Comment les journalistes peuvent-ils regagner la confiance du public? (05/03/2017)

irak tirs bagdad.jpgDans Edito, le magazine suisse des médias, Alain Maillard pose une question existentielle: "Comment regagner la confiance du public?"

"Les "fake news", le "post-truth" ou encore les attaques directes de politiciens s'ajoutent à des sondages montrant que les médias d'information inspirent moins confiance. Faut-il revenir aux bases du métier ou changer nos pratiques?" demande le réd en chef?

Ces questions m'inquiètent. Les journalistes d'information ont donc eu la confiance du public, naguère (quand l'état des technologies cachaient au commun les rapports des élus)? Nous aurions aussi abandonner les bases du métier. Les journalistes seraient en outre les victimes collatérales des politiciens qui nous entraîneraient dans leur chute de bonnes opinions.

Questions complexes qui souffrent d'une généralisation excessive des concepts. C'est la lecture du dernier blog d'Antonin Moeri qui soudain m'apporte un éclairage.

La déconfiture de la presse ne date pas de Trump. De tout temps, des éditeurs ont publié des journaux à la solde d'une cause (la leur parfois). L'objectivité, la vérification des faits, l'éclairage des citoyens sont de belles (et évidemment nécessaires) ambitions des journalistes dans un monde qui n'est pas peuplé que de saints ni que de bisounours. Certes, dans la foulée de la (re)construction de l'Europe, dans la seconde moitié du XXe siècle, la corporation des journalistes (notamment en Suisse) a imposé aux éditeurs une charte des devoirs et des droits des producteurs d'info.

Mais la charte ne fait pas ou plus le chiffre d'affaires (qui ne flirte plus non plus avec des rendements à deux chiffres). La charte des devoirs et des droits, qui puise ses références au mêmes sources qu'un libéralisme bon teint mais égalitaire et volontiers justicier, ne fait pas ou plus l'audience non plus.

Ce qui fait l'audience, les journalistes n'ont pas besoin du salaire aux clics pour le savoir. Les compteurs de clics existent depuis quelque temps déjà. Ils affichent leurs scores sur les écrans des newsrooms, toutes les cinq minutes. Ils rappellent cette vérité connue depuis que la presse est presse et même depuis que l'homme est sapiens: les gens adorent les commérages, les histoires pas trop blanches, parfois tout à fait scabreuses ou même scandaleuses des gens, braves ou méchants, riches de préférence, les faits divers évidemment, les catastrophes (les bonnes nouvelles n'ont jamais fait recette), mais aussi les conseils de santé, les bons plans pour bouffer (bien ou moins), les bons trucs pour paraître beau, smart, fun. Bon? non pas trop (voir bonnes nouvelles)! Etc.

Bref, tout ça n'a rien (ou peu) à voir avec les "fake news" ou le "post-truth". La rumeurs et

Pourquoi les journalistes ont-il perdu la confiance du public? C'est là que je reviens au blog de Moeri. Il nous parle de Jelinek dont le dernier bouquin, "Bambiland", nous parle des journalistes embedded dans les tanks américains durant la guerre d'Irak, des tirs chirurgicaux des FA18 et autres drones sur Bagdad, vus en direct à la télé et commentés en direct aussi depuis un hôtel où toute la presse était encasernée.

Du terrain, que du terrain, au plus près des faits. Enfin on l'a cru. Pas très longtemps. Mais les dégâts étaient faits. Les journalistes s'étaient transformés en porteur de micro des généraux américains. (On en est revenu certes. Mais de manière tellement caricaturalement biaisée: Alep, filmée, sous les bombes de Poutine, Mossoul, sans images, libérée par les alliés)

Puis, on a eu le direct sans les journalistes. C'était pendant le printemps arabe, ces images d'intelliphone, prises par de jeunes insurgés ou des frères musulmans. Du terrain, toujours du terrain. Sans journaliste. On y a cru un temps. Et l'hiver est revenu. Mais les dégâts étaient faits. On a eu aussi dans la foulée, les faits divers storyfiés, mis en scène. Plus vrais que nature. Ou presque. Tandis que la politique, la vraie, se met à dépasser la fiction, les téléjournaux alignent les reportages distrayants, entonnant une litanie ensorcelante; mer, montagne campagne, mer, montagne, campagne...

On franchira tout bientôt une nouvelle étape. Des avalanches d'infos crachées par des journalistes robots et muets. En un clin de clics, ils livreront en bonne forme, au soir des victoires et des défaites, tous les résultats électoraux de toutes les communes, tous les résultats de tous les clubs de tous les sports. Leurs méninges artificielles auront triturés des millions de données, ils expliqueront alors au peuple crédule pourquoi Fillon aura (peut-être) bien eu raison de se maintenir, alors que tous la médias avaient chanté son requiem.

Mais tous les membres du peuple ne sont pas crédules et tous les journalistes ne sont embarqués. Combien faut-il de démocrates pour que la démocratie fonctionne?

 

 

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