Quel islam pour l'Europe? (12/08/2017)

quel islam pour l'europe.pngJe suis tombé sur la première épreuve non corrigée d'un petit livre d'une centaine de pages intitulé "Quel islam pour l'Europe?" (l'ouvrage doit sortir le 6 septembre chez Labor et Fides). Pour un aussi petit livre, le titre est ambitieux. Et incongru.

Incongru car il laisse entendre que l'Europe aurait besoin d'un islam ou aurait dans son ADN quelques liens avec l'islam (ce que défend l'un des deux auteurs) ou encore qu'un islam à la sauce européenne (c'est-à-dire compatible avec la démocratie, la suprématie du droit civil et les droits humains) serait possible tout en restant conforme au Coran.

On veux bien espérer cette dernière issue. On appelle même de nos voeux cette réforme de l'islam. On n'en voit rien poindre aujourd'hui dans les discours des imams. Mais il est vrai que ce ne sont pas les horlogers qui ont inventé la montre à quartz, la swatch ou la ewatch.

La réforme de l'islam (ou un possible vivre ensemble, ce qui ne serait déjà pas mal) viendra donc d'ailleurs. De l'Europe? De Genève?

De Genève, où le Picard Calvin a forgé une branche autonome du christianisme et une petite dictature protestante? Qu'en reste-t-il cinq siècles plus tard?

Le creuset lémanique, où vécut un temps Rousseau et Voltaire, serait-il propice à la réforme de l'islam? Ni Yadh Ben Achour ni François Dermange, les deux contributeurs de "Quel islam pour l'Europe", n'en affirment l'ambition dans leur petit opuscule. Le projet sourd néanmoins de leur plume. Dès septembre, ils vont s'atteler à une modeste formation continue des imams en notre bonne université de Genève (Lire ici et là - encore que là on ne trouve rien sur la future formation). 

La lecture du chapitre rédigé par Yadh Ben Achour, partout présenté comme un éminent professeur et une cheville ouvrière de la nouvelle Tunisie démocratique, m'a laissé songeur. Et je me suis dit, ici et là, que ma chère consœur Mireille Vallette - malgré ses propres présupposés fondamentalistes (personne n'y échappe) - n'avait pas tout tort de dénoncer les prétentions orgueilleuses des ténors de l'islam. Ben Achour nous ressort les poncifs d'un monde islamique éclairé sans qui l'Europe serait restée dans la nuit.

A aucun moment, il ne discute des fondamentaux de sa religion, de la valeur du Coran notamment (parole de Dieu dictée à son prophète pour les croyants qu'il faut croire comme tel et non simple oeuvre d'hommes écrit dans un contexte particulier). 

Tout juste affirme-t-il , quand il esquisse en quelques pages sommaires ce que pourrait être l'islam en Europe, que "tous les archaïsme de la charia islamique doivent être oubliés". Qu'il n'y a pas de raison que n'importe qui puisse prétendre que la voix ou le visage des femmes est tabou, que l'inégalité successorale constitue à la fois un ordre de Dieu et un précepte du droit naturel, que la polygamie constitue le seul système marital admis par l'islam, que les voleurs doivent être amputés, que les fauteurs de rébellion  doivent avoir les pieds et les jambes amputés en diagonale... Ouf!

Il s'en sort par une pirouette, le recours à la proportionnalité. Ajoutant aussitôt que "rien n'est plus difficile, en droit comme ailleurs, que l'évaluation de la proportionnalité". Pour conclure que la "laïcité passive, celle de la neutralité radicale de l'Etat, n'est plus de mise".

François Dermange est plus subtil dans son approche. L'éthicien de la faculté de théologie protestante de l'Université de Genève questionne les fondamentaux de notre vivre ensemble. Comment ils se sont affranchis peu à peu des croyances, principalement du christianisme, pour forger des règles autonomes: soit dans la forme du républicanisme français (qui a bien des égards a substitué à l'ancienne une autre religion dont les clercs sont les enseignants) soit dans la forme du libéralisme (où est déterminante l'éthique des individus, lesquels peuvent adhérer à toutes les croyances ou philosophie ou ou s'en inspirer en toute liberté tant que leur pratique ne nuit pas aux autres). Il ajoute à ces deux vigies une troisième, celle de l'identité, laquelle devrait, en pays de tolérance, tolérer les expressions communautaristes de la foi. Délicate ouverture... qui tolère le voile. Et la burka aussi? Et l'école coranique?

Je retiens pour conclure provisoirement cette citation de Jean-Marc Ferry que je ne connaissais pas:

"Sortie du temple, de la synagogue, de l'église ou de la mosquée, la parole de Dieu n'est plus que celle d'hommes et de femmes qui prétendent l'énoncer. Dans un tel espace, où la religion elle-même participerait de l'usage public de la raison, toutes les communautés ont l'agnosticisme en partage; ce qui n'exlut ni la foi, ni l'espérance, ni la charité."

 

10:44 | Lien permanent | Commentaires (8)