La dormition de Benoît (13/08/2021)

64EE10BC-1BE6-4AB2-A461-8020CB5EE945.jpeg« Il a perdu son combat contre la maladie » Ces mots entendus hier soir au 19:30 m’interpellent. Ainsi mon cousin Benoît était engagé dans un combat pour vaincre la maladie? Sans doute. La vie est ainsi. Tenace, rebelle, incroyablement vitale. L’envie de vivre même une vie dégradée est plus forte que nous. C’est ainsi. Combien d’avis mortuaires qui souligne le combat valeureux, la lutte noble du cher disparu?

Disparu? Bien sur que non. Benoît dont la cérémonie d’adieu aura lieu mercredi à la cathédrale Saint-Pierre, n’a jamais été en ces jours de deuil  plus présent dans notre souvenir que le sont bien des vivants que nous côtoyons tous les jours. Et il le restera comme d’autres parents et amis. 

Comme le souligne les hommages que les gazettes (ici, et ) et les gens sur les réseaux sociaux lui consacrent, Benoît était un être singulier. Qui a fait de la marche solitaire et puis, quand la maladie l’a stoppé, du silence, rarement interrompu, une ligne de vie.

J’écris ces lignes alors qu’approche la 15 août, le temps d’une fête religieuse mystérieuse, celle, dans la tradition orthodoxe, de la dormition de Marie, celle, dans la tradition catholique, de son Assomption, celle que ne fête pas la tradition protestante, qui craint Dieu et redoute à juste titre que Marie et les saints lui chipent la première place dans la dévotion populaire. 


Lire à ce sujet cette article sur Cath.ch et celui-ci sur Eglise catholique de France


Et je lis dans La Croix de ce vendredi la méditation de cette fête, que nous propose Bénédicte Rollin, de la communauté des religieuses de l’Assomption de Vilnius (Lituanie). Aucun journaliste, aucun politique ou ami de Benoît, à ma connaissance, n’évoque l’alpha et l’omega, les commencements et les fins de sa vie. Cela appartient à la sphère privée, dans la tradition laïque qui nous gouverne. (Je remarque cependant que l’humain étant dans le genre animal un être pensant et (peut-être essentiellement) croyant, il a tôt fait de s’inventer de nouvelles idoles (Messi), de nouveaux péchés originels (la faute humaine dans le réchauffement climatique) de nouveaux rites (les processions des jeunes de Rise Up) que des grands prêtres instrumentalisent à des fins inconnus.)

J’aime à penser sans l’offenser que la dormition de Benoît, c’est l’idée mystérieuse qu’il repose comme un enfant dans les bras de Dieu, comme Marie, comme chacun de nous. « Notre vocation ultime est d’être transfigurés par l’Amour. » Y a-t-il plus grand réconfort?


82F53840-DAEA-4CB9-AFFC-0A0B80B2056A.pngComprendre
La fête de la Dormition de Marie (selon l’orthodoxie) ou de l’Assomption est née à Jérusalem au IVe siècle, a été établie dans l’Empire d’Orient dès le VIe siècle, et en Occident à partir du VIIe siècle. Elle reflète donc une croyance très ancienne mais n’a pas son origine dans les récits bibliques, qui ne racontent pas la fin de la vie terrestre de Marie. Les textes qui l’évoquent et qu’illustrent les icônes se trouvent dans les apocryphes.

On y trouve les éléments suivants : un ange annonce à Marie sa mort, paisible tel un endormissement. D’où le terme « Dormition ». Pour y assister, les apôtres sont amenés miraculeusement par des anges des quatre coins du monde. Quand Marie s’endort dans la mort, son âme quitte son corps. Le Christ apparaît. Il prend dans ses bras l’âme de ­Marie, représentée par un bébé en signe de sa pureté et l’amène dans le Royaume de Dieu. Les apôtres célèbrent les obsèques de Marie. Puis les anges emmènent son corps au Paradis où il retrouve son âme. Éléments légendaires qui ont alimenté la piété populaire… mais l’essentiel est ailleurs.

