Les paradoxes de l'évêque de Genève (09/02/2020)
L'abbé Pascal Desthieux ne porte pas la mitre (pas encore?), il est tout de même vicaire à Genève, c'est à dire premier lieutenant de l'évêque Morerod. Son heure de gloire sonnera le 29 février prochain quand il dira la messe en la cathédrale Saint-Pierre, une première depuis 1535. L'affaire n'émeut certes qu'une poignée de Genevois - surtout du côté protestant - qui se demandent quelle punaise diabolique a bien pu piquer le président Daniel Pilly et son Conseil de la paroisse, et Emmanuel Rolland, pasteur du temple où Calvin prêcha la Réforme, pour qu'ils lancent pareille invitation aux catholiques, sans au moins réclamer la réciproque à Saint-Pierre de Rome?
Dans le dernier Courrier pastoral de l'Eglise catholique de Genève, Blaise Menu, ci-devant modérateur de la Compagnie des pasteur, explique le geste prophétique de son Eglise. Sans se mouiller. Il contourne tous les obstacles et autres questions gênantes comme celles qui furent posées à Saint-Pierre de Genève, le 19 janvier dernier, à l'issue de la cérémonie œcuménique annuelle de la Semaine de l'unité des chrétiens: "Mais comment peut-on accueillir ici une église misogyne, homophobe et menteuse?"
J'ai relaté la réponse du vicaire épiscopal dans un précédent billet: #œcuménique: Je te prête ma maison pour faire la fête.
On verra ces prochaines années si l'extension de la norme antiraciste à l'orientation sexuelle dans le code pénal suisse débouchera ou non sur une croisade contre ces catholiques et autres évangéliques fondamentalistes, qui croient pouvoir puiser dans la Bible des propos que les tribunaux seront peut-être appelés à juger contraires au nouvel article 261 bis. Le nouveau Kulturkampf est cependant déjà lancé.
Cette question est l'une des plus controversées parmi celles qui séparent aujourd'hui encore le protestantisme du catholicisme. La récente décision de de l'Eglise protestante de Suisse de bénir les mariages de deux personnes du même genre creuse encore le fossé d'avec la doxa catholique. Que Desthieux préside un groupe de réflexion du diocèse sur la question ne changera rien à la doctrine romaine avant quelque temps. Mais il n'est pas interdit d'espérer.
Ce matin, à la messe de 10h à Compesières, l'abbé Elie Maomou a, dans la droite ligne des lectures du jour, prêché sur le sel de la vie et la lumière de Dieu, dont les chrétiens devraient être de plus ardents témoins. Il a brisé quelques lances contre le relativisme ambiant qui s'empare des corps et des pensées et les détourne de la foi et "contre cette loi, en votation ce dimanche, qui va nous interdire de donner notre opinion sur l'homosexualité...".
Trop, c'était trop, j'ai levé le doigt et ai dénoncé ce raccourci fallacieux. Un ange chargé de points d'interrogation a traversé l'espace temps. Il a à peine réveillé la trentaine de fidèles dont la majeure partie n'avait sans doute rien compris tant la sono du lieu rendait le prêche inaudible.
Il était de tradition naguère que les pasteurs donnent leurs mots d'ordre quand, après la messe de 10h, les hommes s'en allaient faire leur devoir civique, avant l'apéro et le rôti du dimanche. Toutes ces traditions ont disparu. Certaines heureusement, d'autres moins.
Qu'un jeune prêtre africain s'en prenne à la norme antiraciste m'a laissé un peu interloqué même si l'extension votée ce dimanche, heureuse pour les minorités de genre qu'elle devrait défendre davantage, reste tout de même équivoque.
J'en viens - excusez la longueur de mon propos - au cœur de ma réflexion du jour. Dans le Courrier pastoral de février, on peut lire le compte-rendu que Pascal Desthieux consacre au voyage que lui et une quinzaine de catholiques de Genève ont entrepris juste après Noël dans le diocèse de Kankan, en Guinée Conakry. Le diocèse couvre une superficie trois fois supérieure à celle de la Suisse. La population y est très majoritairement musulmane. Et, lis-je page 2, pendant quelques années, le pouvoir en place bannit les congrégations religieuses trop assimilées au colonisateur français - comme les Jésuites au XIXe siècles en Suisse - de sorte que le culte catholique dut sa survie à l'action des laïques...
Mais, alors me dis-je, pourquoi diable notre vicaire est-il allé chercher en Guinée un prêtre pour en faire un commissaire politique dans ma paroisse de Compesières et celles de Carouge, Veyrier et Troinex? N'a-t-il donc pas confiance qu'au sein des fidèles de ce pays (ou de ce qui en reste) quelques bonnes âmes se lèvent et se consacrent à l'annonce de la Bonne Nouvelle?
