Allons-nous regretter le monde d'avant? (01/05/2020)

the economist 90%.jpgLes crises sont forcément douloureuses et les convalescences ne le sont parfois pas moins. La lecture de l'article de tête du magazine The Economist, daté de ce samedi 2 mai, fait froid dans le dos. Le journal estime que nous allons devoir vivre pendant un certain temps avec 90% des capacités du jour d'avant. Ce 90% cache évidemment d'énormes différences entre les gagnants, tel Netflix, Tesla, la vente par correspondance, et les perdants, tel le tourisme, les transports et les fournisseurs de toutes sortes de biens et de services qui soudain nous paraissent secondaires et dont le report d'achat va accentuer la crise due au confinement et précipiter les faillites et les licenciements. 

L'Etat pompier ne pourra pas verser des salaires, des indemnités et tenir à bout de bras des milliers d'entreprises sans clients très longtemps. 

Combien de temps les retraités pourront-ils toucher leur rente pleine alors que des milliers de travailleurs voient leur salaire réduit à 80% ou 70% ou moins parfois (avec un plafonnement qui frappe les salariés les plus aisés dont le train de vie les obligera peut-être à quitter leur logement ou à le vendre dans un marché déprimé) sans parler de ceux qui échappent au filet social, migrants pour la plupart? Certes ces travailleurs payeront moins d'impôts, un petit soulagement qui se répercutera sur le dos de l'Etat, dont le rôle est justement d'absorber le choc comme un amortisseur gomme les cahots de la route. 

Cependant, ventre affamé n'a pas pas d'oreilles. Les inégalités économiques et sociales vont se creuser, les tensions politiques croître. Est-ce en cultivant son jardin qu'on va tous s'en sortir? J'en doute. Taxer les riches. Un peu plus - on n'y échappera pas -, mais c'est aussi une solution illusoire car les riches ne sont plus les harpagon de Molière (il y a toujours des exceptions), mais des capitalistes, des investisseurs, des entrepreneurs, des fonds de pension, dont la richesse dépend directement de l'activité économique n'en déplaise au Parti du Travail, qui fête ce jour non pas la fête du travail mais celle des travailleuses et des travailleurs - les mots et leur ordre ont un sens -, et qui réclame en point numéro un de sa liste de revendication: 1. Parce que ce n'est pas à nous de nous serrer encore la ceinture - nous demandons l'instauration d'une taxe sur les grosses fortunes pour soutenir les victimes de la crise.  (voir notre pétition https://pst-pop.ch/pour-une-taxe-corona/).

J'ai relu l'Appel du 4 mai et ses demandes au parlement pour un monde d'après...:

• Plus social
- Valoriser les professions qui se sont montrées essentielles en ces temps de crise
- Reconnaître le rôle fondamental du travail domestique largement effectué par des femmes
- Soutenir les oubliés des programmes de soutien « COVID » (« petits » indépendants)

• Plus local
- Favoriser les circuits courts
- Réduire les dépendances internationales (alimentation, produits médicaux, etc.)

• Plus écologique
- Conditionner les soutiens à des activités économiques durables

Ce programme est-il à la hauteur des défis? Non. Ses promoteurs ressemblent à ces passagers de première classe du Titanic qui se sont précipités dans les canaux de sauvetage en nombre insuffisant.

Cet Appel est populiste car il fait l'impasse sur les relations internationales qui font le niveau de vie de la population. Il est aveugle car il fait l'impasse sur le poids des dettes qui s’accumulent par milliards.

Que faire? On ne s'en sortira que tous ensemble et en conservant et même en renforçant les relations internationales. L'Union européenne est née de la Deuxième Guerre mondiale. 

Encore un point, la gauche a la mémoire courte. Elle s'égosille aujourd'hui contre les milliards prêtés par la Confédération à Swiss et à quelques autres entreprises. Pourtant elle était aux premières loges pour voter en mai 2000 les 5 milliards du sauvetage de la Banque cantonale genevoise.

Un sauvetage qui s'est soldé par une dette de 2,3 milliards de francs (11'000 francs par habitant, le prix du Ceva, a rappelé François Longchamp lors du procès des dirigeants de la banque, lequel avait aussi des trous de mémoire). La débâcle de la banque cantonale liée en partie à l'explosion de la bulle immobilière de la fin des années 80 - notre crise locale des subprime - avait en effet été aggravée par le fait que la banque n'avait pas liquidé ses casseroles rapidement, ou pas pu, en raison du souci de l'actionnaire - l'Etat de Genève - de ne pas déprimer encore davantage le marché immobilier. Il fallait donc tenir au risque de quelques cosmétiques comptables. Hélas, la récession des années 1990 dura trop longtemps et l'abcès finit par crever dans la douleur et les ressentiments. 

Autre rappel utile en ces temps de propagande, le soutien décrié de la BNS à l'UBS à la suite de la crise de 2007-2008 a été intégralement remboursé à la Confédération

 

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