L’humeur des jours
La peur guide nos pas
Anxiocratie
La fleuriste trouve les gens tristes. Elle vend moins de fleurs et les clients de passage ne sont pas joyeux, elle les trouve tendus, anxieux, froussards. Ils se demandent tous si « le confinement ne va pas reprendre ». Elle a son avis sur cette éventualité : « Ce serait catastrophique pour l’économie : la mort de la France. »
La mort de la France comme scénario possible, il est sûr que si beaucoup de Français ont cette hantise en tête, la joie de vivre ne peut pas être au rendez-vous de ce début d’automne. La perspective sinon de fin du monde, du moins de fin de la France, a de quoi faire trembler toutes les consciences, alimenter toutes les peurs et inquiéter jusqu’aux plus raisonnables.
Chaque année, on pronostique une « rentrée dure » sur le plan social et politique. Mais les rentrées précédentes, telles que nous en avons gardé le souvenir, furent de la bibine pour les chats à côté de celle que nous vivons depuis la fin de l’été somptueux et pourri que nous aura réservé le funeste millésime 2020, avec sa musique d’accompagnement sinistre à base de Covid tournant au-dessus de nos têtes comme un aigle mauvais en quête de proies innocentes.
Les politiques commencent à s’agiter en tous sens sur leurs pauvres tréteaux au sujet de 2022, année de la prochaine élection présidentielle. Comme si c’était vraiment le sujet du moment ! N’ont-ils donc pas remarqué où les Français ont la tête et l’état dépressif de la nation ? Ignorent-ils que la déréliction est aux commandes quand les manettes de l’État semblent aussi bien arrimées que celles d’un jeu électronique cassé par un gamin colérique.
Il faut avoir l’illusion chevillée à l’âme pour s’imaginer qu’il serait doux et intéressant d’accéder au pouvoir dans de telles circonstances psychologiques. Comment peut-on aspirer à diriger un peuple en pleine crise de doute et taraudé par des peurs multiformes, qu’il s’agisse de sa santé, de sa sécurité ou de son travail ? C’est la crainte qui domine et commande nos attitudes.
Il suffit de regarder les citadins dans les yeux, au-delà de la barrière des masques pour se rendre compte qu’il y a peu de sourires sous cet accoutrement obligatoire. Chaque décision du politique fait l’objet d’un tir de barrage de critiques de bonne ou de mauvaise foi, de sarcasmes médiatiques. Les oppositions se régalent in petto des échecs du pouvoir à dominer la pandémie. Le petit peuple, lui, comme d’habitude s’en tient à ses rouspétances coutumières et spontanées à tout sujet.
Comment voulez-vous diriger un pays dans ces conditions ? Quelles marges de manœuvre pour ce qu’on persiste à appeler l’exécutif qui n’exécute plus, depuis des mois, que des ronds dans l’eau de l’impuissance à contrôler la situation et modérer la tragédie ? On pourrait considérer que nous sommes entrés dans l’ère qui aurait juste suivi la piteuse fin de la démocratie, celle de l’anxiocratie. Penser qu’il y a et qu’il y aura bousculade de candidats pour faire à leur tour semblant de diriger, tout cela laisse songeur sur le caractère permanent du goût pour les apparences du pouvoir. Au fond des limousines noires de la République que peut-on bien imaginer comme idées efficaces pour rassurer la population ?
Pour reprendre à son compte la célèbre formule inaugurale de Jean-Paul II le jour de son élection : « N’ayez pas peur ! » Si nous avons peur, nous tremblerons de toutes nos feuilles jaunies par l’automne. C’est le doute existentiel qui coule dans nos veines lassées et ronge le mental de la République. À trop pérorer dans le vide, à trop s’énerver à propos d’échéances surréalistes autant que lointaines, nous passons à côté du principe de réalité qui serait requis et qui est le frère du principe de confiance et de foi en l’avenir.
Car il faut bien s’en tenir à cette évidence : il y a toujours eu et il y aura toujours un avenir. C’est ainsi depuis que le monde est monde. Jamais il n’a été mis un point final à la présence de l’homme sur cette boule vagabonde que le soleil inonde. Imaginer que nous allons être les premiers à assister à cette disparition relève d’un pessimisme magique et paralysant qui ne peut laisser place à une ambition collective. Que les « dirigeants » dirigent et nous disent où aller, et nous irons mieux. Tous.
