Zappelli, huitième conseiller d'Etat? (20/05/2008)

464131606.jpg Fut un temps où le huitième conseiller d'Etat demeurait au Journal de Genève. Notre consoeur François Buffat, aujourd'hui romancière, connaissait le banc et l'arrière banc de la République. Elle savait fourrer son nez partout. A la même époque, cette fonction occulte lui était disputée tantôt par les Barde, patrons des syndicats patronaux, tantôt par les chanceliers d'Etat, seul fonctionnaire à avoir rang de magistrat, dont certains furent plus politiques que les autres. Désormais c'est le procureur de la République qui a officiellement été intronisé hier 8e conseiller d'Etat.

 

Le chef du ministère public a parachevé, dans un "discours de Saint-Pierre" prononcé à la première personne du singulier, l'accaparament de son emprise sur la police entamé par le socialiste Bernard Bertossa. Les Genevois se sont-ils rendus compte que depuis trois ans bientôt le Département de Justice et police a disparu au profit d'un département des Institutions. Ont-ils mesuré les conséquences du fait que depuis quelques années le budget du Palais de Justice est défendu au Grand Conseil par le procureur général et non plus par Laurent Moutinot, ministre de tutelle désormais sans portefeuille.

Cette dérive n'en est en fait pas une, du point de vue historique tout au moins. Il suffit pour s'en convaincre de lire le feuillet publié sur le site internet de l'Etat de Genève par Gérard Bagnoud, archiviste du Pouvoir judiciaire pour en comprendre l'origine. Le procureur général est la plus ancienne magistrature du canton encore en fonction. Elle remonte à 1534.

Est-il sain en ce XXIe siècle débutant que le premier magistrat du Pouvoir judiciaire s'arroge des pouvoirs d'ordre public? Assurément non. Il y a manifestement confusion. Et l'on attend du Grand Conseil sinon de la Constituante de remettre de l'ordre dans nos institutions. On peut discuter de l'opportunité de rattacher la police judiciaire au ministère public, mais il n'est pas acceptable que celui-ci instruise Madame la cheffe de la Police et lui commande séance tenante un rapport sur la sécurité dans les quartiers.

Au-delà de la redéfinition claire des attributions des pouvoirs exécutif et judiciaire, le discours de Zappelli manifeste une autre dérive. Celle du vedettariat qui s'attache désormais au chef du Palais de justice. Dans un précédent billet du 15 avril, j'avais proposé que la Constituante crée un collège de procureurs, disposition de bonne gouvernance plus conforme au génie suisse. 

L'évolution de la criminalité exigerait aussi que le procureur déborde les frontières cantonales, voire nationales, qui entravent aujourd'hui son action. L'existence de procureurs intercantonaux, voire internationaux sorte d'ambassadeurs de justice pourrait offrir une piste.

Enfin, et ce n'est pas la moindre des réserves, si le procureur devait devenir effectivement le ministre de l'ordre public, il conviendrait de préciser à qui et comment il rend des comptes. La même obligation de rendre des comptes concerne également le corps des juges sur lequel le procureur général n'a d'ailleurs qu'un vague pouvoir adminsitratif. Le rapport annuel du Palais de justice ne saurait suffire à contrôler leurs actions. 

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