'EPG dans un article publié dans la Vie protestante de ce mois de juin. L'absence de besoin pour l'EPG, le coût de la rénovation estimé à 800 mille francs et la perspective de réaliser des logements bon marché tout en réduisant la dette de l'Eglise de 5,2 millions de francs. Montant qu'est prête à débourser l'entreprise Implenia pour réaliser un immeubles dont la majorité de HBM. Le projet n'a rencontré aucune opposition, sinon la tristesse des derniers paroissiens et du constructeur de l'édifice Claude Grosgurin.

"C'est la même génération qui l'a vu sortir de terre qui le verra retrouver à la poussière, c'est assez inhabituel" confie Claire Chimelli à la rédactrice en chef de la VP, Aline Bachfne. Inhabituel, certes, mais annonciateur d'autres chantiers de ce type? Non, assure Serge Bimpage directeur de la communication de l'Eglise protestante.

Quelle serait la première église à tomber sous le boulet démolisseur? Celle de La Sainte famille sauvée par Notre Dame des Grâce du Grand-Lancy. Celle du Lignon mangée par la carbonatation? Pour l’heure, les conseils de paroisse se préoccupent de mieux valoriser leurs biens. Au Lignon justement, des locaux paroissiaux ont été loués à la commune de Vernier. Aucune paroisse — les églises sont leur propriété — n’a encore adressé une demande de désaffectation ou de démolition, assure le secrétaire de l’ECR.

Quelques chapelles ont été démolies, désaffectée et vendues depuis 50 ans. Notamment celles dites de la persécution, en référence au Kulturkampf qui à la fin du XIXe siècle avait vu les catholiques fidèles à Rome se voir interdire leurs églises par le régime radical en place et forcer durant plusieurs années de construire des lieux de culte "clandestins".

En marge de la construction des cités satellites dans les années 50, plusieurs de ces chappelles furent désaffectées au profit d'églises nouvelles construites dans la foi alors vaillante sinon ardente des catholiques migrants des cantons suisses, d'Italie et d'Espagne. Une vingtaine d'églises nouvelles à Genève. A Onex, l'église ronde de Saint-Martin a remplacé la chapelle Saint-Luc devenue salle du conseil municipal. Au Petit-Lancy, la chapelle, transformée récemment en stamm des Amis montagnards, a été vendue à un particulier après la construction de l'Eglise du Christ Roi. A Meyrin, la chapelle promise à la démolition vient d'être sauvée par un groupe adventiste. A Collex-Bossy, elle est un petit centre culturel communal. A Bardonnex, la chapelle de Compesières a été démolie il y a 30 ans pour faire place à la salle communale.

N’empêche la désertion des lieux de culte et la pénurie de prêtres sont des tendances qui ne semblent pas vouloir s’inverser à moyen terme. Comme chez les protestants, la fusion des paroisses en unités pastorales débouche sur des structures pastorales, où un seul curé souvent âgé dessert plusieurs bâtiments.

A l’évidence, une bonne gouvernance réclamera tôt ou tard de réduire ces frais immobiliers. Les catholiques n’échapperont donc pas à cette obligation. Iront-ils jusqu’à démolir des églises ou à les vendre à des commerçants avisés? Le débat devra bien s’ouvrir.
 
A l’heure où les minarets servent d’arguments politiques à la droite extrême, la démolition possible des clochers suscitera-t-elle une prise de conscience paradoxale mais salutaire de schrétiens infidèles. C’est peu probable.
 
Tous ceux qui ont vécu au début janvier l’événement de Taizé à Palexpo savent qu’un hangar gigantesque et sans clocher mais débordant de bonnes âmes vaut parfois mieux que des temples et des églises vides. Seuls les nostalgiques de l’Europe chrétienne et les préposés à la mémoire des pierres devraient s’offusquer d’un avenir qui paraît inéluctable.

Ailleurs le débat défraye de temps à autre l'actualité.  Voir quelques articles à ce sujet:

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