Paul, un radicalisé déradicalisé? (17/04/2019)

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"La Bible, un livre violent ?" Oui, dit Vincent Schmid, ancien pasteur de la cathédrale de Genève, dans son dernier blog, en écho aux attentats djihadistes et - mais Schmid ne le cite pas - à la thèse polémique d'un "islam conquérant", exposée dans un essai contesté du pasteur vaudois Shafique Keshavjee.

Un homme violent peut-il changer? Oui, répond Schmid. Exemple: Paul de Tarse.

L’apôtre était-il un radicalisé qui aurait été déradicalisé? Qui l'a remis sur le droit chemin? Comment? A-t-il suivi un cours de déradicalisation imaginé par un Gérald Bronner de l'époque?

 

Le sociologue français, auteur de "La démocratie des crédules", vient de publier un nouveau livre sur le sujet, "Déchéance de la rationalité", une sorte de reportage dont il est le héros. Il y raconte comment il a accepté d'être embrigadé dans le premier centre français de déradicalisation, comment il imaginait reprogrammer la tête de quelques jeunes écervelés, djihadistes en herbe, en leur inculquant l'esprit critique, soit la capacité à se méfier de ses croyances, même les plus enracinées, celles qu'on poursuit malgré tout, malgré les preuves évidentes fournie par la rationalité républicaine et laïque, dont Bronner est un fervent défenseur, parce qu'il n'est pas si facilement d'admettre qu'on s'est trompé et/ou que celui ou ceux en qui on a mis sa confiance nous ont trompé. 

Alors Paul, un radicalisé déradicalisé? La question de la nature de la croyance est vielle comme le monde qu'elle empoisonne, dirait Jean-Claude Carrière.  

Vincent Schmid n'aborde pas le problème sous cet angle. Il rappelle qu'avant de se faire appeler Paul, ce jeune intellectuel juif s'appelait Saül, qu'il était allé quérir une lettre de mission auprès du grand prêtre des juifs à Jérusalem car son plan était d'épurer la synagogue de Damas des chrétiens qui l'avaient infiltrée. Bref Paul était un radicalisé antichrétien. La suite, on la connaît...  - enfin une minorité désormais des Genevois la connaît, surtout parmi nos jeunes contemporains, privés de toute culture religieuse durant leur scolarité, autre que celle que veulent bien encore leur inculquer leurs parents.

Paul sur le chemin de Damas vit une crise de confiance. Il perd foi en sa mission et sans doute en ceux qui l'ont endoctriné. Et, non content d'abandonner aussitôt sa croisade contre les disciplines de ce Jésus, il se fait le premier et l'ardent prosélyte de la nouvelle croyance: Ce Jésus qui a dit être roi, il est ressuscité, proclame-t-il après ce coup de foudre et au péril de sa vie. Une folie aux yeux des hommes d'alors, comme d'aujourd'hui. 

Saül, fier d'éradiquer les nouveaux infidèles d'alors, était-il donc un radicalisé qui a été déradicalisé au point que naisse en lui l'homme nouveau, Paul?  C'est bien ce que raconte, l'évangéliste Luc qui se contente d'une intervention divine pour expliquer la reprogrammation surprise du jeune intellectuel juif. Ceux des nôtres, qui sont en charge aujourd’hui de gérer le retour (ou non) des djihadistes européens partis en Syrie et de les remettre sur le droit chemin, ne peuvent pas se contenter de ce genre de miracle. 

Ni la dénonciation un peu courte de Keshavjee, ou de mon amie Mireille, de l'islam en tant que système de violence ni la conversion surprise sur la route de Damas ne peuvent servir de politique. Demeure la voie de la raison et de la connaissance qu'on peut se tromper, qu'on peut être trompé, que le hasard existe bel et bien et qu'il n'est pas forcément le signe d'une volonté divine ou extraterrestre. Bref un enseignement patient et difficile, tel que proposé par des Gérald Bronner contemporain, peut conduire à une déradicalisation heureuse. 

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