#covid-19. Qui nous met donc à l'épreuve? Dieu? (24/04/2020)

la croix ramadan.jpg"Que son Père le descende de la croix, s'il est bien le fils de Dieu?" Les spectateurs de la crucifixion ne disent rien d'autres que ce que nous disons tous. Qui peut être ce Dieu qui se prétend tout puissant et qui laisse mourir son fils sans rien faire! Ce scandale ébranle bien des chrétiens et en a dérouté plus d'un hors de la foi, dans une indifférence prudente ou un athéisme militant.

Là où il n'y a pas de Dieu, la question de la mort et de la souffrance n'est pas moins cruciale. Et trouve des réponses variées, entre la soumission totale aux forces universelles et l'existentialisme au jour le jour, en passant par toutes sortes de philosophies ou de conceptions. 

La pandémie virale fait réfléchir. "Cette crise est un laboratoire vivant", dit Bernard Crettaz que l'Echo Magazine présente comme thanatologue, c'est à dire causeur sur les confins ultimes. Ultimes? 

"Dieu nous met-il à l'épreuve" titre La Croix qui ouvre son édition de ce vendredi sur le premier jour du Ramadan - le temps où l'on se tait pour laisser le temps et l'espace à d'autres voix - et évoque aussi la place que donnent certaines communautés musulmanes à un Allah vengeur

Le journal catholique tend le micro à Marie Cénec, pasteure à Genève: « Pas besoin que Dieu nous éprouve, la vie s’en charge!». Et insiste: pourquoi l’épreuve? «Nous perdons notre énergie à chercher la cause quand il faut se mobiliser pour assumer le réel et le tragique de l’existence », poursuit-elle. Un autre genevois est appelé à la rescousse: le poète Georges Haldas dans "Paroles nuptiales. Carnets 2005": « À nous de décider, selon les effets qu’elles produisent en nous, si les dures épreuves qui nous sont imposées sont oui ou non une forme de grâce. »

Les autres penseurs et théologiens convoqués ne parviennent pas à résoudre ce mystère vieux comme le monde: comment Dieu qui est tout puissant peut-il tolérer la souffrance et la mort?

Je me permets une modeste réflexion. Posons comme on nous le dit - la démonstration vaut aussi pour les athées - que Dieu est éternel et tout puissant. Je part aussi du principe qu'il est un être logique et qu'il nous a fait à son image.

Le problème est donc que si Dieu est tout puissant, il est autant tout puissant en création qu'en destruction. Réduire la toute puissance de Dieu à la seule création est réduire Dieu, comme le nommer d'ailleurs ce qui l'enferme dans un mot. 

Pour faire court, je ne retiens que deux événements clé de son et de notre histoire.

Le Déluge est le temps où Dieu décide de détruire sa création, ce qu'il fait tout en sauvant une minuscule part de l'humanité et de la création, avec laquelle il signe un pacte. Il promet de ne jamais plus recommencer. 

Ce faisant Dieu bride sa part destructrice qui continue d'agir cependant dans ce monde - nous y prenons chaque jour notre part et notre peine - et dans les cieux sans doute aussi mais ce n'est pas notre affaire. Dieu n'est plus le Dieu vengeur de la foudre et des éclairs, des tremblements de terre et des pandémie. Il est un Dieu justicier.

Second événement, Dieu se fait homme. Et pas n'importe quel homme, un petit enfant, un doux, un fragile, un SDF, un beau parleur, un pieux, un contestataire, une menace pour l'ordre établi, lequel l'élimine sur une croix, parce qu'il se dit fils de Dieu et donc supérieur à César même, un blasphème pour les juifs, un crime de lèse-majesté pour les Romains.

Jésus souffre le martyr et meurt dans ce monde. Impuissant, abandonné, comme nous face à la maladie. Scandale, injustice. Mais il ressuscite et promet la résurrection à tous ceux qui aiment leur prochain (un programme zéro armes, zéro viols). Dieu vainc la mort et bride davantage encore sa part destructrice. Dieu devient miséricorde. Et son Esprit libérateur. 

Dieu évolue et nous et sa création avec lui, dirait Teilhard de Chardin. 

A partir de là, c'est folie de dire que Dieu envoie le covid pour nous châtier ou même pour nous éprouver. Comme le dit Cénec: « Pas besoin que Dieu nous éprouve, la vie s’en charge!». Dieu souffre avec nous. Et compte sur nous pour réduire les causes de la souffrance sur terre: l'injustice, la pauvreté, la solitude, la faim, l'inculture, le désœuvrement, la guerre, la maladie.

Réduire ces fléaux n'est pas une mince affaire, mais c'est notre affaire, à tous et à chacun. C'est affaire de politique et d'éthique. 

Des temps nouveaux sont-ils venus? Le virus chinois est-il révolutionnaire? Sauront-nous convertir nos consommations, brider nos désirs, nos envies, nos peurs? Sacré défi. Esprit es-tu là? Assurément, il n'est pas las.

Quant à la mort, elle n'est qu'un passage. Désormais vaincu.

 

 

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