Un sermon à Compesières (12/09/2020)
On est au Liban. Au début des années 80. La guerre fait rage. Des miliciens pénètrent dans la maison. Massacrent une famille. Sauf la jeune fille, infirmière, qui s'est cachée. Elle assiste à la tuerie, voit le visage des assassins. Quelque temps plus tard, un des miliciens saute sur une bombe. A l'hôpital, la jeune soignante le reconnaît. Il est à sa merci. Elle demande à Dieu la force de ne pas se venger. La force de pardonner?
Peut importe que le renoncement à la vengeance et le pardon ne soient pas la même chose, le curé de Carouge qui dessert désormais aussi la paroisse de Compesières, ne s'arrête pas à ce détail. Il raconte cette histoire vraie pour illustrer l'évangile du jour: il faut accorder son pardon non pas sept fois comme le prescrit la loi juive mais septante-sept fois sept fois.
Masqués, les 35 paroissiens ne pipent mot. Un sermon ne souffre pas la discussion.
A la sortie, je dis mon désappointement.
La parabole raconte l'affaire d'un débiteur qui doit 60 millions de pièces d'argent. Une fortune pour l'époque. Il supplie qu'on ne les vende pas lui et sa famille comme esclave, c'était le risque et une pratique courante à l'époque. Et voilà que le créancier remet la dette, toute la dette. Pfuit, disparue d'un coup d'éponge sur une ardoise. Et sans condition. Enfin si. Il y a un condition qu'il fasse de même à son tour. C'est là que l'histoire se corse. Et que l'on comprend que le royaume de Dieu, la miséricorde, le pardon ne sont pas toujours de ce monde. Il est difficile à l'homme de pardonner. Il lui est déjà difficile de rendre justice.
Tiens, à propos de la jeune infirmière qui renonce à se venger, a-t-elle dénoncé l'assassin de sa famille? La justice l'a-t-elle arrêté, jugé, condamné? Dans l'Evangile du jour, Jésus n'évoque que le pardon. Le curé Perritaz aussi. Il fait l'impasse sur la justice.
Dans la vraie vie, le débiteur doit rembourser ou tomber en faillite. Et encore n'est-il pas sauvé. Qu'il revienne à meilleure fortune et ses créanciers se rappellent à son bon souvenir.
Dans la vraie vie, il peut arriver qu'on remette des dettes de gré ou de force. C'est le cas des pays en faillite et des banqueroutes plus ou moins frauduleuses. Le créancier, qui a prêté souvent plus que de raison et de ce fait porte une part de la responsabilité de l'endettement excessif, finit par comprendre que la remise de dette partielle est dans son intérêt aussi. Sa décision est économique, rarement altruiste, toujours sous conditions.
La justice est l'affaire de César, du gouvernement, me dis-je. Le pardon, c'est l'irruption du monde de Dieu dans le monde des hommes. Un miracle. L'irruption de l'éternité dans l'espace-temps. Septante-sept fois sept fois!
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