Le rapport 2020 de l'Eglise catholique (09/08/2021)

E8DA032A-76F1-4815-827C-AD79DC750220.jpegSoudain quelque chose m'a frappé à la lecture du rapport annuel de l'Eglise catholique de Genève. Mais où sont les catholiques, me suis-je dit? Combien sont-ils? Qui sont-ils? Quel est l'état de leur foi, de leur adhésion au fondamentaux de cette religion, la première du monde en terme d'efffectifs, issue de l'épopée du peuple juif il y a quelque 2000 ans? Des évangéliste américains - forcément - ont lancé le compte à rebours de la fête des 2000 ans de la résurrection du fondateur du christianisme. ça promet... de belles controverses.

On mesure à la lecture du rapport combien est diverse et généreuse l’action de l’institution, qui a donné à Genève la moitié de ses armoiries (les clés de St Pierre, tandis que l’aigle vient de l’immédiateté du Saint Empire accordée en 1032 au prince évêque de la cité. Au fait, a-t-on commémoré le premier millénaire de la Résurrection en 1033?). Mais on reste sur sa faim à propos des 51 paroisses. Pas un mot sur leurs activités annuelles dans le rapport de l’ECR. Pour avoir une idée de leurs activités, il faut chercher dans le site eglise-catholique-ge.ch. Où le règne du chacun pour soi domine, là où l'unité façon « tous ensemble » devrait l’emporter...  

C’est que l’Eglise « une, sainte, catholique et apostolique » comme le dit son credo ressemble a une prairie fleurie, parfois avec des herbes envahissantes, quand elle s’implante dans les terroirs. Chaque paroisse est un petit empire jaloux de son indépendance, d’où le fait que le rapport de gestion de l’ECR ne fournit ni une vision de la catholicité en terre genevoise ni un compte consolidé des asociations. 

Rapport social: peut mieux faire

Bien léchés comme désormais les rapports de toutes les ONG qui doivent rendre des comptes et attester de l`adéquation de leurs actions avec les critères de la bonne gouvernance - égalité des femmes et des minorités, rapport social, impact environnemental, finances durables, utilités, etc. - le rapport de l'église catholique de Genève est dans la norme question visuel. Sur le fond, il ne répond pas (encore) aux critères de bonne gouvernance.

L'égalité des humains en tout genre est la principale pierre d'achoppement de la tradition catholique. Les confessions réformées au même Jésus Christ ont ordonné des femmes et des homosexuels. La confession catholiques reste attachée à des conceptions anachroniques qui non rien d'évangéliques. Même si ça bouge un peu, comme ce fait passé inaperçu: pour la première fois, une femme a prêché à Einsiedlen lors de la messe du 1er Août.


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Pour revenir à l’ECR, elle pourrait dans le chapitre rapport social souligné que l'écart des salaires entre les mieux et les moins bien payés de ses employés est étroite et qu'aucun de ses cadres ne touchent des salaires mirobolants ni une participation  quelconque, pas même l'assurance d'une bonne place au paradis même si quelques-uns ont été déclarés saints.

Question finances, le rapport contient une annexe sur les comptes, malheureusement non disponible sur le site internet de l'ECR. Elle n'indique pas si la gestion des titres confiée à Lombard Odier (42 millions) répond aux règles de la finance durable. 

Question environnement, l'impact de l'Eglise catholique ne fait pas non plus l'objet d'un examen critique. On peut s'interroger sur la pertinence de chauffer les églises tout l'hiver, alors qu'on ne voit pas fleurir sur leur toit des panneaux solaires ou des éoliennes perchées au sommet des clochers. L'église de Genève pourrait par exemple participer au label Eglises Vertes auquel ont adhéré 550 églises de diverses confessions en France, dont la Maison du diocèse d'Annecy qui fut jusqu'en 1819 le lieu de refuge de l'évêque de Genève.

 

NB: le rapport de l’ECR est l’avant-dernier signé par Pascal Desthieux. Le vicaire épiscopal retournera en paroisse l’an prochain et sera remplacé en principe par un laïc ou une laïque à la tête de la région Genève. Une petite révolution en marche qui semble échappé à la plupart des catholiques d’ici. Mais dont le journal La Croix a remonté la piste dans un article paru le 28 juillet sous le titre un peu énigmatique: « Diocèse de Lausanne : « La pandémie a permis aux baptisés de mesurer leur responsabilité » »

Le voici sous la plume de Mélinée Le Priol.

Deux spécialistes de la synodalité réagissent à la réorganisation en cours dans leur diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg (Suisse). Philippe Becquart, théologien, responsable du département des adultes de l’Église catholique du canton de Vaud (ECVD), et Grégory Solari, philosophe, directeur des éditions Ad Solem, formateur pour l’ECVD.


La Croix : Comment avez-vous reçu, dans le canton de Vaud (Lausanne), l’annonce, ce printemps, d’une réorganisation de votre diocèse, faisant notamment plus de place aux laïcs dans la gouvernance ?

