C'est à elles de prendre leur place aujourd'hui (15/06/2019)

temps modernes charlot.jpgDans ma bulle catholique où je suis née et suis encore un peu - un peu par flemme, un peu par foi, un peu par fidélité citoyenne (qu'est-ce qui fait que je suis Suisse et non Français, Israélien, Javanais ou Indien: mon lieu de naissance, mes parents, quoi d'autres...?)... Dans ma bulle catholique donc, on chante à l'Ascension (quand le Christ monte au ciel et ouvre ainsi sur terre un nouvel espace de liberté et de créativité, un existentialisme face au déterminisme ou à la prédestination...), on chante ce chant mélodieux: "C'est à nous de prendre sa place aujourd'hui...".

Aujourd'hui, c'est à elles, les femmes, de prendre toute leur place (y compris dans l'église catholique)... Et c'est moins facile que de faire une grève politique, qui fait éclater l'inégalité non pas de genre mais de statut, entre les travailleurs protégés et les autres.

 

Ce 14 juin, de bon matin, en gardant un petit garçon privé de crèche pour cause de grève, j'ai aussi accueilli une femme de ménage suisse (d'origine portugaise). Elle est venue faire son boulot, accompagnée d'une de ses filles, qui a manié le chiffon et rangé la maison sans déranger... Ni l'une ni l'autre ne sont allées brandir leur féminitude en fin de journée.

L'inégalité des rémunérations à travail égal est une pratique assumée dans de nombreuses entreprises. Elle est généralement combattue par les syndicats, toujours marqués par la trame de l'ouvrier à la chaîne des Temps modernes (qui reviennent chez Amazon, Uber, La Poste et ailleurs). Cette inégalité, enseignée dans les écoles de gestion, tient à des critères, dont le sexe devrait être absent. Evidemment.

En Suisse, à travail égal, l'écart inexpliqué des salaires entre les travailleur.euse.s est en moyenne de 7% à 8%, selon la statistique fédérale 2016. C'est encore beaucoup, d'autant que c'est une moyenne, mais faut-il pour autant fliquer toutes les entreprises? L'égalité est-elle plus importante que la liberté. C'est le vieux débat sur la valeur des valeurs et leur juste équilibre.

Que faire? Obliger tout employeur à publier une déclaration sur l'honneur qu'il applique bien la discrimination zéro (et pas seulement à l'égard des femmes), suivie de quelques audits payés par les contrevenants, assortis de quelques obligations, le tout publié. devrait contribuer à réduire l'écart. 

L'égalité des carrières - c'est elle qui fait que l'écart des rémunération monte à quelque 20% entre les hommes et les femmes - est en revanche un chemin semé d'embûches qu'aucune manifestation ni acte politique ne pourront bouleverser rapidement sauf, peut-être, ce courage donné aux femmes, cette conviction que tous nous devons incorporer partout toujours et jusque dans le moindre geste quotidien: l'égalité.

Prendre sa place exige, encore et peut-être pour longtemps, que l'homme s'efface un peu (qu'à compétences égales, les employeurs favorisent les femmes), assume les tâches familiales et réclament des crèches, encourage, revalorise les métiers principalement féminins, voire introduise des quotas, mais aussi que la femme s'encourage, gagne en confiance, choisisse des formations d'ingénieur.e, d'informaticien.ne, de chirurgien.ne, de banquier.e, de chef.fe, de politicien.ne...

Que mère (ou père) de famille soit reconnu comme un métier à part entière, à plein temps ou à temps partiel, dûment salarié: un gestionnaire de de famille, auquel on pourrait/devrait se former et gagner des galons dans le coaching, la formation, l'économie familiale, l'économie circulaire, ... 

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Je reviens de quatre jours au bord de la mer ligure, privilège de retraités. A Alassio, la nature a emporté la moitié de la plage dans une tempête jamais vue. Une barge pompe le sable à quelques dizaines de mètres dans la mer et le crache au bout d'un tuyau sur la plage. Une dizaine d'hommes sont à l'oeuvre. Pas une femme. S'il y en avait une au volant d'un des deux trax ou comme cheffe du chantier, serait-elle payées comme les hommes? Ce ne serait que justice. Savoir si ce serait juste, pertinent, intelligent que la moitié de l'équipe soit féminisée est une question un peu soviétique. 

Le discours sur la parité s'impose néanmoins - et c'est tant mieux - et on dénonce volontiers ceux qui n'y sacrifient pas. Dans le journalisme comme ailleurs. Depuis janvier 2018, le Temps a fabriqué un baromètre de la visibilité des femmes. Le dernier numéro d'Edito, le magazine suisse des médias, est consacré au sujet. Violet oblige.

Je retiens cette citation d'Ariane Dayer que Jean-Luc Wenger a glanée dans l'interview que la réd en chef du Matin Dimanche, et des rédactions communes de 24 Heures et de la Tribune de Genève (Monde, Suisse, Eco, Sports) a donnée à Medialogues: En substance, la sous-représentation des femmes dans les métiers de la plume serait due notamment au "sentiment d'imposture", soit le fait que les hommes peuvent écrire sur tout et n'importe quoi sans état d'âme, tandis que les femmes ne s'exprimeraient que das le domaine qu'elles maîtrisent parfaitement... 

 

PS ajouté dimanche 16 juin: Dans Maman il y a le mot ama, j'aime. Un mot créateur. Et ça fait toute la différence.

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