16:51 | Lien permanent | Commentaires (2)
Commentaires
Cher Monsieur,
Dans votre note, vous placez le débat autour d'une messe à Saint-Pierre sur le terrain des supposées misogynie et homophobie de l'Eglise catholique. Cela me paraît très significatif de l'actuel esprit du temps mais sur le fond c'est très ... déplacé, si je puis me permettre ce jeu de mot facile.
Le fond de la question est ailleurs. Le fond de la question tient au désaccord sur la théologie de la communion qui est l'une des causes majeures de la Réforme. Malgré cinq siècles de débats, le désaccord persiste.
Dés lors cette invitation braque les projecteurs sur ce qu'on appelle l'hospitalité eucharistique, c'est à dire l'accueil à la communion des chrétiens non-catholiques. Nous savons que l’hospitalité eucharistique, du point de vue catholique, ne peut être pratiquée qu’au cas par cas pour des motifs pastoraux justifiés. Mais elle n’est pas dans le dogme. On peut le regretter, on peut souhaiter comme moi que cela évolue un jour, mais en attendant, c’est la règle de Rome et elle doit être respectée. Bien sûr lorsque le Pape est venu à Genève, je n’ai pas aimé l’image de ces protestants exclus ostensiblement de la communion. Pourtant cela est d'abord de leur faute. Ils le savaient à l’avance et n’avaient qu’à rencontrer le Pape dans un autre cadre et le laisser tranquillement dire sa messe pour les catholiques de Suisse. Ils se sont mis eux-mêmes en quarantaine, en quelque sorte!
Dés lors organiser à Saint-Pierre un évènement dont le retentissement médiatique sera certainement important place d’emblée la communauté catholique dans une sorte d’injonction contradictoire. Ou bien il y a hospitalité eucharistique- mais alors les catholiques sont mis dans une situation de désobéissance de fait (car je vois mal invoquer les raisons pastorales) , ou bien il n’y en a pas et ce sera forcément pris de travers par les non-catholiques, dont on peut supposer qu'il seront nombreux à être présents le 29, au moins par curiosité. Je n'aime pas cela. L'oecuménisme ne saurait avancer dans l'irrespect des règles de l'autre...
Par ailleurs vous semblez reprocher aux catholiques et aux évangéliques leur résistance à l'idéologie progressiste. Même si j'admets ici ou là des maladresses ou des crispations désuètes, j'approuve et partage pour ma part l'esprit de cette résistance. Ne vous y trompez pas: ce protestantisme contemporain, qui se pique d'être dans le vent, est en voie d'extinction. Son accueil inconditionnel et empressé des dernières lunes progressistes à la mode lui sera fatal à moyen terme. Les récentes décisions du Consistoire laissent sans voix.
Lors d'un culte radiodiffusé le jour de la Réformation depuis Saint-Pierre, j'avais soutenu que la seule chose qui menaçait l'avenir du protestantisme mainstream, c'était l'insignifiance. Nous y sommes.
Je ne me réjouirai pas que l'Eglise catholique emprunte le même chemin...
Écrit par : vincent schmid | 10/02/2020
Bonjour,
Il semble que vous ne perceviez pas que le tableau des forces religieuses a évolué et évolue dans ce canton.
- L'église protestante de Genève, anciennement Eglise nationale protestante, est en voie de disparition. En effet, le nombre de protestant a, pour des raisons démographique et migratoire, fortement diminué et ses membres sont largement devenus des protestant-zombies. Ses errements, comme le mariage homosexuel ou le culte catholique le 29 février 2020 en la cathédrale Saint-Pierre, sont de nature à provoquer une profonde révolte de certains fidèles, qui se zombifierons ou la quitteront formellement.
- L'église catholique romaine a, pour des raisons démographiques et migratoires, vu sa population largement croître, supplantant les autres confessions. Cependant, ces nouveaux catholiques là sont, d'autant plus qu'ils sont européens (par opposition à extra-européens), largement zombifiés.
- Les Eglises évangéliques, sont elles, en croissance et sont par essence peuplés de fidèles qui ne sont pas zombie. Ce sont elles qui portent haut et fort la voie du Christ.
- La confessions musulmane est aussi en forte croissance.
Ainsi donc les protestants disparaissent, les musulmans et les évangéliques croissent, mais quid des catholiques romains ?
L'église catholique romaine a, en occident européen et donc en Suisse, deux possibilités : la disparition ou une renaissance, renaissance insufflée par les missionnaires venues d'Afrique à l'effet de christianiser l'église catholique car votre curé africain transmet le vrai message catholique.
Écrit par : CEDH | 11/02/2020