Faut-il démanteler l’Eglise catholique? Non, l’institution s’effondre (15/10/2021)


Plus de 300’000 personnes abusées par des clercs et des laïcs salariés de l’Eglise de France et aucun catholique ne semble ému ou préoccupé de ce côté-ci de la frontière *. Est-ce de l’indifférence à l’heure où l’Eglise catholique suisse lance la même enquête? Est-ce le résultat de ce culte du secret, dans lequel l’Eglise s’est enfermée, et du linge salle qu’on lave en famille - ou plutôt qu’on laisse traîner, qu’on recouvre d’une pudique aube blanche ou encore qu’on tient enfoui, étranglé par ce col romain, signe de la discipline qu’on voue à ce boys club, que serait l’Eglise catholique, selon le terme du sociologue français Josselin Tricou, réfugié à l’EPFL, qui était mardi sur le plateau d’Infrarouge et qui déclare au journal Le Temps: «L’église est un boys club, mais aussi une gérontocratie »

«Abus, faut-il démanteler l’église? » a demandé un brin provocateur Alexis Favre, producteur d’Infrarouge cette semaine.

Inutile, elle s’effondre d’elle-même.

Aucun de ses interlocuteurs, plutôt des francs-tireurs, tous des experts catholiques - aucun évêque n’aurait accepté d’être sur le plateau de notre radio télévision publique nationale - n’a répondu par l’affirmative. 

Aucun car ce serait un sacrilège, une intention diabolique que de vouloir démanteler ce que Dieu a créé. Comment une professeure de droit canon, un sociologue ex-séminariste, un abbé apparemment bien dans sa peau, une présidente de ces nombreux satellite, qui prônent le renouveau et en l’occurrence la démission en bloc des évêques de France, et un paysans devenu conseiller d’Etat fribourgeois, pourraient-ils s’opposer au créateur de leur Eglise: Le Christ lui-même, fils de Dieu, selon les paroles rapportées par ses amis.

Aucun n’a répondu par l’affirmative à la question du démantèlement car l’institution peut, doit se réformer. L’espoir est qu’enfin l’église catholique devienne protestante. Pas dans dans les dogmes - comme l’histoire un peu quantique de la présence réelle dans le pain et le vin de la messe - mais dans sa gouvernance. Et sur ce plan, ça bouge à nouveau. Sous l’impulsion du pape François - l’église catholique c’est comme la France et les dictatures, tout semble dépendre de la tête -  une vaste opération de libre expression est en cours. Le pape a ouvert officiellement l’opération dimanche dernier à Rome. ça s’appelle le synode sur la synodalité… Les catholiques du monde entier sont priés de dire leur foi et leur église. Chacun peut s’y mettre en commençant pas répondre à ce questionnaire

Aucun interlocuteur d’Alexis Favre n’a répondu par l’affirmative à la question du démantèlement de l’Eglise. Parce que leur cœur saigne et qu‘aucun ne veut donner le coup de grâce à une institution qui en fait s’effondre sous nos yeux.

Sans être collapsologue, je constate depuis mon petit promontoire de Compesières un état avancé d’effondrement de mon église. La menace est sérieuse dans la plupart des pays du vieux monde occidental, où la pratique religieuse est en lambeaux, où des vieux répètent face à des prêtres souvent à la retraite des rituels et des prières d’un autre âge, sans joie, sans enthousiasme, cent fois, sans foi.

Certes il y a de belles exceptions, me dira-t-on. A raison. Dans chaque paroisse. Et plus souvent encore hors d’elles. Et l’on se console en se disant que ces exceptions sont le sel de la terre, l’étoile du ciel, le lumignon de la présence éternelle de Dieu. 

Et que fait-on des églises, des prêtres et des évêques et du premier d’entre eux? Devenir protestant, c’est prendre un risque supplémentaire dans une société sécularisée: celui de l’invisibilité. Tandis que Rome et ses rituels rayonne, se fair voir encore dans ce monde bien peu catholique mais (im)médiatique.

Encore faut-il ne pas se tromper de combat. Mon Unité pastorale en cours de formation - celle de Carouge, Acacias, Veyrier, Troinex et Compesières - se chamaille ces jours autour de la juste clé de répartition des charges qui leur incombe (le logement du prêtre et demi, la mise à disposition de salles de réunions, des secrétariats, de la photocopieuse et des petites mains qui font tourner tout ça). Triste et chronophage querelle. 

Fidélité. Le mot, dit-le théologien Denis Muller de Lausanne puise ses racine dans la Fides qu’on peut traduite comme foi mais aussi confiance. La foi n’est pas seulement croyance quelque chose mais aussi confiance en quelqu’un… Et l’infidèle n’est pas tant l’incroyant que le fort qui perd pied… 

 

* Le site de l’église catholique suisse cath.ch a créé un dossier sur la question. On y trouve à ce jour 14 documents dont la lettre ouverte au pape de Nicolas Betticher.

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