Heidi David vs Tamedia Goliath (09/12/2020)

heidi tamedia coninx.jpgQuel dieu gouverne la main de Heidi.news? Après "Au coeur de la complosphère", une longue immersion d'un jeune Pangolinman* dans une bande de complotistes romands, dont une enseignante genevoise, fans du prof Raoult et du blogueur Michel - une enquête diversement appréciée - et une autre, "La révolution des toilettes", sur l'hygiène et les ressources que sont nos déchets intimes, la jeune pousse de la banlieue est de Genève, prochainement rattachée au journal Le Temps, a envoyé ses fins limiers explorer l'empire Coninx, du nom de la famille zurichoise qui détient et gouverne TX-Group dont le navire amiral Tamdedia est le premier éditeur de journaux en Suisse. 

Ce matin, en ouvrant sur ma tablette la Tribune, un des quotidien racheté à Edipresse en 2011 avec 24 Heures et Le Matin, j'ai vu apparaître un pop-up me demandant gentiment si je voulais bien être suivi à la trace afin que les publicités s'ajustent à ma géolocalisation. Un sourire amer a barré mon visage. Enfin, me suis-je dit, mon journal se met à la page et commence à traquer ses lecteurs. Dommage que cela ne concerne que la publicisé. Google et autres Facebook ont fait leur fortune - et quelle fortune - et celle de leurs propriétaires sur la géolocalisation et la sociolocalisation (traçage des contenus et des consommations) de leurs usagers.

Je vais lire cette série en treize épisodes, dont le titre sent le souffre, Tamedia papers, en référence a ces enquêtes conduites notamment par l'icji, déclenchées souvent par des fuites, les leaks, qui soulèvent un tout petit bout du voile qui d'ordinaire dissimule les capitalistes, comme la burka les jolis femmes aux yeux du monde. 

Marc Guéniat, un ancien de la Tribune, un journaliste chevronné passé notamment par Public Eye, Bon pour la Tête et brièvement le service de presse d'Olivier Jornot, sait s'y prendre pour secouer sa proie comme le renard dans le poulailler ou le bâton dans la fourmilière. L'entame de la série pointe sans peur sur ces capitalistes qui s'enrichissent sur le dos des autres. Sauf que, si les journaux ont eu leurs heures de gloire et ont pu faire la fortune de leurs propriétaires, le temps est à l'inquiétude pour ne pas dire l'angoisse et à la diminution du chiffres d'affaire. 

"C’est l’histoire d’une famille, les Coninx, qui domine la presse helvétique et soutient son train de vie grâce aux dividendes versés chaque année par Tamedia, devenu TX Group. Ses membres sont disséminés entre l’Allemagne, le Liechtenstein et la Suisse."

Dans la même veine, Serge Michel, le patron de Heidi, a fait l'addition: "les dividendes cumulés depuis l’an 2000 se montent à 951 millions de francs. Ils sont versés en très grande partie à la famille Coninx". Presque un milliard de francs. Mais en vingt ans c'est moins de 50 millions par année, environ 5% du CA. Scandaleux, vraiment?

L'intérêt public de l'enquête de Heidi, réalisée en collaboration avec le journal en ligne zurichois Republik, ne se discute pas. Ce qui se discute c'est le message subliminal qui veut nous convaincre, me semble-t-il, que seul un journalisme soutenu par une fondation généreuse (et sans doute le journaliste payé par une redevance publique obligatoire) est au-dessus de tout soupçon. L'autre le journalisme, celui qui en l'occurrence engraisse la famille Coninx, n'est pas exercé dans l'intérêt du pays car l'appétit des Coninx prive les rédactions d'autant de moyens. Un beau débat. 

Le ton suspicieux savamment instillée ne s'arrête pas là. Le grand patron de TX Group, Pietro Supino est d'emblée mis au pilori dans un deuxième article mis en ligne ce 9 décembre. Son crime? Ne pas avoir répondu au 32 questions envoyées en août par David à Goliath. La patience de David a donc des limites. Voilà le petit genevois, armé de sa fronde médiatique, lancer sa pierre sur le méchant et mutique Zurichois.

On rappellera que les capitalistes genevois ont renoncé à investir dans la presse genevoise (à l'exception de Léman Bleu), ont laissé la Tribune être rachetée par la famille Lamunière, ont regardé la Suisse de Nicole couler sans réagir et n'ont pas levé le petit doigt face au dépeçage du Journal de Genève. Sans doute leurs capitaux se sont-ils investis dans les GAFAM et leur propre système d'information? 

A suivre donc. 


A lire: Quelle est la qualité des médias en Suisse?


 

* Les Pangolinmen défendent l'honneur du Pangolin qu'on a soupçonné à tort d'être le maillon faible entre la chauve-souris de Wuhan et le virus coroné et par extension luttent contre toutes les pensées déviantes de la doxa officielle.

 

Note complétée à 22h

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