France 2 et les nomadjunkies de Madère (02/05/2021)
Cinq à six millions de Français regardent la grand messe du 20 Heures sur France 2. Un plus le dimanche. Un peu moins que TF1. À elles deux, les deux chaînes de télévision captent l’attention d’un Français sur cinq. Plutôt bien au temps des réseaux sociaux et de la fatigue de l’info, un effet collatéral de la pandémie.
Sur la chaîne publique, le séduisant Laurent Delahousse sait emballer son audience, donner du crédit à sa petite sélection d’infos, avec ce clin d’œil, cette touche d’émotion, ce brin d’exotisme qui font son charme. Mais la séquence sur Madère ce soir au 20 Heures de France 2 m’a fait sortir de mes gonds.
Apparemment rien de bien grave. Le reportage signale qu’ils sont de plus en plus nombreux les travailleurs à marier boulot et dodo au bord de l’eau sur une île - Madère- où le Covid est rare et les terrasses accueillantes.
Quel est l’intérêt public de diffuser ce genre de reportage en prime time? N’est-il pas insultant à l’égard de tous les travailleurs qui ne peuvent pas s’exiler sous les tropiques, les infirmières, les paysans, les enseignants, les maçons, les transporteurs, les gendarmes, les éboueurs, les marchands, les facteurs, brefs toutes ces professions qui font tourner la société. Combien sont-ils tous ces nomades libre de poursuivre leur métier à l’autre bout du monde? Une poignée sans doute.
Je doute que les entreprises continuent longtemps à payer ces migrants aux normes européennes. Et quid des assurances sociales, des impôts qui financent les services publics. En fait les entreprises n’ont pas attendu la pandémie pour délocaliser les activités qui peuvent l'être dans des pays à bas salaire et à quérir les compétences rares aux quatre coins du monde dès lors que le service attendu peut être digitalisé.
Pas un mot de tout ça évidemment sur France 2 ce soir. Trop compliqué? Je ne crois pas être seul de cette génération honnie des boomers à penser ainsi. Certes, il ne faut pas demander l’impossible aux journaux télévisés. Chaque format a ses contraintes et ses modes.
Quel intérêt public? Celui de Madère qui investit ce nouveau marché pour qui la pandémie et le télétravail est une aubaine? Était-ce donc un publireportage? Celui des nomadjunkies qui ont leurs sites dédiés répertoriant tous les bons plans, façon guide de voyage?
Rien à voir avec les « vanlifers » qui vivent toute l’année dans un camping-car au gré des boulot, travailleurs saisonniers dans l’agriculture ou dans les services, ou aventuriers divers. Libération leur a consacré un beau reportage samedi. Ce n’est pas tous les jours dimanches. Ni touristes ni gens du voyage, ils sont dans une zone juridique grise. Ils s’en sortent grâce à des groupes d’aide informels. Ils ont aussi leur réseau, leur chaîne YouTube, leur guide des bons points de chute. Il y a même un spécialiste informatique qui s'épanche sur Facebook.
22:10 | Lien permanent | Commentaires (0)