Balle au centre? (29/11/2020)
À une large et surprenante majorité de ses délégués dispersés en 13 "cantons" - Covid oblige -, le PDC suisse devient donc le Centre, die Mitte, Alleanza del centro, rien qui ne puisse transcender les frontières linguistiques si importantes d'un point de vue marketing - voyez Sale, Black Friday, click and collect et consorts. Et si le peuple accepte Swisscom, Swisspass, Swissness et même Swiss quoique l'ex-compagnie nationale soit allemande..., il n'est pas prêt de tolérer SwissCenter pour désigner la fusion entre le PBD et le PDC*.
Les socialistes sont de ce point de vue mieux servis, quoique les partis socialistes n'existent plus ou presque ni en Italie ni en France. Et que la sociale démocratie allemande a depuis belle lurette jeté le marxisme-léninisme, la référence historique, aux oubliettes. Et, à ma connaissance, seul le PLR genevois a tenté un temps La Droite. Quant à Ensemble à gauche, tout le monde sait que le mot ensemble est une infox.
Le paradoxe de l'abandon du C est qu'il tombe le même week-end que le vote par le peuple (mais pas par les cantons) d'une initiative populaire pour des multinationales responsables. Linitiative êst issue d'un groupuscule et emmenée par une figure originale et un peu à contre-emploi, l'ex procureur général et ex-conseiller aux Etats PLR tessinois Dick Marty, et largement soutenue par les églises, dont l'église catholique, qui est (ou était) comme chacun sait le creuset de la majorité des électeurs PDC.
Tant mieux, dira-t-on. Chacun est libre désormais de ses mots d'ordre sans instrumentaliser son voisin.
L'appropriation du mot chrétien par un parti politique a toujours suscité des critiques et des réserves légitimes. Même si, dans l'histoire suisse, il fallut un temps que les chrétiens - entendez les catholiques - se libèrent de leurs propres chaînes cléricales et vaticanes, qui très, trop longtemps ont complaisamment confondu le règne de Dieu et le règne des dictateurs ici-bas. Pourtant le maître à penser des chrétiens, volontiers serviteur des pauvres, avait clairement déclaré que son Royaumme n'était pas de ce monde et qu'il fallait séparer les affaires de César et celles de Dieu.
"Reste à remplir la coquille vide de ce nouveau Centre", a commenté un journaliste de notre chère RTS. Le parti pourra-t-il faire d'une position géométrique centrale, soit un point sans dimension, un programme capable de séduire un quart de l'électorat national? Sans doute plus facilement que de voir, comme ce dimanche, les mots d'ordre se contredire entre certains cantons et l'assemblée nationale des délégués.
Que le centre soit manifestement plus à gauche au bout du lac qu'à Sion, Lucerne ou Zoug et même à Berne, où le BPD, l'ex-parti des paysans artisans et bourgeois, phagocytée un temps par l'UDC blochérienne, est chez elle, n'est un problème pour personne. Mais lorsqu'il s'agit d'une référence idéologique, cela suscite forcément des interrogations. À gauche comme à droite.
Au demeurant rien n'empêche les militants et les ténors du Centre de rechercher des références dans la tradition des partis bourgeois, indépendants et fédéralistes et des points d'ancrage dans la doctrine sociale des églises cathoilique et protestante ou dans le personnalisme de Mounier ou le communautarisme (dont le sens a été dévoyé) ou le poluparisme selon Carlo Invernizzi Accetti** qui définit le peuple non pas comme un ensemble d'individus abstraits mais comme des humains insérés par leur profession et leurs actions, plus ou moins fortement reliés à leur famille, leurs associations et groupes d'intérêt, y compris sportives et culturelles, qui font ensemble font la société.
Un mot encore, un mien cousin m'a écrit ceci à propos de l'initiative: «Si l’initiative est acceptée, est-ce que globalement le sort des enfants et de l’environnement s’amélioreront ? » La question est évidemment pertinente et la réponse incertaine. Jamais les initiants n'ont prétendu que leur texte était une panacée. Le contre-projet voté par les Chambres qui aura force de loi fournira-t-il une meilleure garantie?
L'avenir le dira. On peut aussi constater que vouloir gouverner les multinationales relève d'une chimère désormais pour la politique. Les petits pays, même la riche Suisse, ne pèsent guère face à ces entreprises. Le chemin vertueux mais sans garantie est sans doute aussi que ces mêmes super-entreprises adoptent des codes de bonnes conduites. Novartis vient de mettre le sien à niveau. Le code est rédigé en 22 langes. La multinationale en fait la promo dans la dernière livraison de The Economist.
Ça tient en quatre mots:
Be Open-Minded
Be Honest
Be Bold
Be Accountable.
Du grain à moudre pour Public Eye, l'ex-Déclaration de Berne.
* On a déjà rappelé ici que le mot Zentrum en allemand est trop connoté historiquement pour servir et que le milieu (traduction de Die Mitte) a en français une connotation quasi mafieuse.
** Auteur notamment de What is Christian Democracy? Politics, Religion and Ideology, Cambridge University Press, 2019.
15:45 | Lien permanent | Commentaires (1)
Commentaires
Il existe plusieurs partis en Suisse qui sont chrétiens : UDF-EDU par exemple (mon parti de centre droite avec un siège au Conseil national et beaucoup d'élus cantonaux municipaux,...) Nous avons des sujets comme l'avortement, la famille traditionnelle et contre la GPA PMA Rora ... Et l'éthique chrétienne est au centre de nos préoccupations (ce que le PDC n'était plus depuis des dizaines d'années dommage !) Il y a aussi le PEV le parti évangélique (centre gauche avec 3 sièges au CN) Dieu voit cela !
Peut être nous allons rajouter un C = Chrétien. La vice-présidente de UDF-Genève www.udf.ch
Écrit par : Sylvie RG | 01/12/2020