Le CEVA est un train du XIXe siècle (09/12/2019)

Oui, oui, les rames du Léman Express seront modernes, climatisées, flambant neuves, sorties des ateliers de l'industriel Stalder côté suisse et d'Alstom côté français. Des trains à comparer dès cette fin de semaine. Et peut-être même pas bondées comme le 12 à 18h. Les rails sont neufs aussi, entre Pont Rouge et Annemasse, fixés sur des socles en béton d'un mètre d'épaisseur, munis d'amortisseurs, histoire d'éviter au maximum la propagation des bruits solidiens. Et la cadence sera au quart d'heure d'Annemasse à Coppet. Les gares sont des hangars car on a renoncé aux briques de verre de l'architecte Nouvel, mais on a tout de même conservé celle de Chêne-Bourg en la déplaçant de 33 mètres... Pour tenir le budget nous raconte-t-on dans mon journal préféré ce jour.

Et combien coûte ce joujou imaginé au XIXe siècle (ici la convention de 1912 et )? Pas un mot dans l'article du jour*. Mais rien de plus pour l'usager puisque les tarifs TPG ne sont pas revus à la hausse. On rase gratis.

Roulez tambours! Il n'y a que du bon, du beau, du débonnaire dans les articles qui font l'article du RER grand genevois et les flonflons annoncés pour cette fin de semaine. 

Sauf que la facture a augmenté de 65%, de 970 millions selon le devis voté en 2002 à 1,6 milliard annoncé officiellement côté suisse. Et a-t-on bien tout additionné? A ce prix, on ne peut qu'espérer un succès du CEVA. 

A propos des méchants Champelois à qui l'on reproche les délais de construction et les coûts supplémentaires, il faut tout de même dire que les retards furent autant le fait des recours que du temps que Genève a mis à répondre aux quelque 350 réserves émises par l'Office fédérale des transports. Quant au surcoût de 65% de la facture initiale - le 29 novembre 2009 les Genevois n'ont voté que sur 113 millions (et ) - ils furent surtout le fait d'une première évaluation financière assez désinvolte des autorités genevoises.

On notera encore cette pensée unique courante à Genève - rose et verte mais pas que - qui honnit volontiers les nantis des beaux quartiers et a les yeux de Chimène pour les habitants des Grottes. Pour ces derniers et pour éviter la démolition de quelques immeubles sans valeur au nord de la gare principale, on a vite imaginé une nouvelle gare sous Cornavin: une bagatelle à 800 millions, faute d'imaginer pour la cité deux gares reliées par une boucle. Au fait, s'est-on demandé ce qu'on pourrait faire de mieux éventuellement avec ces 800 millions? Un chantier à venir.

Le pire du CEVA, c'est son tracé. Un tracé hérité des nombreux projets qui ont fleuri à Genève dans la seconde moitié du XIXe siècle en matière ferroviaire, à une époque où les plantaporets cultivaient encore le cardon à Plainpalais et les Genevois ne voyaient voler les avions que dans le romans de Jules Vernes. 

leman express plan reseau.jpgL'image ci-contre est désormais bien connue. Elle montre le réseau du Léman Express - 240 kilomètres en fonctionnement depuis des lustres et que relie le 5 km entre La Praille et les Eaux-Vives. N'y repérez-vous pas une anomalie?

Comment au XXIe siècle le Léman Express peut-il ignorer Cointrin et sa zone d'activité dont Palexpo? C'est le coup d'après nous promet-on. Sauf que les nouveaux projets ne prévoient toujours pas de supprimer le cul de sac de Cointrin et imaginent une raquette reliant Cornavin à l'aéroport et Satigny. (

plan directeur trams et trains Genève 2019.jpgVoir les projets de loi 12553-4 du 16 juillet 2019. Relire: la raquette de Cointrin et le coup manqué du CEVA et . Lire aussi le blog de Rodolphe Weibel , repris dans Domaine public, et celui de Daniel Mange du 1er mars dernier

Dans un récent blog intitulé "Voilà 5 ans déjà que le CEVA circule", j'ai imaginé ce qu'aurait pu être le Léman Express du XIXe siècle si le miroir aux alouettes des 60% de financement des CFF promis en 1912 n'avaient pas ensorcelé nos édiles. 

 

Pour clore ce billet. je vous offre quelques images (cliquer dessus pour les agrandir).

gare des vernets 1894.pnggare de rive.jpg500 mètres de ville en plus.jpg 

 

 

Les premières montrent une gare à Carouge, une gare en cul de sac conçue en 1894 comme seules les grandes villes devaient s'en offrir à l'époque. Les métropole ne pouvaient alors se concevoir autrement que comme tête de ligne, commencement et bout du monde. Les promoteurs et ingénieurs du XIXe avaient aussi imaginé une gare à Rive. Fin des années 1980, un groupe d'urbanistess ancrés à gauche, avait proposé un plan ferroviaire et routier dans le cadre d'un projet baptisé 500 mètres de ville en plus.

 

Bénédict Frommel, historien au Département du territoire, est l'auteur d'une très intéressante étude "Les chemins de fer du Canton de Genève : étude historique, 1840-1960" (disponible en ligne ici). A voir aussi: le site, hélas endormi, de 500 mètres de ville en plus. Ou le projet de l'architecte Charles Pictet de déplacer la gare de La Praille à Colovrex ou encore la création d'une branche du Leman express sous la colline de Bernex et bien sûr le projet le plus avancé quoique contesté par l'ingénieur Weibel de la construction d'un gare souterraine à Cornavin et d'une boucle reliant la ligne de Paris en passant sous la gare de l'aéroport. En attendant, la revitalisation de la ligne Tonkin (celle des Carpates l'a été), l'eurométro Lyon-Cointrin ou la remise en fonction de la ligne du pays de Gex et sa connexion à  Nyon et à Meyrin.

 

 

*Au dernière nouvelles officielles, la facture suisse de l'infrastructure (sans le matériel roulant donc) atteindra 1,6 milliard de francs (dont 60% à charge de la Confédération), soit 32 millions par an en comptant un amortissement sur 50 ans et un coût d'intérêt de 16 millions par an à raison d'un taux d'intérêt de 1%. La facture française 250 millions d'euros. 

 

NB: Note mise à jour le 10 à 10h et 16h, notamment le lien vers l'histoire des chemins de fer du canton de Genève.

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