© Tribune de Genève; 02.11.2007; page 4 Enjeux Ernesto Bertarelli met les voiles pour Gstaad FISCALITÉ Le canton de Vaud fait la grimace. La famille du milliardaire tire sa révérence et installe son domicile fiscal dans l’Oberland bernois. La famille Bertarelli lâche le canton de Vaud. Le milliardaire Ernesto, comme sa sœur Dona et sa mère Maria Iris, ont décidé de transférer leur domicile principal à Gstaad, dans la commune de Saanen. Ils possèdent depuis des années chacun un chalet et divers intérêts dans la station de l’Oberland bernois, comme le Grand Hotel Park. S’ils garderont leurs propriétés situées entre Chéserex et Gland, à titre de résidences secondaires, c’est un méchant coup pour le canton de Vaud. Ce dernier était en discussion depuis des mois avec le double vainqueur de la Coupe de l’America pour régler sur le plan fiscal la vente de sa société biomédicale Serono au groupe Merck, qui pesait 10 milliards de francs. £ Selon les avocats de la famille, cette décision de déménager obéit avant tout à des considérations personnelles. «Depuis la vente de leur société, à fin 2006, le mode de vie des Bertarelli a évolué, et Saanen, où ils disposent de biens depuis fort longtemps, répond mieux à leurs aspirations», précise Me Lucien Masmejan. En fait, dans sa nouvelle situation, la famille a trouvé sur les pentes de l’Oberland bernois des conditions d’imposition de la fortune plus favorable que sur les rives du Léman. Le canton de Berne a en effet adopté en mars dernier une nouvelle loi fiscale accordant des rabais aux gros revenus. «Contrairement à d’autres cantons, comme Berne, nous n’avons pas de bouclier fiscal pour ce type de fortunes qui se chiffrent en milliards», déplore le président du Conseil d’Etat vaudois. Pascal Broulis regrette amèrement le départ de la famille Bertarelli, mais se déclare heureux de l’arrangement trouvé avec les Bernois. Grâce à une répartition intercantonale de la fortune familiale, négociée au plus haut niveau, le canton de Vaud et les communes concernées de Gland, domicile d’Ernesto, et de Chéserex, domicile de sa sœur Dona, ne verront pas leurs recettes fiscales baisser. La situation de la commune de Gingins, résidence de Mme Bertarelli mère, semble plus délicate. Des forfaits pour nomades Pour Pascal Broulis, le choix de la famille Bertarelli ne relève pas d’un échec sur les discussions entamées après la vente de Serono, mais d’une fiscalité vaudoise très défavorable aux grosses fortunes, à laquelle il s’agira d’apporter rapidement quelques aménagements. «Il faut comprendre que ces gens, qui ont passé du statut d’investisseurs industriels à celui de rentiers, sont des nomades. C’est pour cela que je me bats pour les forfaits fiscaux. » Pour le grand argentier de l’Etat, certaines interventions au Grand Conseil, évoquant nominativement la famille Bertarelli, n’ont pas contribué à établir un climat sain. Jean-Michel Favez (PS), le député glandois qui avait déposé un postulat interrogeant le canton sur la façon dontBertarelli était taxé sur la fortune, ne se sent pas coupable. Même s’il a déjà reçu, hier, un mail vengeur de l’UDC François Brélaz disant que «le socialisme, c’est emmerder les gens aisés pour qu’ils aillent voir ailleurs». «Ce déménagement démontre la nécessité d’établir des règles fédérales pour harmoniser l’imposition des grosses fortunes et éviter le tourisme fiscal, comme le veut l’initiative du PSS», répond le député. Le canton de Vaud n’a pas tout perdu, puisque les Bertarelli y conserveront leurs résidences désormais «secondaires», où, officiellement, ils devront résider moins de 90 jours par an. £