"En démocratie, avoir la liberté de mentir, c'est avoir le pouvoir de transformer le réel" (07/02/2019)

mensonge.jpg"En démocratie, avoir la liberté de mentir, c'est avoir le pouvoir de transformer le réel". En lisant cette aphorisme d'un philosophe de 30 ans que je ne connaissais pas - Manuel Cervera-Marzal - en titre de la rubrique Idée de Libération de ce 7 février, je me suis demandé si le titulaire du nouveau ministère - ni "croupion" ni "mineur" - du Développement économique" de la République et Canton de Genève n'était pas au fond à la fine pointe de la post-vérité.

La réponse est non. Car son mensonge avoué a voulu préserver, pour une raison toujours inconnue, un prince d'Arabie - pas démocrate pour un sous ni héraut des droits humains - dont on ignore toujours si son amicale libéralité est liée - dans le passé ou dans le futur - à un retour d'ascenseur. Ajoutant l'entêtement, voire le déni, au mensonge, l'ex-enfant prodige de la République, qui n'est au demeurant pas si magnifique ni compétent, abuse effrontément de la patience des Genevois et ne correspond en rien à ce mensonge politique qui ferait bouger les lignes. 

Encore que, rendons à César, ce sera grâce à PM que la République se dotera d'une procédure de destitution dont nos sages constituants avaient jugé majoritairement l'inscription dans la Charte fondamentale du Canton inutile. La majorité aurait-elle eu tort?

C'est là qu'on retrouve le mensonge. Dans l'interview qu'il accorde à Libération, Manuel Cervera-Marzal, citant Machiavel, Gramsci ou Arendt, rappelle que "le mensonge peut avoir, sous certaines conditions, des vertus émancipatrices. Les révolutionnaires français posent comme premier acte l’idée que les hommes et les femmes naissent égaux. C’est faux et les révolutionnaires le savaient pertinemment". (....) "En travestissant les faits, poursuit-il, les révolutionnaires participèrent à la transformation du monde, ils le rendirent plus juste, ils abolirent les privilèges." On est loin du mensonge de notre Pierre local.

Cervera-Marzal précise aussi le concept de post-vérité et trouve son origine "dès les années 80 aux Etats-Unis. Elle est inventée, dit-il, par la frange conservatrice politique et religieuse de la société américaine qui impute la post-vérité au relativisme de la gauche libérale et multiculturelle. Cette gauche empreinte de la French Theory de Foucault et Derrida, proche des mouvements sociaux, antiracistes, homosexuels et féministes, est rendue coupable de répandre dans les facultés l’idée que derrière ce qu’on présente comme l’universalisme neutre et objectif se cachent des rapports de pouvoir au profit d’une norme blanche occidentale et masculine."

"On leur reproche de penser que toutes les cultures se valent et que le récit des dominés est plus respectable que celui des oppresseurs. Ces avancées progressistes déclenchent une réaction de la droite américaine qui accuse cette gauche de précipiter l’entrée des Etats-Unis dans l’ère de la réalité alternative. Le concept ne viendrait donc pas de l’anti-intellectualisme des classes populaires, conclut  Manuel Cervera-Marzal, mais d’une élite pressée de tout déconstruire. La plupart des gens qui parlent de post-vérité n’ont pas la moindre idée de l’origine de cette notion. S’ils la connaissaient, l’emploieraient-ils aussi souvent ?" En effet, mais le monde est noyé et se noie dans un flot d'info et d'infox qui le rende flou ou fou, comme on voudra.

Sur le même sujet lié à la publication du dernier ouvrage du philosophe, on lire des contributions sous des angles différents dans les Inrockuptibles, notamment. 

Dernier clin d'oeil sur le temps qui passe.

Il y a moins de trois ans, en avril 2016, le mouvement Nuit debout jetait les jeunes dans la rue. Les Inrockuptible suivent de près, presque en immersion. L'interview de notre philosophe donne un regard sur l'événement et des propos étrangement analogues avec le mouvement des gilets jaunes, bien que sociologiquement les filets jaunes n'aient rien à voir avec les Nuit Debout. L'édito de Pierre Siankowski : parce que la nuit (debout avec Patti Smith, la marraine américaine du mouvement punk) ne manque pas d'intérêt sur le mode tout passe tout lasse.

Ce qui me surprend c'est la vitesse avec laquelle ces mouvements émergent et disparaissent.

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