La croix et le C de PDC (13/07/2020)
Imagine-t-on les Suisses renoncer à leur drapeau carré, frappé d'une croix blanche*? C'est le seul pays à ma connaissance qui affiche franchement le symbole qui est depuis près de deux millénaires et l'est encore pour quelque 2,4 milliards de chrétiens le symbole qui les rattache à la foi en Dieu, en la résurrection d'un homme, son fils, mort sur une croix, car sa bonne nouvelle menaçait l'ordre établi.
Que n'a-t-on pas fait au nom du Christ! La conquête des peuples, ce qui a enrichi les commerçants, y compris ceux qui commerçaient des frères humains. Sans que l'Eglise ni ses clercs, sauf rares exceptions, n'y trouvent rien à redire. Le mariage du glaives et du goupillon n'a que rarement libéré les enfants de Dieu de l'oppression du plus fort, établit la justice, la paix et la fraternité sur terre.
Le goulag ou l'enfer sont les anges déchus des idéologies et des bonnes paroles. Délivre-nous du mal et ne nous laisse pas entrer en tentation...
En ce temps présents d'incertitudes - quel temps ne le fut pas? -, le c évoque plus le corona (qui nous rappelle notre condition de mortel), que le christianisme (qui s'affadit ici) ou le communisme (qui s'est disqualifié dans la pratique) ou le consumérisme (l'idéologie du temps présent) ou - en devenir? - le communalisme (qui enchante les Verts en leurs jardins).
J'ai relu hier l'interview dans la Tribune de Genève de Vincent Maitre, président sortant du PDC genevois (et seul conseiller national PDC romand à n'avoir pas déclaré les revenus qu'il tire des ses participations à des associations et conseils d'administration, dit ce matin Le Courrier, dans une enquête un peu inachevée et décevante sur les liens d'intérêt de nos élus à Berne).
L'abandon du C et donc de la référence chrétienne - entendez catholique** - dans le nom du quatrième ou cinquième parti de Suisse, en discussion au niveau fédéral, est donc un débat sain et utile. Si les valeurs demeurent, poursuit l'élu PDC, l'étiquette peut être adaptée aux humeurs du temps présents. Le PD? pense ainsi attirer plus d'électeurs qu'il ne risque d'en perdre. Pari risqué, mais quel pari ne l'est pas?
Les temps sont-ils mûrs pour une telle mue? Les partisans du PDC se souviendront que ce n'est pas la première fois que leur parti change de nom. Car, au commencement était la République de 1848, celle des libéraux-radicaux, des villes, des commerçants, des gros paysans, des industriels, des prolétaires aussi qui ne se sont jamais trop préoccupés de Dieu ni de ses saints ou avaient, avec le protestantisme, déjà coupé les ponts avec les diktats du clergé et de leur chef, l'évêque de Rome.
Il fallut un certain temps au XIXe siècle pour les catholiques - les ultramontains - gagnent leurs galons de démocrates et de républicains et confinent le pape et ses clercs en leur église. Cependant, il ne s'agissait pas de s'émanciper de la bonne nouvelle, il fallait la transformer en bonnes politiques.
De cette histoire sont nés deux courants parmi les catholiques - un parti conservateur, un parti chrétien-social - frères et ennemis du radical-libéralisme et du socialisme. Les Verts n'étaient par encore nés.
Après le Concile Vatican II (dans les années 60), qui déclara que l'église et le peuple de Dieu ne faisait qu'un mais qui ne parvint pas à instaurer la démocratie dans l'église de Rome - d'où aujourd'hui encore ces appels à la fin du cléricalisme*** - et à la mi-temps des trente glorieux, quand la croissance fit croire qu'enfin le ruissellement des profits allaient donner à tout le monde un niveau et une qualité de vie remarquable, les deux courants - conservateur-catholique et chrétien-social - devinrent le PDC en 1970.
Le PDC aurait alors dû disparaître. Il avait atteint ses deux objectifs: insérer les catholiques dans la démocratie républicaine suisse et faire en sorte, dans les cantons de la diaspora comme à Genève, qu'un catholique puisse accéder à tous les postes de l'administration et de la politique.
Mais évidemment, il n'avait pas réussi à transposer toutes les bonnes paroles de la bonne nouvelles en bonnes politiques. L'exploitation, l'injustice, l'inégalité, le capitalisme, le consumérisme, le racisme, le machisme, l'isolationnisme, le clientélisme demeurent. Il dure donc.
Il rassemble 10% des électeurs à Genève, 11,4% en moyenne nationale, avec toujours de gros trous dans certaines régions. Dans le grand canton de Berne notamment, où bat le cœur du PBD notamment et dans les villes où prospèrent le parti vert libéral et végètent les évangéliques.
Paris vaut bien une messe, a dit Henri IV qui n'est pas devenu musulman. N'est-il pas temps de créer le PSBC, le Parti suisse du Bien Commun (en allemand SGP, Schweizerische GemeinwohlsPartei, en italien PSBC, Partito swizzero del Bene Commune)? Un grand parti du centre où se forgent toujours, et en Suisse plus qu'ailleurs, les lois justes et équilibrées? De quoi occuper deux sièges au Conseil fédéral et deux ou trois au Conseil d'Etat à Genève?
Qu'importe l'étiquette, pourvu qu'il y ait l'ivresse? On nous le serine jusqu'à plus soif, le monde d'après le covid 19 devra être différent: plus féminin, plus respectueux, plus égalitaire, plus généreux. A condition qu'il soit aussi plus performant, capable de dégager toujours plus de valeurs. Le partage d'un gâteau qui devrait diminuer ne pourra être que conflictuel.
En attendant, le PDC suisse travaille à sa relève. Il vient de lancer Avenir Centre Suisse.
Un mot encore sur la responsabilité de l'Eglise catholique dans cet abandon du C. Les forces conservatrices et identitaires sont puissantes et se renforcent. François, qui plaît aux Verts et aux démocrates, fait face à rude partie. Or les silences et les compromissions de l'institution dans les affaires des prêtres pédophiles a sapé terriblement ce qui lui restait d'autorité. A cela s'ajoutent l'incapacité du Vatican et des évêques qui n'osent pas marquer leur différence concernant le statut de la femme dans l'église et l'évidente nécessité que la moitié du genre humain doit pouvoir accéder à la sacralité de prêtre.
Le c ne signifie plus alors catholique, c'est-à-dire universel, mais conservateur.
* L'inverse du drapeau suisse, celui de la Croix Rouge n'a plus de valeur universelle depuis belle lurette. Longtemps le CICR a cherché un emblème neutre, débouchant sur un losange évidé, un cristal selon la terminologie officielle, qui n'a pas pris racine, faut d'en avoir.
** Qu'on le veuille ou non, le PDC est fort en terre catholique ou anciennement catholique, c'est vrai aussi à Genève où le parti plonge ses racines dans le Kulturkampf et le déclassement dont les ultramontains ont été les victimes par des radicaux anticléricaux à la fin du XIXe siècle. Ainsi ma commune est-elle la seule et dernière où le plus grand parti s'affiche encore PDC.
*** Transformer l'église catholique Quelques propositions recueillies par Michel Camdessus, ancien membre du Conseil pontifical Justice et Paix, ancien directeur général du FMI.
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