La peur une fois de plus au menu de notre RTS (21/11/2018)

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<Data>land, la nouvelle émission nationale de notre radio télévision publique prétend ce soir tout dire sur les puces électroniques cachées au cœur de nos intelliphones et leurs liens secrets avec les serveurs, qui sont eux toujours plus farcis de logiciels futés. C'est la fameuse intelligence artificielle qui trie, range des données par milliards, compare, construit des portraits robots. Des portraits robots qui nous ressemblent de plus en plus, exactement ce que recherchent les commerciaux, qui n'auront bientôt plus aucune peine à anticiper et à quantifier nos petits et grands désirs, nos petits et grands bobos, nos petits et grands états d'âmes. 

Le fond de l'air est bleu, vert genre culture d'algue, plutôt froid, inquiétant, l'image hachée, numérique, truffée d'effets spéciaux, le ton et le fond sonore affirmé, anxiogène. Vous avez dit Minority Report, ce film de science fiction où un big brother anticipait la survenue des actes criminels?

Pas un défenseur des robots sur le plateau. La messe est dite. Le 29 novembre 2017, avec Plus 3 degrés, la SSR nous l'avait déjà jouée terrorisante. Il s'agissait alors du réchauffement climatique. L'écran était jaune, surexposé. Caricatural! Indigne d'une télévision de service public! Cette nouvelle émission, sujet plus actuel oblige, a partiellement évité le piège.

Ce sont mes premières impressions à 20h40. Vais-je avoir le courage de regarder les 195 minutes de <data>land jusqu'au bout? 

Xavier Oberson, le pape de la taxe sur les robots, souligne heureusement que les robots sont aussi positifs quand ils libèrent les humains des travaux les plus lourds ou les plus dangereux. Mais gare - chassez le naturel - quand la machine est en passe de réfléchir,d'apprendre ou de produire des informations élaborées, que restera-t-il aux intellectuels. On ne va pas surinterpréter les paroles de l'universitaire. Il n'a pas dit: oui au chômage des travailleurs manuels et non au chômage des travailleurs intellectuels. 

Premier duplex avec Zurich: images classiques, bonne humeur forcée, traduction accentuée. La journaliste alémanique remarque: "Selon notre sondage, les Suisses romands sont plus inquiets que les Suisses alémaniques face aux TIC". C'est peut-être, répond ingénument son homologue romand, que nous invitons plus d'experts critiques sur notre plateau. Du côté alémanique, il semble que les réserves sont moindres notamment dans le domaine de la santé où nos compatriotes espèrent de meilleurs traitements.

Banal. Les Suisses alémaniques, plus pragmatiques, sont orientés résultats sur le mode "je fais donc je suis", les Romands sont orientés "aliénation" sur le mode "je doute donc qui suis-je ou dans quel état j'erre". 

Cap au nord - ah le nord -! Helsinki, dans une unité de prématurés pesant moins de un kilo, dont les Finlandais collectent des données depuis dix ans. Il s'agit de prévenir les risques de septicémie. Grâce à ce big data, on peut, apprend-on, intervenir 24 heures plus tôt qu'avant. Encore Minority Report. Mais dormez tranquilles, au nord  la confiance dans l'intégrité du gouvernement règne. Et en Suisse?

Evidemment, au cours de cette séquence, aucun questionnement sur l'importance de cette médecin de pointe en regard des besoins prépondérants de la population ni de son coût. Que ne ferait-on pas pour publier dans les grandes revues scientifiques et passer à la télé!

J'ai un peu décroché. L'émission tourne au talk-show. Nationale, l'émission? En aucune sorte. Les deux ou trois duplex ne donnent pas le change. 

La traduction artificielle, l'analyse financière. Deux bons exemples de systèmes dont la progression stupéfie. Il suffit de coller un texte d'une langue étrangère que vous maîtrisez un peu pour mesurer les progrès déjà accomplis. 

A propos, Tamedia annonce que son rédacteur robot Tobi publiera le 25 novembre prochain des articles personnalisés sur les résultats des votations pour chacune des 2222 communes suisses. L'essai réalisé uniquement en allemand dans la canton de Berne pour les votations de la fin septembre a livré des textes qui n'avaient rien à envier à ce qu'auraient pu produire un agencier. A tester ici.

<data>land nous emmène en Chine. Shenzhen (231 millions d'occurrences selon Google), le cœur de la nouvelle silicon valley (328 millions d'occurrences). Étrange pays où tout va vite qu'ailleurs. Et où il vaut mieux ne pas poser des questions. Le pays aussi où chaque habitant dispose d'un capital points qui diminue lorsqu'une des 200 millions de caméras vidéos du pays juge que le comportement est asocial. Vous avez dit big data mon cher Big Brother? Un avant-goût de ce qui sera demain notre pain quotidien? 

Et la Suisse dans tout ça. Qui a la main en Suisse sur nos photos d'identité?  Notre pays regarde-t-il passer les trains? Notre chère Doris se fait rassurante. What else! Pourquoi <data>land n'a-t-elle pas invité Pierre Maudet, un des trois latins membres du comité de pilotage de Digital Switzerland?

Que faire Dr Oberson? Faisons respecter les règles de l'Etat de droit, la légalité, la proportionnalité... Des cautèles qui ne semblent convaincre personne sur le plateau. 

A 22h50, <data>lang efface les données récoltées lors du jeu lancé au début de l'émission. Qui nous garantit que ces données ont effectivement été effacées? La confiance. Qui se trouve aujourd'hui ancrée dans la RGPD de l'Union européenne, le niveau le plus élevé actuellement de la protection de la personnalité, dit Xavier Oberson.

La confiance. Accorderons-nous un jour plus confiance à un robot qu'à un homme? C'est déjà le cas, mon cher, tes cartes bancaires et de crédit, tu leur fais confiance non?

Les cookies. Qui les refusent?

Plus de protection des données? C'est la partie la plus intéressante de <data>land. Il est 23h. C'est le combat d'Open data Switzerland. C'est le lot des logiciels libres. La question reste ouverte. Acheter local? 

Mais alors construisons des murs? Installons des gardes-frontière numériques! Faisons passer des permis de conduire aux usagers des smartphones!

Nous voilà en pleine déclaration d'impuissance!

 

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