Philippe Becquart : Le processus diocésain engagé par notre évêque se greffe en réalité à un processus cantonal (le diocèse LGF compte quatre cantons, NDLR.). Ici, dans le canton de Vaud, tout a commencé par une demande très concrète du vicaire épiscopal, le père Christophe Godel, en 2018. Ayant conscience de problèmes de gouvernance au sein de certaines unités pastorales (groupements de paroisses), des tensions entre ministres ordonnés et agents pastoraux laïcs, il a rassemblé autour de lui quelques théologiens en responsabilité pastorale - dont nous deux - pour l’aider à chercher des solutions. Peu à peu, ce qui était au départ une réflexion sur la gouvernance est devenu un groupe de travail plus global.

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Grégory Solari : Il faut dire qu’à ce moment-là, le pape François parlait de plus en plus de la synodalité. La redécouverte de son discours d’octobre 2015, pour les cinquante ans de l’institution du Synode des évêques, a été déterminante. Nous y avons vu une réponse de l’Esprit Saint à ce que nous percevions sur le terrain comme une urgence : prendre conscience que ce qui est au centre de l’Église, c’est le peuple de Dieu. En mai 2019, lors d’un conseil épiscopal à Genève, nous avons présenté nos conclusions à Mgr Morerod.

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P. B. : Sans dire que l’on a « inspiré » l’évêque, je pense que nous avons contribué à une prise de conscience de l’urgence de la transformation pastorale. Car outre les considérations pratiques qui pouvaient justifier cette réorganisation (comme le souci d’avoir plus de « jeunes » prêtres en paroisses, et donc plus de laïcs en responsabilité), nous avons beaucoup travaillé sur la compréhension théologique et pastorale de la synodalité comme voie de renouveau pour l’Église locale.

Pourquoi, à votre avis, cette réorganisation intervient-elle maintenant ?

G. S. : Le détonateur a sans conteste été la pandémie de Covid-19. Elle a provoqué ce moment d’arrêt pendant lequel Mgr Morerod s’est dit : « C’est le moment, il faut y aller ! » La crise sanitaire a surtout révélé la fragilité de la pastorale de terrain, très centrée sur les sacrements : quand ceux-ci n’ont plus pu être donnés, les catholiques se sont trouvés dans le désarroi.

Un autre article: « Trouver l’équilibre, entre vie communautaire et relation personnelle à Dieu »

P. B. : La pandémie a permis à de nombreux baptisés de mesurer leur responsabilité. Privés de sacrements, il nous fallait prendre conscience du rôle que nous avons à jouer, chacun, pour la transmission de la Parole de Dieu et l’exercice de la charité. Réinvestir, donc, notre mission de baptisés.

L’autre élément de contexte qui a pu accélérer les choses pour la réorganisation de notre diocèse, c’est la crise des abus sexuels. Celle-ci a constitué un vrai choc pour notre évêque, qui a été à l’avant-garde en ce qui concerne les réponses institutionnelles.

Votre canton de Vaud, comme celui de Fribourg, comptera officiellement un « représentant de l’évêque » laïc à partir du 1er septembre. En quoi est-ce un changement important ?

P. B. : Ce n’est pas tant un point d’arrivée qu’un point de départ. La nomination de Michel Racloz, théologien laïc et père de famille, comme représentant de l’évêque est une condition pour que d’autres changements puissent être envisagés.

Quelle place pour les femmes dans l’Église ?

Mais ce n’était pas gagné ! Le Vatican, comme le conseil épiscopal diocésain, plaidait plutôt pour qu’un laïc prenne le rôle de « coordinateur administratif diocésain ». Accorder aux laïcs des responsabilités administratives et financières est globalement accepté, mais déplacer la charge pastorale sur eux, c’est autre chose… Or c’est ce qui s’est joué en mai avec l’annonce de ces nouveaux « représentants de l’évêque ».

G. S. : Cette démarche inquiète, prêtres comme fidèles. C’est normal : la synodalité représente un changement de paradigme par rapport à ce que nous avons toujours connu, elle bouleverse nos représentations. Pour moi, l’un des grands chantiers des années à venir est de repenser une théologie du presbytérat : si Vatican II a revalorisé le rôle des évêques et des fidèles, la « couche intermédiaire », celle des prêtres, a été quelque peu oubliée.

La Suisse romande peut-elle être un laboratoire de l’Église de demain ?

G. S. : Oui, je crois. D’abord parce que la démocratie directe est très ancrée en Suisse. Ensuite parce que la composante réformée est majoritaire et que ces Églises se sont longtemps voulues plus synodales que nous. Le contexte ecclésial et culturel de la Suisse romande peut donc en faire un laboratoire fructueux.

P. B. : Nous n’avons bien sûr pas la prétention d’inventer quoi que ce soit. Déjà, dans les années 1990, Mgr Albert Rouet créait les « communautés locales » à Poitiers, qui étaient une forme de laboratoire de la synodalité ! Quoi qu’il en soit, ce genre d’expérimentation relève de l’acte de foi : on lâche un modèle antérieur sans trop savoir ce que l’on va trouver… Ce qui caractérise le chemin que nous avons parcouru depuis trois ans vers plus de synodalité, ici, c’est la surprise qui marque chaque étape vers une responsabilité plus grande de tous les baptisés. C’est un tournant pour l’Église.

 

 

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