La méfiance: une arme de destruction massive... des démocraties? (14/05/2019)
La semaine dernière, j'ai accueilli une petite douzaine d'adolescents de l'Instruction publique genevoises venus s'informer sur la fabrication de la Tribune et le métier de journaliste. C'est une classe de l'enseignement spécialisé m'avait prévenu leur professeure, il conviendra d'être simple et concret dans votre présentation. Nous avons longuement parlé d'un paquet de chips et d'une cannette de coca.
Rien à voir avec la fraude électorale à Genève? Tout au contraire.
Quand vous allez acheter un paquet de chips ou une cannette, lisez-vous les indications imprimées sur l'emballage. Oui, non, non... Qu'est-ce qui vous assure que le paquet contient bien 100 grammes de chips au paprika et la canette contient bien le 2 ou 3 décis indiqués? Silence... S'instaure alors un échange assez actif - j'ai connu des classes de l'enseignement non spécialisé plus morne - où il a apparaît que la marque du fabricant et celui du commerce apporte une garantie, crée la confiance. Et que ces entreprises font tout pour que l'intérieur du paquet correspond bien à ce qui est écrit sur l'emballage. Même si chacun ne comprend pas forcément tous les éléments de l'information.
Il ne vient à l'idée de personne d'ouvrir le paquet pour vérifier à la caisse que le contenant contient bien le contenu annoncé. Le principe satisfait ou remboursé ou celui de l'échange d'un produit avarié ou cassé contribue aussi à construire cette relation de confiance entre les entreprises et les consommateurs sans laquelle aucun commerce. Faut-il penser que la mode actuel du vrac répond aussi à une méfiance qu'alimenteraient des emballage un peu trop séducteurs?
Il en va de même d'un journaliste et d'un journal. Ils vous garantissent que les informations qu'ils diffusent correspondent aux normes de qualité de la profession, lesquelles sont publiées notamment dans la charte des devoirs et des droits des journalistes.
Ce principe est évidemment sujet à des variations en fonction des nouvelles et des situations. Rares sont les cas où les journalistes sont des témoins directs des événements. Nombreux sont les cas où même témoin direct on peut ne recueillir qu'une partie de la vérité. On peut être victime d'une mise en scène. En outre, la pression de temps, la concurrence peuvent conduire à des erreurs. Les journalistes sont dépendants des sources. Disent-elles la vérité, toute la vérité? Ne cachent-elles rien?
La police est une source jugée généralement fiable sous nos cieux. Elle ment pourtant par omission tous les jours en ne rendant public que un deux ou trois faits divers. Certes les besoins de l'enquête selon la formule consacrée justifient le mutisme. Mais le souci de ne pas alarmer le public par une litanie de petites affaires.
Petite affaire, l'affaire de la fraude électorale qui tient Genève en haleine à huit jours d'un scrutin crucial pour le pays et la cité? Gravissime mise en péril, comme on l'a lu, de la démocratie, notre joyau national, ou nouvelle Genferei?
La conférence de presse du procureur général de ce lundi semble opté pour le second terme de l'alternative. Mais soyez sûr que le mal est fait que le doute est désormais semé dans le coeur des citoyennes et citoyens de se canton. Et qu'il faudra du temps pour les rassurer et rétablir ce lien de confiance sans lequel toute société court à sa propre destruction.
Une enquête sur le déroulement des faits, sur l'emballement des médias et de certains partis et politiciens, sur la politique d'information du Ministère public (sa faute est de ne pas avoir anticipé une juste information des autorités et du public qui aurait peut-être empêcher qu'un scoop instille à ce point le doute dans le corps électoral) pourrait concourir à faire toute la lumière.
La confiance nait de la transparence, sauf pour ceux que le soupçon permanent motive.
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