Méditer
Arrêtons-nous sur le mot Assomption. En latin assumere signifie assumer, enlever, s’approprier. L’accent est donc mis non sur un mouvement vertical d’ascension mais sur l’initiative de Dieu. Dieu « assume » Marie avec tout son être, âme et corps. Elle passe tout entière en Lui. Mystère inaccessible aux yeux humains, dépassant toute imagination, de même que les mystères de l’Incarnation et de la Résurrection. Œuvres divines qui se passent dans le secret, mais qui sont en même temps très concrètes et corporelles. La gloire de Dieu, la plénitude de Sa vie envahit et transforme un corps humain.

L’Assomption est dans la logique de l’Incarnation. Dans l’Incarnation, le Verbe divin devient chair et demeure parmi nous. Dans l’Assomption, la chair de Marie est « divinisée » et va demeurer en Dieu. Les Pères de l’Église n’ont pas eu peur de parler de la vocation humaine à la « divinisation ». La divinisation, c’est, selon les termes de Paul, « revêtir les sentiments du Christ », vivre « en Christ », « réfléchir la gloire du Seigneur » et se laisser transformer en cette même image, « allant de gloire en gloire ». Notre vocation ultime est d’être, comme Marie, transfigurés par l’Amour. Cela n’a rien à voir avec une ambition prométhéenne (« vous serez comme des dieux ! »). Non, Marie nous apprend à être si petit qu’on est saisi d’émerveillement : « Il s’est penché sur la petitesse de sa servante ! », s’exclame-t-elle dans son Magnificat. « Une toute petite fille, cette Reine des anges », écrivait Bernanos… L’Assomption de Marie nous appelle à une humble ambition !

Elle nous rappelle aussi l’immense estime de Dieu et de son Église pour la vie humaine charnelle, concrète, si pesante qu’elle apparaisse parfois. Elle invite à offrir, sans fausse humilité, tout – son corps, son cœur, son intelligence, son travail… tout, car tout est matière à divinisation. Cet horizon nous aide jour après jour à garder le cap et à accueillir le lent processus que la grâce accomplit en nous.

« Au cours d’un long chemin de Foi et d’Espérance », Marie « s’est laissée progressivement envahir par la vie trinitaire jusqu’au moment où la gloire du Seigneur a éclaté dans sa faiblesse dans le mystère de l’Assomption » (Règle de vie des religieuses de l’Assomption).

Prier
Marie, merci d’être si belle et si simple à la fois. Prends-moi dans ton Oui, apprends-moi, avec patience et espérance, à laisser Dieu être Dieu en moi.

 

La fête du 15 Août, c’est le jour de la lecture de l’émerveillement d’Élisabeth, la cousine que Marie vient visiter. Et le chant merveilleux de celle qui porte l’Enfant Dieu. Un chant sacrément révolutionnaire quand on le lit tout simplement. « Effrayés par le chant de cette jeune-fille, des dictateurs (en Argentine, je crois) l’avaient interdit ! » ecrit le jésuite Pierre Emonet dans son homélie du 15 aoû qu’il publie sur sa page Facebook

« Mon âme exalte le Seigneur, exulte mon esprit en Dieu, mon Sauveur ! Il s’est penché sur son humble servante ; désormais tous les âges me diront bienheureuse. Le Puissant fit pour moi des merveilles ; Saint est son nom ! Sa miséricorde s’étend d’âge en âge sur ceux qui le craignent. Déployant la force de son bras, il disperse les superbes. Il renverse les puissants de leurs trônes, il élève les humbles. Il comble de biens les affamés, renvoie les riches les mains vides. Il relève Israël son serviteur, il se souvient de son amour, de la promesse faite à nos pères, en faveur d’Abraham et sa descendance à jamais. » 

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