Bardonnex: "Un beau mâle" (03/01/2021)
"Un beau mâle." Un cri du coeur. Il sort de la bouche d'une habitante de cette commune naguère agricole, dont le nom est désormais cité presque tous les jours sur les ondes de la RTS pour son bouchon vespéral sur l'autoroute A1. Cette Bardonnésienne a visionné comme beaucoup d'habitants l'épisode Bardonnex de l'émission la Suisse est belle extraite des archives de la télévision romande. Diffusé pour la première fois en avril 1970, le film butine sans but ni scénario de hameau en village. C'est que Bardonnex, souligne le journaliste Pierre Verdan, ne compte pas moins de cinq agglomérations.
Séquence nostalgie. Altérée par des plans sans originalité. Paresseuse, la caméra s'attarde sur les murs et les champs enneigés, plus que sur les habitants. Invisibles le boulanger, les bistrotiers, l'épicier, le facteur, le vigneron encaveur, les footballeurs et même le maire Delétraz, dont on entend l'interview en off. Heureuses exceptions, les ouvriers de la tuilerie briqueterie de Bardonnex, dont, révèle Le Courrier, l'Etat et un mécène viennent de prolonger la survie de deux ans, et Lucien et son taureau Gaspard, le "beau mâle".
Fermier à Evordres chez le colonel de Muralt, Lucien Barrillier est fier de montrer l'animal: 1,2 tonne de muscle et de graisse et quelques grammes de sperme. Qui font sa valeur. D'ordinaire taiseux, l'éleveur décline avec un accent vaudois inimitable les performances du puissant bovin, qui leur ont valu plusieurs médailles.
J'apprends en buvant le café chez ladite habitante que Gaspard était vraiment une bête de prix. Alors qu'il arrivait gentiment au bout de sa carrière, raconte un ancien élu qui s'y connait, un paysan canadien avait offert pas moins de 70'000 francs pour acquérir le reproducteur d'Evordes. Une somme énorme. Lucien n'était cependant pas de la race des banquiers de sperme type swissgenetics, où quelques Suisses font fortune. Il aurait décliné et privé le taureau d'un voyage dans le nouveau monde: "Gaspard est né Evordes, il mourra ici".
Cette agriculture que l'on ne voit plus que dans les sports publicitaires a vécu. Bardonnex ne compte plus que quatre paysans: deux maraîcher dont un qui a migré bio et s'est spécialisé dans les légumes de 4e gamme, deux céréaliculteurs, dont un vigneron*.
Plus aucun encaveur. Les vendanges de Landecy, Charrot, Verbant et Bardonnex sont vinifiées à Satigny, Soral, Laconnex, Peney, Rolle. Plus aucun troupeau. Il n'y en a plus que cinq dans le canton.
Quant au domaine d'Evordes (décrit par les Seniors de Bardonnex ou par l'Association pour la défense de l'environnement collongeois) qui borde la Drize, après avoir appartenu aux frères Durafour puis au banquier Ormond, il aurait été acquis récemment par un ressortissant de l'empire du milieu. On lui souhaite la bienvenue.
* Il faut ajouter les jardiniers attachés aux associations de l'agriculture contractuelle Affaire Tournerêve, Cueillettes de Landecy et Vergers d'Epicure.
21:17 | Lien permanent | Commentaires (1)
Commentaires
Regarder le passé, c'est imaginer le futur dans la suite de l'évolution qui nous a amené à ce présent.
Et si cela fait peur, qu'il y a un sentiment de "dégradation", c'est que l'évolution a été fait dans le pire, et qu'il faut redresser la barre.
Voir le passé, c'est comptabiliser les succès et les échecs. Et lorsque le négatif l'emporte, c'est que la gouvernance politique a été mauvaise avec une population qui est coupable de passivité.
La nostalgie, c'est la première étape d'une prise de conscience, ensuite il faut se réveiller pour corriger les erreurs, afin que le futur ne devienne pas nostalgique du présent.
Le sacrifice des régions (et population) au nom de l'économie, doit cesser..
Écrit par : motus | 04/01/2021