Hergé, l'expo n'expose pas tout (19/01/2017)

Une bruine froide mouille le pont Alexandre III. On le traverse. On imagine l'exposition universelle de 1900 entre le meurtrissures de la commune de l'affaire Dreyfus et la guerre mondiale qui sera la première du XXe siècle mais aussi la première guerre industrielle, toute entière forgée à la même discipline que celle qui a érigée les statues dorée au sommet des piles du pont vaste et prétentieux. L'espace demeure.

Le champ des invalides prête sa pelouse hivernale au chien de race d'un bourgeois endimanché.

Le nuit, le sépulcre des invalides se détache dans la nuit, vu de Beaubourg, non loin de la Tour Eiffel qui, elle s'est aussi habillé d'une lumière jaune, lance son phare dans la nuit, sans l'éclairer, et scintille à intervalles réguliers du haut de ses 380 m de ferraille virile et inutile, une érection que dénoncerait volontiers, on l'imagine, Cy Twombly, peintre américain, dont j'ignorais le nom jusqu'à ce que la queue des visiteurs de l'exposition Magritte, tout à côté et plus cour rue, nous invite à découvrir les jets de peinture, bruts et misérables, de ce que le curateur de l'exposition découvre avec talent et des mots savants à une escouade de visiteurs attentifs et muets.


Passé le pont Alexandre III qui enjambe une Seine grise et opaque, nous franchissons une promenade, puis un quai sans grande circulation. Le grand palais dresse ses toiture de verre au-dessus d'une enceinte de pierre. Que le temps file, que ces bâtiments vieillissent, combien de temps encore La France concernera, à grands frais, ces souvenirs du temps où elle disputait la suprématie du monde à l'Angleterre?


L'exposition sur Hergé occupe un bâtiment à l'arrière. La foule est encore au rendez-vous, à quelques jours de sa fermeture. Des tintinolatres et des tintinophiles, des accents flamands et belges, une foule silencieuse qui n'a guère le temps de scruter comme elle le voudrait sans doute les planches du Maitre de la ligne claire, qui n'apparaît claire qu'à la troisième étape, quand l'encre de Chine épouse le trait le plus juste, dit Hergé dans une interview, sur un calque, tandis que des coloristes rempliront de teintes sans nuances des formes sans bords sur un autre support.


L'exposition baigne dans une étrange pénombre, alors que les albums sont baignées d'une même lumière, uniforme et plate, rarement d'une nuit opaque. Hergé rend mieux le mouvement que le ciel, la mer, la forêt, les personnages, tous sans profondeur, rarement émus sauf par la colère, plats comme la feuille de papier, où ils figurent sans consistance autre que celle d'être les santons d'une histoire.


Les histoires de Tintin sont totalement absentes de l'exposition, tout juste suggérées par les titres des albums, mais sans doute bien présentes dans la mémoire des curieux enchantés. On saura tout juste que l'abbé, directeur du Petit XXe, anticommuniste notoie comme la grande majorité des élites alors, est à l'origine de la genèse de Tintin chez les Soviets, dont l'édition fraîchement colorée, sortie ce jour, s'empile dans le shop d'où les chalands ressortent avec des sacs lourds en papier.


Hergé, comme Tintin reste un mystère. Un mystère assexué. Pourtant son monde n'est pas imaginaire. Ses aventures subtilement en prise avec l'actualité de son temps.

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