2050, Genève, sa croissance zéro, son aéroport, son pont sur le lac, sa dette abyssale (09/02/2021)
Pierre Maudet, officiellement retenu par sa campagne pour l’élection partielle au gouvernement du Canton de Genève du 7 mars, a snobé le débat organisé par la Tribune de Genève et le Club suisse de la presse. Une absence remarquée sur l’écran Zoom où chacun, candidats et journalistes, est dans sa cage télégénique et le public invisible. Il vrai que Pierre Ruetschi, réd en chef de la Julie au moment où le journal des Genevois a sorti l’affaire Maudet en mai 2018 est aujourd’hui le patron du Club suisse de la presse.
Le télédébat présente l’indéniable avantage de permettre à tous de le voir en direct ou en différé sans bouger de son fauteuil. Combien de Genevois l’ont-ils visionner? Peut-être plus que l’amphi d’Uni Mail peut contenir d’étudiants. Sans doute moins qu’un débat sur Léman Bleu ou la RTS. Mais l’exercice vaut sans doute d’être répété. Une dizaine de débats devrait suffire pour permettre à la technique et à mes collègues de la presse écrite d’être à la hauteur des enjeux.
Au démarrage, on’a pas échappé à une séquence Covid où l’on n’a rien appris. Chacun a redit le credo de son camp - solidarité complète à gauche, déconfinement rapide à droite -, Yves Nidegger étant le plus clair avec son réalisme habituel un rien cynique.
Plus de logements, plus de densification, a demandé Frédéric Julliard, rédacteur en chef de la Tribune ? Non dit Michel Matter, arrêtons le bétonnage pour le bétonnage. Le vert libéral veut sauver les arbres, préserver la zone agricole et faire participer la population concernée. Personne ne décrypte que ce discours populiste revient à dire halte à la croissance démographique, ce qui est contraire au pacte signé par Genève avec ses voisins du Grand Genève. Mais peut-être en phase avec le plan à venir « Neutralité carbone en 2050 ». Nideggger va dans le même sens et chante les circuits courts et réclame l’arrêt du flux migratoire. Morten Gisselbaek, le candidat anticapitaliste du Parti du travail, un viking resté punk dans l’âme, selon Le Courrier, ne veut pas accueillir le monde entier et trouve qu’on peut construire autrement. Ce sur quoi tout le monde est d’accord.
Fabienne Fischer met le doigt sur les 300’000 m2 de surfaces commerciales vides, utilisons-les avant de continuer à bâtir. Voilà qui devrait ravir l’ex-candidat au conseil d’Etat du MCG qui a fait passer une loi dans ce sens.
L’indépendant Olivier Pahud abonde mais ne voit pas que cette loi ait transformé la situation. *Sans doute en raison de l’inaction de l’Etat, ajoute-t-il perfide. Il plaide pour un habitat léger qui permettre de produire des logements plus vite que les 20 ans qu’il a fallu pour faire sortir de terre le quartier des vergers à Meyrin.
Côté mobilité, on retiendra que Cyril Aellen croit toujours à une traversée du lac à l’horizon 2050. Le canton doit bientôt déposer son dossier à Berne, rappelle le journaliste Marc Moulin. Yves Nidegger n’y croit guère surtout parce que les habitants de Cologny, les électeurs du candidat PLR, ne voudront pas d’une urbanisation de leur région. Michel Matter qui fut un grand fan n’y croit plus beaucoup.
Fabienne Fischer est sans surprise contre le pont et les parkings en ville, des politiques du XXe siècle. Elle parie sur les vélos qui prennent huit fois moins de place que les voitures. Ce n’est pas la priorité d’Olivier Pahud qui attend l’élargissement du contournement du canton et la réouverture de deux voies sur le pont du Mont-Blanc.
Aucun candidat ne semble avoir lu ni faire sien l’étude « Neutralité carbone » à Genève en 2050, commandé à l’EPFL par Antonio Hodgers. Elle prévoit dans son scénario no 4, le seul qui atteint l’objectif sans compter sur les autres, la fermeture naturelle de Cointrin (au profit de Zürich). Même Fabienne Fischer estime que la Genève internationale aura besoin d’un aéroport redimensionné. A noter qu'aucun candidats ne cite non plus le Forum citoyen qui a été lancé en septembre 2020 et doit déposer son rapport ce printemps* .
