"Les Huguenots" et la messe à Saint-Pierre de Genève (25/02/2020)

pain et eau.jpgCe mercredi commence le "Ramadan chrétien", le Carême, un temps de frugalité - c'est très à la mode -, de réconciliation - ça l'est un peu moins - , de pardon - évoque-t-on ce mot libérateur dans l'école genevoise?

A Genève justement, où la pensée dominante impose une stricte et parfois sourcilleuse séparation des églises et de l'Etat, l'événement prend une tournure historique. Ce mercredi des cendres, selon le rite catholique, où les croyants se souviennent qu'ils sont poussière, de cette poussière que le Créateur a façonnée avec l'eau et le souffle pour faire l'Adam, l'humain premier, homme et femme confondu.e.s, jusqu'à ce que Dieu personnifie le masculin et le féminin, et sans doute tous les genres...

Ce 26 février, mercredi des cendres, donc, Les Huguenots, le maxi opéra de Meyerbeer, est donné sur la scène du Grand Théâtre de Genève. Un événement. Au Ve acte, ont entend le chœur des meurtriers: « Abjurez, huguenots, le ciel l’ordonne!» C'est le massacre de la Saint-Barthélémy, le 24 août 1572. 

Samedi 29 février, une messe catholique sera dite en la cathédrale Saint-Pierre de Genève, une première depuis 1535, un "signe de bonne santé œcuménique", lit-on sur le site cath.ch, "ni une défaite ni un triomphe" écrit le professeur Grandjean dans la Tribune.

Que de chemin parcouru en cinq siècles!


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Mais pourquoi donc, la Genève laïque tolère-t-elle que sur la scène de Neuve, on commémore cette tuerie dont les ressorts sont bien davantage la conséquence meurtrière d'une lutte politique, une lutte de clans mafieux, que religieuse * ? Qu'en dit le socialiste Sami Kanaan, le ministre de la culture de la Ville de Genève, à moins que le ministre ne soit désormais son collègue de parti, le conseiller d'Etat Thierry Apothéloz, depuis que les Genevois ont commandé aux autorités cantonales, par leur vote l'an dernier, de coordonner dorénavant les politiques et les budgets culturels des communes?

La messe de samedi est pour cath.ch l'occasion de rappeler que la cathédrale de Genève fut chrétienne depuis les années 300 après Jésus-Christ, le temple d'une église unie (enfin presque), et, depuis 1535 (seulement?), le temple d'un des nombreux - et le plus radical - courants réformés.

500 ans après, qui a raison, qui dit la vérité de Dieu, à défaut de dire la vérité sur Dieu? Au moins on ne s’entre-tue plus, mieux on inter-communie, une manière de dire que les gloses pluriséculaires des théologiens, des papes et des pasteurs sur la nature du pain et du vin partagés ne sont pas l'alpha et l'omega. Désormais, on capitalise sur le "faites ceci en mémoire de moi" qui consacre l'accueil et le partage comme les valeurs cardinales des filles et fils de Dieu du temps présent.

Reste le droit canon et le catéchisme de l'église catholique. Qui dit au numéro 1457: "Celui qui a conscience d’avoir commis un péché mortel ne doit pas recevoir la Sainte Communion, même s’il éprouve une grande contrition, sans avoir préalablement reçu l’absolution sacramentelle, à moins qu’il n’ait un motif grave pour communier et qu’il ne lui soit possible d’accéder à un confesseur."

L'église catholique a une longue expérience de la confession personnelle et secrète. Le procédé est-il si différent d'une psychanalyse? La question est plus ancienne que cette pseudoscience. Le prêtre n'est pas un psychologue, mais un instrument de Dieu, dit JP II. La confession catholique vaut mieux et est sans commune mesure avec les confessions publiques extorquées par intimidation et torture, dont Arte nous donne ce soir une effrayante illustration. 

Outre les propositions de confession traditionnelle qui fleurissent dans les églises depuis l'abandon de la réconciliation collective, l'église catholique propose un quiz bien dans l'air du temps, quoique un peu simpliste. De quelles mauvaises habitudes pourriez-vous vous libérer pendant le Carême ? Faites le test !

Perso, je suis accro au smartphone... Quelle sera ma pénitence?

"Nous avons choisi de vivre cette messe historique au début du Carême, a écrit Pascal Desthieux, pour inclure une démarche pénitentielle où nous demanderons pardon pour nos péchés contre l’Unité."

Quels sont donc ces péchés exactement et quelle est la pénitence? Une confession publique?

 

* Jouer Les Huguenots est un hommage à l’histoire de Genève et à son passé de ville d’accueil, lit-on sur le site du Grand Théâtre. Actuellement, les menaces entre les différents groupes religieux prennent des dimensions de plus en plus radicales. Quelle est la place réservée encore à l’accueil à Genève et quel dialogue est possible ou nécessaire entre les schismes qui se creusent?

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