Boom, boom boom: les paysans suisses canardés (05/07/2019)

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La Suisse a-t-elle besoin de son agriculture pour se nourrir? Dans les urnes, les Suisses disent plutôt oui, convaincus par l'étrange coalition des paysans et des Verts que la souveraineté alimentaire (modernisation opportune du concept d'autarcie hérité du plan Wahlen et en voque jusqu'à la chute de l'empire soviétique) est bonne pour le pays.

Or les Verts ne se contentent pas de ce qui est, selon le rapport agricole 2018, une demi-souveraineté - presque la moitié des calories consommées viennent de l'étranger - ils veulent zéro pesticides dans nos campagnes et dans nos rivières et du goût dans leurs assiettes, le tout à petits prix. Ce à quoi les paysans suisses ne sont pas préparés. 

Et puis, un paysan, sauf exception, notamment la future cheffe du Service de la Nature et de l'Agriculture de Genève, Valentine Hemmeler, ex-membre de SolidaritéS, star de la souveraineté alimentaire, ça vote plutôt UDC, PDC ou PLR. Et là, c'est moins le verdissement lent des partis bourgeois que les paysans craignent, que le credo libre-échangiste toujours en vogue et qui, chacun peut le mesurer, a fait et fait une bonne part de la prospérité de la Suisse.

Cette semaine, on a donc vu la paysannerie trois fois mise au pilori. De l'agribashing, dénonce l'Union suisse des paysans qui a porté l'affaire devant le Conseil suisse de la presse.


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Dimanche, 30 juin, c'était le Matin et, plus virulent encore, la SonntagsZeitung, outre Sarine, relayés par les médias électroniques le jour même et le lendemain par la galaxie des journaux Tamedia (dont la Tribune de Genève):

Animaux maltraités par des centaines de paysans
Cadavres abandonnés, blessures non soignées, boxes nauséabonds. C'est l'enfer dans les fermes de Suisse 

Mardi, 2 juillet, rebelote avec ces fameuses subventions qui servent à acheter la Mercedes garée devant le tas de fumier. L'article des mêmes journalistes est placé sous le thème "Agriculture, la face sombre".

Ce paysan grison reçoit plus de 250'000 francs
Le Conseil fédéral veut plafonner les montants annuels versés aux domaines agricoles. Plus de 100 exploitations seraient touchées. (Le champion qui toucherait un peu plus d'un demi million serait une entreprise maraîchère bio d'une centaine d'hectares de Zurich, me dit une bonne source. On comprend pourquoi le Conseil fédéral propose de plafonner les subventions par exploitation à 250'000 francs.)

Ce vendredi enfin, la rubrique économique commune à la Tribune et à 24 Heures en remet une couche en démarquant l'émission de France 2 Cash Investigation diffusée le 18 juin dernier. Cette fois, c'est l'industrialisation de la production qui est visée.

Pourquoi les tomates sont-elles toujours si fades
La grande distribution préfère une qualité médiocre, mais identique toute l’année qu’une offre goûteuse durant l’été.

Ce dernier article** a frappé au coeur les serristes genevois qui fêtent la tomate et le terroir ce week-end à Carouge. On attend avec intérêt la réaction non pas tant des serristes mais des multiples fonctionnaires fédéraux et cantonaux qui soutiennent cette production de masse, nourrie au CO2 (et ), bientôt robotisée.

Campagne concertée? Je ne sais. Mais la volonté des milieux économiques est claire et récurrente de réduire les budgets de l'agriculture et les surcoûts supportés par les consommateurs * - c'est le cas notamment de la tomate et de nombreux légumes en été protégés par des taxes élevées à la frontière.

Les grands détaillants jouent habilement sur les labels région tout en formatant complètement la production agricole et l'assortiment offert dans leurs magasins, la Migros portant le fer le plus activement dans la chair des maraîchers.

La "coopérative" a passé un accord avec un producteur zurichois de salade en aquaponie (autre projet ). Récemment elle a relancé son grand projet de construire des serres à poivrons à Collombey, non sans susciter la polémique et les craintes des maraîchers suisses. Cerise sur le gâteau, Migros a déjà annoncé qu'elle ne commercialisera en 2025 que des légumes chauffés à l'énergie propre. Problème les Cheneviers sont trop loin de la zone des serres de la plaine de l'Aire. Les SIG donneront-ils un coup de pouce aux serristes sur la chaleur tirée des profondeur?

Dans cette affaire caniculaire, il faut se souvenir de deux choses. Les Suisses dépensent 6% du PIB pour leur alimentation et 12% pour leur santé. Et les paysans partent rarement en vacances en été, où les semaines font plus souvent 50 voire 60 heures. 

 

*L'édito de la SonntagsZeitung singé par @Armin_Muller est claire à ce sujet: (...) 3,7 milliards de francs de subventions directes vont à l'agriculture. A cela s'ajoutent les milliards que les consommateurs supportent sous forme de prix gonflés, les charges cachées et les inconvénients pour le secteur de l'exportation, qui ne profitent souvent pas aux agriculteurs mais aux entreprises en amont et en aval, notamment le groupe agricole Fenaco et les détaillants Migros et Coop. Les subventionnés sont légalement tenus de répondre à des objectifs spécifiques, mais le respects des critères est à peine vérifié. Une utilisation ciblée des fonds n'est pas possible."

@Armin_Muller a retweeté ceci: un modèle pour l'agriculture et pour la presse?

** Un quatrième article publié samedi, premier d'une série estivale de huit sur les conditions de production locales, évoque en termes plus mesurés la culture des fraises à sous abris et hors sol de Genève. Mais la journaliste ne peut s'empêcher de citer une remarque générale de Didier Ortelli, chimiste cantonal adjoint, selon lequel "les fraises sont l'un des fruits qui contient le plus de résidus de pesticides". Sans citer ses sources, le scientifique remarque cependant que "les fraises suisses contrôlées contiennent très clairement moins de pesticides et que les fraises respectent les normes." Les fraises suisse sont donc bien au-dessous des seuils . Pourquoi ne l'affirme-t-on pas d'emblée?

La fraise s’invite à la Fête de la tomate.

Enquête sur le deuxième fruit rouge Des produits locaux, à quelles conditions? Episode 1 Alors que la baie est célébrée pour la première fois à Carouge ce week-end, décryptage de ses conditions de production.

 

Ndlr: Note mise à jour dimanche 7 juillet

20:02 | Lien permanent | Commentaires (1)