Pourquoi le PLR et le PDC ont perdu la majorité et ne sont pas près de la retrouver (12/04/2018)

armoirie drapeau geneve.jpgLa législature qui s'achève a été particulièrement frustrante. Quelques modestes succès, beaucoup d'échecs. La faute, non pas aux députés qui, pris individuellement sont tous des personnalités respectables à quelques exceptions près. la faute au Grand Conseil tout de même, dont la division en trois blocs de force presque égale n'a pas permis d'assurer une majorité solide au gouvernement. Un gouvernement qui était paradoxalement composé de personnalités exceptionnellement proches politiquement les unes des autres. On était loin du temps où des Grobet, des Segond, des Ziegler, des Calmy-Rey, des Brunschwig Graf, des Cramer pour n'évoquer que les derniers temps, pesaient de tout le poids sur le collège.

Que le Grand Conseil soit privé d'une majorité est une première dans l'histoire genevoise. Le MCG a fait la balance. Partout et nulle part, ce parti de rouspéteurs a fini d'ailleurs par éclater. Son aile droite constitué par le duo Stauffer Zacharias est devenue GEM (que je n'aime pas). Le reste des troupes courtise les fonctionnaires, comme le parti socialiste, au détriment de l'intérêt général. Et ce n'est pas dénigrer les agents de la fonction publique que de dire cela. Tout lobby qui devient trop puissant est détestable.

Cette division du Grand Conseil reflète la division de l'électorat du canton. Il n'y a pas de raison de penser que cela change beaucoup ce dimanche 15 avril.

partis grand conseil ocstat.jpgCertes, plusieurs partis flirtent avec le quorum de 7%, au-dessous duquel un parti se voit privé de sièges au Grand Conseil. Lesquels? Ensemble à gauche, l'UDC, le PDC, les Verts, GEM. Les radicaux qui ont forgé la République de 1848 à 1961 ont préféré sortir de la zone dangereuse de la relégation en fusionnant avec les libéraux.

Certains se plaignent de ce couperet. Heureusement qu'il existe. Vous imaginez un Grand Conseil formé de 15 partis politiques?

Le parti le plus menacé est Ensemble à gauche. Le puzzle des forces de la gauche de la gauche est revenu au Grand Conseil en 2013, après 12 ans d'absence, grâce à une fédération opportune mais pas durable de toutes ses tendances (ou presque). Cette fois, deux députés, dissidents ou expulsés selon les points de vue, le duo Orsini-Gauthier, tentent leur chance seuls. Les autres partis espèrent fortement que la Liste pour Genève capte suffisamment de suffrages dans l'électorat d'EàG pour faire trébucher l'ensemble et se répartir ses 8 sièges. Je fais le pari - risqué - que ça n'arrivera pas. 

La liste Femmes devraient grappiller quelques voix un peu partout. De ce fait,elle ne devrait pas modifier fortement la répartition des forces.

Au centre et à droite, ce n'est pas mieux. Les évanégilques ont certes compris que pour faire élire un des leurs il fallait s'intégrer dans un parti au pouvoir. C'est le cas de l'agricultrice Bidaux-Rodriguez qui a de bonnes chances d'être élues au PDC (et mériterait de l'être). En revanche, les Verts libéraux et le PBD feront une fois de plus de la figuration privant leur famille naturelle, le PLR-PDC pour les premiers, et l'UDC pour le second, de quelques voix.

Restent GEM et la question pourquoi le PLR et le PDC ont-ils perdu la majorité au Grand Conseil? 

GEM veut la peau du MCG. Il ne devrait pas l'avoir. L'argent ne fait pas le bonheur en politique, du moins sous nos cieux (enfin, on l'espère). Le MCG a accumulé, lui, un trésor de guerre et n'a pas perdu l'art de faire campagne et de mobiliser ses troupes. Le parti antifrontalier laissera sans doute quelques plumes dans l'aventure et devrait faire jeu égal avec le parti socialiste. 

Le mariage de raison entre les radicaux et les libéraux est-il consommé? Pas sûr. Le PLR devrait gagner un ou deux sièges (plus si EàG est relégué sous la barre des 7%) mais ne reconstituera vraisemblablement pas la force qui était la sienne avant la fusion. Quant aux PDC, le cour erratique que lui a donné récemment son appliqué président, le bon dr Buchs, (voir l'affaire du glyphosate) et les figures sympathiques mais controversées de ses deux conseillers d'Etat ne devraient pas déboucher sur un changement significatif de sa représentation au Grand Conseil.

C'est que le PLR et le PDC sont minés en leur sein même. Ils sont indéniablement les porteurs de la prospérité de Genève, du Grand Genève et de la libre circulation des travailleurs de l'UE, même si l'initiateur du projet d'agglo franco-valdo-genevois fut le Vert Cramer, qui y forgea surtout l'accord nécessaire à la construction, grâce aux deniers fédéraux, des trams et du CEVA, deux modes de transports du XIXe siècle, coûteux et structurant, alors que le XXIe parie sur la flexibilité et la gratuité (mai là n'est pas le sujet). 

Encore que, il est frappant de constater que le Grand Genève a subi un coup de frein sévère à la suite du fameux niet au cofinancement - modeste -des parkings d'échange en France voisine. La traversée du lac, autre projet routier emblématique, ne fait pas l'unanimité à droite (les communes riches et PLR-PDC de la rive gauche sont contre). 

Quant à la croissance économique et à la libre circulation, elle ne font pas (plus) non plus l'unanimité au centre droit. Le bricolage fédéral pour se sortir de l'ornière du vote du 9 février 2014, l'application d'une forme de préférence sociale (dénomination genevoise de la préférence cantonale), la concurrence accrue que les entreprises locales peinent à conter - et pas seulement dans le bâtiment - que ce soit au niveau des appels d'offres ou des contrats de gré à gré, la fin du secret bancaire, l'irruption effrénée de nouvelles entreprises mondialisées (et américaines) dopées aux nouvelles technologies des données et de l'information et aux premiers algorithme auto-apprenant, la peur de s'empoisonner, le vieillissement de la population, tout cela, arrosé d'une culture éclatée qui ne sait plus trop à quel saint se vouer, génère une forte angoisse.

Les partis à la marge y puisent leur fond de commerce dénonciateur et revendicateur. Mais sans solution sérieuse.

Le PLR et le PDC restent, eux, sans voix ou presque. Ces deux partis manquent terriblement d'empathie et d'écoute, malgré leurs efforts. Voilà pourquoi ils ne retrouveront pas la majorité dimanche.

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