Et si on arrêtait de prendre l'avion (03/04/2019)

libertation 3 avril.jpg"Pour votre pénitence, vous me direz deux Notre père et trois Je vous salue Marie..." Quand j'étais petit, je vivais dans une paroisse où la tradition était encore de rigueur. Mes yeux d'enfant ne voyaient pas la coercition personnel et le contrôle social qui pourtant s'y exerçaient: à l'encontre des couples protestant et catholique, dans l'abstinence et la frugalité - encore presque naturelle durant le Carême du moins - au lit comme autour de la table, où l'on signait le pain avant de l'entamer, dans le poisson du vendredi et le rôti du dimanche, dans le catéchisme qui enseignait que Dieu est tout puissant mais aussi qu'il faut aimer son prochain comme soi-même.

Ici et maintenant, l'humain de s'aime plus. 

Il n'est donc pas étonnant qu'il n'aime pas les autres, dont le pullulement incontrôlé et polluant prépare l'enfer (du réchauffement climatique). D'aucuns pensent d'ailleurs, sans rire, qu'il est urgent d'interdire aux femmes d'avoir plus d'un enfant dans leur vie. Bonjour le nouveau colonialisme car, sous nos cieux, nous y sommes bientôt. La population de l'Europe diminue. 

L'urgence des plus trois degrés, que les expertes prédisent pour 2100, est là. La pénitence aujourd'hui, c'est donc d'arrêter de prendre l'avion. C'est la une de Libération de ce jour. Le quotidien colle à l'air du temps et débat à son tour de la question qui bruit de toute part: faut-il sacrifier nos libertés pour sauver la planète?

Nous y voilà. L'homme étant ce qu'il est, on ne peut guère compter sur lui pour préserver la maison commune. Il faudra(it) donc passer de la responsabilisation à  la contrainte. Et doter, par exemple,  chacun d'une carte de crédit qui s'épuiserait au gré de son mode de consommation. Prendre l'avion deviendrait ainsi suicidaire, car cette consommation épuiserait le crédit vous laissant sans ressource pour le reste de l'année...

Bref, pas besoin d'être un grand clerc, pour prédire que les bonnes intentions clamées par les marcheurs pour le climat vont - Demain - paver l'enfer... 

... 

A Genève, Philippe Roch réfléchit depuis longtemps à cette question et a publié plusieurs ouvrages sur la nécessité de ralentir voire de décroître. Avec le temps, son engagement politique a bifurqué sur les chemins de la spiritualité. En 2015, il répondait à la question Que faire? posée par Thibaut Kaeser de l'Echo Magazine: Je n'ai pas de solution miracle. mais il est évident qu'une éthique de la limitation est plus que jamais nécessaire. Il faut ralentir! je suis persuadé qu'il nous faut prendre le chemin d'une sobriété volontaire qui n'est pas du tout triste ou déprimante... Et à la question "faut-il être coercitif?", il répondait: Je ne crois pas en la coercition. Certes, il faut des limites et des interdits dans un cadre démocratique. Je crois plutôt que le combat se situe en amont. Dans les valeurs...

J'ajoute à cette note son commentaire posté sous un billet récent intitulé : "L'écospiritualité de Marie Cénec, une démocratie-chrétienne peinte en vert?"

Marie Cénec a été brillante. Elle nous a équipés pour vivre un carême d'humilité joyeuse. En ce qui concerne la démographie, un sujet marginal dans sa conférence, elle est fortement liée à la question plus générale de la croissance. Ce sont principalement les populations les plus pauvres (un tiers de l'humanité) qui connaissent une forte croissances démographie parce que pour des raisons économiques et culturelles elles n'ont pas les moyens de maîtriser les naissances.

Pour stabiliser la démographie il faut que ces populations les plus pauvres accèdent à un meilleur niveau de vie et que les femmes puissent décider du nombre d'enfants qu'elles souhaitent. Or notre fuite en avant dans une croissance débridée épuise les ressources et perturbe les grands cycles écologiques (eau, forêts, sols, écosystèmes humides, biodiversité, climat), et ces sont les populations les plus pauvres qui souffrent les premières et le plus de ces dérèglements écologiques.

La réflexion sur nos limites et sur la sobriété heureuse que nous a proposée Marie Cénec est donc une réponse à la foi spirituelle et sociale à la crise écologique qui nous menace tous: une belle méditation de carême.

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