Emery-Torracinta et l'art de l'école (15/10/2019)

151013_Emery_Torracinta_Conseillère_Etat_ 02.JPGTrois chercheurs, employés au Service de la recherche pédagogique, un organisme sous la tutelle de la ministre de l'Instruction publique, Anne Emery-Torracinta (ancienne employée du ministère qu'elle dirige), signent le dernier rapport sur le Cycle d'orientation

L'institution genevoise, 55 ans cette année, fer de lance de la démocratisation des études, censée faire éclore au mieux les jeunes pousses que sont les ados du canton, démarre à la toute fin des années 50 sous les auspices d'un radical, l'oublié Alfred Borel. Elle fut mise en oeuvre dès 1962 par un socialiste durable (24 ans à la tête du DIP), le très vénéré André Chavanne. Les réformes n'ont pas cessé au CO depuis. Normal, les temps changent et les jeunes du XXIe siècle, asservis plus que de raison, dit-on, à leur smartphone (sauf à l'école où l'objet est banni), n'ont pas grand chose à voir avec leurs aînés des années 60, dont je fus.

La dernière réforme du Cycle, portée par le socialiste Beer mais imposée par le peuple, rate ses cibles, dit le rapport. Il faut donc réformer, dit la ministre. 

Objectif le tronc commun, le graal de la gauche, la classe unique, le mélange des forts en thème et des rêveurs aux papillons ou autres vagabonds, rétifs à l'enseignement formaté que les pédagogues du DIP leur proposent.

Bref, malgré un budget par élève dans le top cinq du monde, le DIP raterait sa cible. C'est forcément le système de la sélection précoce qu'il faut donc remettre en cause. Rien d'autre. 

Pourtant, est-on bien sûr que les élèves assument tous leur engagement de se former? Sont-ils (et leurs parents) au demeurant conscients des budgets et des compétences qui sont alloués à leur instruction? N'y aurait-il pas dès la plus jeune âge des formes de contractualisation formelles où chacun s'engagerait à faire la part qu'on attend de lui?

Est-on bien sûr que les enseignants remplissent leur cahier des charges voire plus? Que là aussi, on formule chaque année ce que chacun attend de l'autre?

Le manque de moyens, que les syndicats et les associations de parents dénoncent régulièrement, devrait rendre plus imaginatif, plus inventif. Et plus prompt à exploiter les outils de formation en ligne ou non (Où sont les machines apprenantes adaptées à la formation?). C'est sans doute le cas en plein d'endroits sans qu'on en sache rien. Seule la plainte des mécontents est généralement tambourinée dans les médias.

Le poisson pourrit par la tête. L'encadrement est-il véritablement un soutien et non une machine à moudre des règlements? 

Enfin et last but not least, qu'en est-il ded vertus que l'on admire et porte aux nues - la discipline, la ténacité, le courage - quand on regarde un joueur de tennis, un footballeur, un athlètes, un pianiste, un artisan, un prix Nobel? Sont-ce bien les vertus premières qu'on inculque aux élèves, qu'on attend des parents et des professeurs?

Rien de ces choses n'est traité dans le rapport du SRED

Plutôt jargonnant, il dit:

"Les résultats complémentaires confirment largement les résultats obtenus dans l'étude source et montrent, en particulier, des parcours de formation qui tendent, au fil des années qui ont suivi la réforme, à converger vers la situation qui existait avant la réforme (diminution de la sélection à l'entrée du CO et diminution des réorientations promotionnelles)."
 
En clair, ce n'est pas la cuisine ni son équipement qui font la qualité d'un repas, c'est le-la cuisinier-ère et la brigade qu'ille parvient à motiver.
 
Un survol du rapport, certes trop rapide (mais qui a le temps de le lire et de le bien comprendre...?), montre que l'enquête est quantitative. Il n'y a aucune étude de cas, des facteurs et circonstances qui auraient permis à des élèves issus de milieux pauvres ou allophones d'atteindre avec succès le collège vs des apprenants qui n'y seraient pas parvenus. Bref, des études qui permettraient, mieux que les moyennes, d'évaluer si le succès ou l'échec est dû au système de sélection précoce ou au fait que l'élève promu a eu simplement la chance de tomber sur des pédagogues stimulants.
 
L'ensemble de l'étude fait d'autre part l'impasse sur la question de fond de la démocratisation des études. Quel est le but de cette politique: permettre l'accès aux plus doués aux études supérieures ou viser pour tous (ou presque) l'accès à la maturité? Il est  vrai qu'aujourd'hui tous les métiers ou presque exigent des connaissances et des compétences pointues. Mais c'est apprendre à apprendre dans des environnements changeants qu'il faut acquérir. Point besoin pour cela d'avoir forcément une tête bien pleine. 
 
Dernier point (pour l'instant), le fait que les élèves et leurs parents ainsi que les enseignants peuvent changer d'humeur, de (bonne) volonté et de force en fonction de la conjoncture économique et sociale. 2010, c'était la crise des subprime mais "Yes we can" etait au pouvoir. 2018, Trump est au pouvoir et le réchauffement climatique angoisse la jeunesse. 
 

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