Le quatrième thème, les finances, n’a pas réservé de surprises. La gauche ne voit pas la dette, la droite ne voit que l’amaigrissement de l’Etat pour la juguler. On peut juste déplorer l’insigne méconnaissance des candidats sur ce sujet certes complexe, même de la part du spécialiste Cyril Aellen qui aligne les poncifs sur les fonctionnaires qui seraient interchangeables.
Une fois de plus - c'est un des défaut majeur des débats avec le fait que compte tenu du nombre des candidats, chacun est commis voire enjoint à simplifier sa pensée - les approximations voire les erreurs ne sont pas corrigées. Quand Yves Nidegger répète deux fois que la fonction publique genevoise est plus grande que la zurichoise, il oublie ou ne sait pas qu'à Zurich les communes assument bien plus de compétences qu'à Genève. Il suffit de comparer les budgets. La ville de Zurich avec 370'000 habitants gère un budget de 9 milliards de francs quand la commune de Genève et ses 200'000 âmes a un budget à peine supérieur à un milliard.
Au final, on reste songeur sur cette brochette de candidats, très inégaux. tous sans doute épris de la chose publique et pleins de bonne volonté, mais aucun n’a la moindre expérience de la direction d’une entreprise ou d’une grande administration. Et la bonne volonté ne suffit pas pour gouverner un conglomérat public de la taille de l’Etat de Genève: près de 9 milliards de chiffres d’affaires et 45’000 travailleurs appliqués à mettre en œuvre des millions de lignes de code, dans un mer agitée où personne, pas plus à Genève, qu’à Berne ou à Bruxelles, ne semble détenir la carte.
Bon courage au nouvel élu!
23:22 | Lien permanent | Commentaires (3)
Commentaires
La démocratie travaille parfois à l'envers.
La population devrait choisir sa destinée en votant des lignes directrices, et les candidats devraient suivre l'avis de la population en appliquant leur sensibilité pour y arriver.
Quant à la croissance zéro dont vous parlez avec la croissance nulle de la population, c'est une vision politique. En terme individuel, la croissance de Genève lié à l'augmentation de la population, ne bénéficie pas aux citoyens. La croissance du citoyen stagne, voir recule là où il est en concurrence dans son métier.
La croissance individuelle dépend du type d'économie, celle qui génère du bénéfice. En gros, il faut favoriser l'implantation d'entreprises qui n'ont pas besoin d'"importer" des travailleurs.
Le chômage à Genève, est le plus fort de Suisse, et pourtant il y a beaucoup plus de places de travail que de genevois.
Sinon pour 2050, c'est interdire les voitures polluantes d'ici 10 ans, et investir dans le transport transfrontalier au lieu de bétonner pour accueillir une nouvelle population.
En tout cas les politiciens doivent se mouiller pour donner leur vision. Parce que le candidat qui suit le scripte de son parti ne pourra pas le faire une fois au commande.
Dans une époque charnière, les journalistes peuvent demander aux candidats plus de précisions sur leur vision, et à eux de se préparer pour raconter des choses cohérentes et non des banalités issus du bureau politique de leur parti.
Etre cohérent, c'est aussi avancer avec les citoyens, imposer est impossible.
Écrit par : motus | 10/02/2021
Maudet a certainement jugé que participer à un débat organisé par la TDG qui l'a trainé dans la boue ne se justifiait pas... Libre à lui.
Ce même journal qui a attendu, à ma connaissance, que le moment où le C.E. a décidé de ne pas accepter son refus de salaire. Avant cela, motus et bouche cousue sur ce beau geste.
Cela dit, pour montrer mon impartialité, je doute que sa déclaration un peu intempestive sur Léman bleu sur la collégialité dont "tout le monde se ficherait" lui serve...
Écrit par : JDJ | 10/02/2021
Monsieur Motus a écrit :
" La population devrait choisir sa destinée en votant des lignes directrices, et les candidats devraient suivre l'avis de la population en appliquant leur sensibilité pour y arriver. "
Excellente proposition. Une méthode sans doute trop peu intéressante pour toutes ces personnalités choisissant l'action politique non par un goût prononcé pour le bien commun et la res publica mais principalement par un secret besoin s'assouvir un sombre penchant pour le pouvoir et la domination.
Écrit par : Attar Gustave | 11/02/2021