De la fin de Commentaires.com à celle d'Apple, Google, Facebook (12/12/2018)

commentaires.jpgTout a une fin. Les petits comme les grands empires. Certains chutent brutalement sans crier gare. Comme le journal La Suisse ou Kodak. D'autres disparaissent sans bruit. Comme Commentaires.com ou Yahoo ou Nokia ou Motorola, l'inventeur du téléphone mobile. Selon certaines cassandre, Apple, qui n'a toujours pas réussi à créer une poule aux œufs d'or aussi formidable que l'iPhone, est donnée déclinante. D'autres (à l'instar de Michael K. Spencer) considèrent que Google ou Facebook, dont le modèle d'affaires est trop dépendant de la centralisation et de la publicité, n'ont pas d'avenir.

Dans le cas de commentaires.com, qui est plus à la dimension des blogs et dans notre proximité, Philippe Barraud, qui fut rédacteur en chef de la Gazette de Lausanne, tire la prise sur cette note du 3 décembre un brin pessimiste: "A quoi bon?" 

"A quoi bon ces efforts, ce temps consacré à se documenter et à écrire, à modérer les commentaires quasiment 24 heures sur 24, enfin à se faire insulter plus souvent qu’à son tour après chaque article ?" écrit Barraud. A quoi s'ajoute, en témoigne le journaliste, des dépenses considérables en 20 ans d’existence et peu productives.

Commentaires.com meurent aussi de la confrontation avec la connerie ordinaire de commentateurs qui assènent leur vérité sans nuances et sans ménagement

Commentaires.com, Domaine public, le bimensuel des sociaux-démocrates romands, et d'autres publications en ligne ne font plus depuis belle lurette l'objet d'articles dans les médias "traditionnels" comme ce fut le cas au début de cette année de l'indocile "Bon Pour la Tête" ou le non moins reconstructeur de la presse indépendante et forcément sans pub Republik. Et de quelques autres, tels Sept.info ou Largeur.com ou dans des registres plus partisans LesObservateurs.ch et les feuilles des partis politiques. Sans parler des sites d'entreprises d'associations, de syndicats et des régies publiques qui habillent leur com de beaux atours, de reportage, de portraits et d'interviews.

Toujours en Suisse, Heidi.news fait sa quête de fin d'année et promet en terres romandes réinventer un journalisme ID (high definition), "ouvert, utile, audacieux" et, non pas bilingue, mais en deux langues (chaque article n'étant publié qu'en français ou en anglais). Une belle ambition mais un cœur de métier centré (dans un premier temps) sur les thèmes science et santé, assez éloignés de l'information citoyenne.

A quoi bon?

Il est réjouissant que le journalisme et leurs médias se réinventent. Je parle du journalisme d'information générale et du journalisme politique au sens de ce qu'il faut savoir pour vivre ensemble dans une société démocratique. Je ne parle pas, même s'il faut de tout pour faire un monde, du journalisme de connaissance, vulgarisateur des savoirs scientifiques, ni du journalisme de divertissement, sportif notamment, qui est un vrai métier, mais dont la matière relève de la distraction.

La réinvention des journaux d'information générale et politique, c'est ce qu'ont manqué les éditeurs quand, jusque dans les années 2000, ils encaissaient de juteuses rentrées publicitaires. Tout le monde en a profité et s'est assoupi. C'est exactement ce que Spencer reproche à Google et à Facebook, de se reposer sur leur lauriers à l'heure où les jeunes, plus que leurs aînés, bloquent la pub et que la technique des chaines de blocs garantira la traçabilité des news (mais pas leur pertinence et leur qualité). 

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