D’jeunes
Ils sont les dépositaires de l’avenir. Cet avenir, par définition, appartient aux jeunes. Et pourtant l’on sent bien qu’ils participent à leur manière à l’entretien de nos peurs de vieux caducs au sujet du futur. Par temps de Covid, les générations se croisent et se toisent. Quand ils s’agglutinent autour d’un banc public sans vous laisser la place de circuler, quand leurs skates vous frôlent à grand bruit, quand la bière coule à flots aux terrasses des « happy hours » sur les trottoirs des villes et qu’ils explosent de rire comme si la vie était toujours un lit de roses, nous nous demandons ce qu’ils ont en tête, ces écervelés. S’ils se rendent seulement compte de ce qui nous menace, eux compris.
Le soir, paraît-il, ils continuent à s’entasser chez l’un chez l’autre pour faire la fête et se bisouiller dans les coins. Ils ont un sentiment d’impunité, d’inaccessibilité. Le Covid-19 ne passera pas par eux. Et les sonos de chauffer, les amplis de trembler, les corps de se trémousser dans l’innocence des premiers jours.
L’on dit qu’ils sont insouciants, négligents, autocentrés et indifférents au sort des personnes plus âgées. Faut-il s’enfermer dans une attitude de méfiance intergénérationnelle ? C’est toujours tentant de râler contre « les d’jeuns » en englobant dans le soupçon méprisant tout ce qui se situe entre 15 et 25 ans. Dans la Bible déjà, les vieux joueurs de flûte considéraient les plus jeunes comme incapables de jouer de la belle musique. Aujourd’hui la musique est du côté de la jeunesse, mais les vieux ronchons qui les croisent en s’écartant les verraient plutôt comme des sacs à microbes, des réserves ambulantes à virus, des émissaires du mal qui nous hante et recommence à remplir les hôpitaux.
Il est injuste de généraliser et de prétendre que tout ce qui se situe dans les tranches d’âge de la jeunesse est un danger potentiel, une bande armée d’insolents et d’irresponsables. Ils ont dansé tout l’été avec notre approbation souriante, nous avons admiré, et même jalousé, leur capacité à maintenir haut le flambeau de la joie de vivre et partager une liesse communicative. On ne va pas, finalement, l’automne revenu, leur faire la tronche et leur reprocher de vouloir continuer à « vivre », tout simplement « vivre » comme ils le revendiquent constamment.
Ils sont insolents et négligents, soyons indulgents, c’est la base de la pédagogie. Avant de leur demander de prendre soin de nous, souvenons-nous qu’à leur âge nous étions aussi dans un bain de joie et de chansons insouciantes, malgré les drames et larmes du temps : la guerre d’Indochine, celle d’Algérie. La guerre froide et ses conséquences possiblement atomiques. Les virus avaient une autre forme, mais des peurs rôdaient aussi. Nous les avons dominées. Recommençons avec l’appui de jeunes qui ne sont pas plus étourdis que nous l’étions au moment des Trente Glorieuses.
Commentaires
Il faut être inquiet, mais il n'est plus temps d'avoir peur. La peur est paralysante, alors qu'il faut agir.
Genève va dans le mur. Ce mur, c'est de devenir le lieu que l'ont fuit, à l'image de certaines grandes villes américaines, où la classe moyenne quitte le centre pour la sécurité, le mieux vivre.
Mais la population dans les choix de votes, est aussi responsable et aura des comptes à rendre aux futurs générations.
A droite, comme à gauche, il n'y a aucune conscience pour gérer l'économie, c'est toujours ce 20ème siècle avec le sacrifice de l'humain pour l'économie.
Gérer c'est quoi ? C'est accepter seulement l'installation d'entreprises qui ne demande pas (ou peu) de faire venir des frontaliers ou d'étrangers. Développer le télétravail depuis la France, donc il faut travailler sur de nouveaux accords pour l'imposition. Créé des métros transnationaux (sans conducteurs).
Le but étant que Genève ne se développe plus. Ses voisins qui n'ont pas de limites de territoire peuvent construire des logements.
La gauche de Genève est certainement contre, eux qui veulent accueillir la misère du monde (le prolétariat), comme si ailleurs (France voisine), ils y seraient moins bien.
Idem pour les autres cantons, parce que déjà maintenant, les citadins en recherchent d'air pur le weekend, font dramatiquement pression sur la Nature sauvage.
La peur doit être motivante pour se débarrasser de cette génération de politicien qui n'ont pas réussis à se sortir du 20ème siècle, même les JSS sont vieux, ils ont des priorités issus du siècle passé.
Le futur si il peut être changé, ce sera peut-être par la génération d'ados d'aujourd'hui.
Hodgers malgré une couleur verte associé à la jeunesse, est vieux. Il n'est pas capable d'insuffler un nouveau paradigme.
Les générations futures et leur bien-être doivent être le fil rouge du développement.
Écrit par : motus | 25/09/2020