Séparation de l'église et de l'Etat à Compesières: une nouvelle ère? (14/05/2019)
Ils avaient tous le nez en l'air les visiteurs du château de Compesières, lundi 13 mai. Conviés par la Mairie de Bardonnex à l'inauguration de ses nouveaux locaux, ils ont pu admirer ce qui se cachait derrière les plâtres de l'ancienne cure de la paroisse. Un curé devait y loger éternellement selon la loi de séparation des églises et de l'Etat de 1907 et la restitution aux églises des biens immobiliers dits incamérés, saisis au temps du Kulturkampf, 40 ans plus tôt, sous le régime radical et anticlérical d'alors. Toute une histoire que j'ai évoquée ici et là, mais qui fut tue lundi soir.
Il a fallu beaucoup d'imagination à la centaine de curieux pour se téléporter au XVe siècle quand la maison carrée fut érigée par un preux chevalier de l'ordre hospitalier de Malte, juste en face de la chapelle de Compesières que leur avait donnée l'évêque de Genève en 1270.
Tue l'histoire des chevaliers à Compesières, tues aussi les raisons qui ont poussé ici à un désenchevêtrement complet des biens de la société Saint Sylvestre et de la commune. Vivra-t-on plus heureux, chacun chez soi? On le croit, on l'espère.
Les tractations entre les serviteurs de Dieu et les servants de la République ont été longues, aigres-douces. Plus de vingt ans entre les premières intentions et la signature annoncée pour cette fin juin. Les répliques de l'événement - comme on dit d'un tremblement de terre ou d'un changement d'ère - n'ont pas fini de secouer les gens du cru.
La Mairie a sa mairie, mais les écoliers sont toujours dans les petites classes de l'école Camoletti, érigé en 1900, et des pavillons qui n'en finissent pas d'être provisoires. Alors que trois quarts des habitants de la commune habitent à la Croix-de-Rozon, on s'évertue à vouloir construire une nouvelle école en pleine campagne, même pas au cœur du centre historique.
Une maison carrée du XVe siècle
Les méthodes modernes de datation ont révélé la date de l'abattage des arbres d'où on a tiré les poutres, autour de 1450, a dit doctement Alain Besse, restaurateur d'art de la Sinopie. Rien de nouveau pour qui connaît un peu l'histoire du lieu (lire à ce propos la notice de Daniel Buscarlet publiée en 1977 et la notice Compesières sur Wikipedia et sur NotreHistoire... *).
Les traces mises au jour sont maigres. Le premier est moins noble que le second étage. Le restaurateur brandit les armoiries de Cordon d'Evieux, un des plus fameux commandeur en poste à Compesières. Son blason est inscrit sur le mur. Le chevalier a servi ici au XUIIe siècle, deux siècles après la construction du bâtiment qu'il a agrandi et flanqué de tours rondes donnant à la bâtisse son allure actuelle. Les Bernois, appelés par les Genevois à la rescousse lors de la réforme au XVIe siècle ont habité le lieu de 1536 à 1557 et laissé aussi leurs traces. A l'époque, point de commission des monuments et des sites, on blanchissait les inscriptions anciennes quand on ne les détruisaient pas et on peignait les siennes.
Un budget de 1,3 million de francs a été voté pour restituer l'ancienne cure catholique à sa nouvelle fonction: l'administration communale. On reste songeur face à la dépense pour loger des fonctionnaires, civils ceux-là, dont les mauvaises langues se demandent ce qu'ils font à longueur de journée.
Le maire Alain Walder, qui entame sa vingt-et-unième et sans doute dernière année, pourra donc contempler son œuvre dans une pièce au plafond haut à la poutraison moulurée gris foncé, d'où toute traces de décoration a disparue. Trois pièces en tout et un accès facilité pour les personnes à mobilité réduite "pour mieux vous servir".
Une salle au nom de Jacques Delétraz
Au deuxième étage, la salle dite du maire, dont les peintures sont les plus intéressantes, seront bientôt visibles, a dit le maire, qui envisage de répondre à une proposition de l'archéologue cantonal, dont les fouilles de l'église et du cimetière ont livré quelques pièces qui méritent d'être exposées. L'occasion de baptiser cette chambre bleue du nom de l'ancien maire Jacques Delétraz, qui fut l'initiateur de la rénovation intérieure de 1971? L'idée est lancée.
Quant à la salle des chevaliers, elle restera la salle du Conseil municipal. On demande juste qu'on y supprime l'énorme table centrale qui mange tout l'espace. Nos municipaux ne pourraient-ils pas se contenter de bancs comme les députés du parlement britannique?
NB: Note mise à jour le 15 mai
* La brochure de l'ancien maire Jacques Delétraz. Ou le livre d'Edmond Ganter "Compesières au temps des commandeurs" , C. Martingay, 1971, ou encore l'ouvrage "Histoire et vécu d'une commune" sous la plume d'Eric Golay et Dominique Zumkeller, Slatkine 2007 ou la brochure de Jean Terrier et Isabelle Plan L'Eglise Saint-Sylvestre de Compesières, Slatkine 2011, une synthèse des fouilles réalisées dans le sanctuaire par le service cantonal d'archéologie.
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