Qu'il est difficile d'être un média en temps de pandémie (12/03/2020)
Au moins en 2008, on savait qui était le coupable, ces gnomes branchés sur les centres financiers, l'oeil balayant les écrans ou tournent les cours et les indices, le doigt agile achète ou vend d'un clic des millions de papiers, son cerveau rumine la folie de son prochain bonus, tandis qu'ailleurs dans des fermes ultra sécurisées d'autres intelligences dites artificielles achètent et vendent à la vitesse de la lumière. Et soudain le krach et la ruine de millions de gens aux Etats-Unis, l'onde de choc de l'explosion atteint bientôt le monde entier. Il faudra bien dix ans pour s'en relever et bien des banques traînent encore les boulets de ce temps là.
En 2020, l'ennemi est inconnu, invisible à l'oeil nu, intraçable, sans remède. Il ne se loge pas dans les ordinateurs. Il n'est le fruit de l'avidité, de l'envie d'être riche ou simplement de profiter d'une aubaine.
Le Covid-19 est en train, comme le krach en 2008, de donner un violent coup de frein à la course du monde. Il contamine ceux-ci et pas ceux-là, il tue même, pas trop, mais selon une loterie diabolique, qui projette soudain nos âmes effrayées au temps de la peste et de l'obscurantisme.
Le Covid-19 n'est pas hors de contrôle. Mais peut-être bien que si car sa propagation dépend de notre autocontrôle à tous. Suis-je prêt à rester confiné 15 jours dans ma chambre, sans approcher personne ni enfant ni parents, mais les portes ouvertes histoire de ne pas toucher la poignée? Et mes proches et mes voisins et mes collègues de travail et mes relations, vont-ils bien adopter le même comportement?
Bonne nouvelle, à chaque fois, krach ou épidémie, le monde a repris sa course. Nous l'oublierons même, ce coronavirus. Et nous nous acclimaterons à compter à son actifs, chaque année, quelques centaines de milliers de morts, comme c'est la cas de la grippe qui fauche entre 250 et 500'000 personnes par an, malgré la vaccination. La question, c'est comment nous allons sortir de la crise actuelle, en combien de temps et avec quels pertes et profits.
D'où cette question: l'arrêt brutal des activités va-t-elle faire plus de victimes que le coronavirus? Nos experts médicaux, qui ne sont experts qu'en médecine, ne peuvent pas répondre à cette question. Il ne faut donc pas leur donner le gouvernail, pas plus qu'aux économistes. Seuls les politiques sont habilités à trancher au quotidien en fonction de leur savoir et de l'évolution de la situation, dans une pesée des intérêts, forcément insatisfaisante et critiquable. Plusieurs d'entre eux - les ministres de la santé Berset en Suisse, Veran en France - redorent heureusement le blason d'une classe (politique) qu'on vilipende volontiers.
Le traceur de l'Université John Hopkins n'échappe pas à la dramatisation avec ces cercles rouges qui accentuent l'effet de l'épidémie alors que par rapport à la population totale, le nombre des personnes contaminées reste très faible.
Et les journalistes et le médias? De ce que je lis, regarde ou entend dans les médias professionnels - soit une infime partie de ce qui s'édite -, je trouve une belle maîtrise du sujet. Les médias et les journalistes sont cependant victimes de ce fait avéré: nous sommes bien plus avides des mauvaises nouvelles que des bonnes. La première victime guérie du coronavirus en Suisse a fait bien moins de ramdam que celle qui en est morte. Et les courbes ont beau montré que le nombre de guérisons est très supérieur au nombre de morts, c'est ce chiffre des décès qui fait les titres. Et plus les morts sont dans notre proximité, plus les titres grossisent au point d'occulter la réalité qui est bien moins inquiétante.
Deux autres éléments s'ajoutent à cette dérive bien connue de l'information.
Désormais tout un chacun est journaliste. Tout un chacun peut transférer d'un doigt l'info à ses proches, par courriel, What'sApp, Telegram, etc, ou à sa bulle via Facebook, Twitter, Instagram, etc. Or on ne transfert que ce qu'on a lu et comme on lit plus volontiers les faits divers et l'exceptionnel, le scandaleux ou le surprenant que les analyses pondérées, chaque lecteur désormais acteur de l'info accroît d'autant la dérive.
L'autre élément nouveau, c'est la faculté de déposer un commentaire sous les articles. Le courrier des lecteurs classiques est toujours lu, sélectionné, parfois corrigé avant publication. Les lettres de lecteurs sont toujours signées. Tel n'est pas le cas des commentaires. Or les journaux n'ont pas les moyens d'appliquer aux commentaires le même traitement coûteux que celui qu'il applique aux lettres imprimées.
S'il est un domaine où l'argent public pourrait être intelligemment investi, c'est dans l'aide aux médias destinées à mieux gérer les commentaires et à mieux lutter contre les fake news et les rumeurs qu'ils colportent parfois. Mais ceci est un autre sujet.
Direct - Panique à la Bourse de Zurich https://t.co/DQCK23Bqtm
— Tribune de Genève (@tdgch) March 12, 2020
09:00 | Lien permanent | Commentaires (1)
Commentaires
Un virus qui ne se soignent pas, qui comme tout virus peut muter avec la possibilité cette fois-ci de ne pas épargner les plus jeunes, n'est potentiellement pas une virgule dans le temps.
Comparer ce virus à la grippe, c'est ridicule, la grippe tue 10-20x moins.
Sans vaccin, on est potentiellement face à de grave difficulté qui peut marquer le siècle.
Le vaccin ? Certains parlent de 12 à 18mois, voir plus. Pendant ce temps, croisons les doigts pour que ce virus n'évolue pas.
Rassurer, c'est le rôle de l'Etat, le piège est que les mesures soient prises à la légère par le citoyen. Nous sommes face à un danger ou pas, l'avenir le dira. On a pas le choix que s'autoresponsabiliser pour que le pire n'arrive pas.
La médecine guérit de la grippe, mais pour ce virus, la médecine ne soigne que les symptômes, la différence n'est pas mince.
Écrit par : motus | 12/03/2020