Le Brexit vu de Selinonte (24/06/2016)

image.jpegJ'apprends l'issue du scrutin britannique, qui jette l'Europe dans l'inconnue et une nouvelle dislocation, depuis Selinonte, en Sicile. Personne ou presque ne connaît plus ce qui fut une brillante cité grecque, sise entre Agrigente et Marsala, pendant quelque 200 ans, il y a 25 siècles. Elle a été détruite, ses habitants sauvagement éliminés, par Carthage, un empire rayé de la carte par Rome, 200 ans plus tard.

 

Des ruines de ces empires et confédérations, l'Europe a conservé, l'ambition durable de contester aux dieux le cours des choses, quelques mythes, des bribes de philosophie, les fondements de notre droit. Aujourd'hui, le peuple britannique a rompu un contrat, une alliance qui rendait l'Union plus forte face aux défis que les humains de ce temps ont à affronter. À ma connaissance, jamais un canton suisse n'a fait défection de la Confédération. 

 

Les pessimistes diront que le vote de ce  23 juin est le début de la fin de l'Europe. Les optimistes répondront que l'Europe n'a progressé que dans les crises. Reste à savoir si elle a les moyens de surmonter celle-ci. Une majorité de Suisses, avant les Britanniques avait voter contre les bilatérales qui nous lient à l'Union et nous apportent de nombreux avantages. Pas assez sans doute face à la peur de ce XXIe siècle commençant: la peur de l'étranger, barbare forcément. 

 

Les institutions politiques du monde contemporain sont faibles, car les humains qui forment nos sociétés sont divisés, envieux, égoïstes et apeurés. Face à Poutine, Xi Jinping et Trump, plus aucun leader européen ne fait le poids, plus aucun n'est en mesure d'insuffler la confiance nécessaire à la bonne gouvernance. C'est cela que les Britanniques ont dit.

L'heure est au repli face sur soi face aux périls. Des périls d'autant plus inquiétants que leurs solutions semblent hors de portées ou seulement dans la longue durée qui nécessite d'avoir la foi pour tenir. J'en cite cinq parmi d'autres:

 

Le péril démographique. L'Europe ne renouvelle pas sa population. On a même entendu l'an dernier des beaux parleurs saluer l'arrivée des Syriens, moins des autres, comme pouvant compenser la perte des naissances allemandes. Cette décroissance est en marche. Aucune politique ne l'a sérieusement inversée. Au contraire, aux yeux des verts fondamentalistes, la diminution de la population est nécessaire pour sauver la planète.

 

Le péril climatique. La température augmente, c'est la faute des humains. Or rien de sérieux ne sort des conférences, que des bonnes résolutions. Heureusement la technologie est en train de fournir les réponses à notre incapacité collective de réfréner notre consommation ou d'en corriger les méfaits collatéraux. 

 

Le péril technologique. Les robots sont à nos portes. Ils menacent nos emplois, notre base de vie même, qui dit depuis la sortie du paradis que tu travailleras pour te nourrir et te vêtir. Les nouveaux OGM débarquent. On ne manipule plus l'ADN en lui ajoutant un caractère greffé d'un organisme étranger, on est désormais capable de réécrire le code, directement ou presque. L'identité même du vivant est remise en question.

 

Le péril financier. Nos retraites sont menacées par les taux d'intérêt à zéro pour cent. Les banques centrales injectent des milliards dans le système. Et les nouveaux modes transactionnels font disparaître le billet de banque et notre monnaie dans des algorithmes dont le nom-même, le blockchain, est gros d'enfermement.

 

Le péril d'un monde sans foi ni loi. Le livre de la jungle a rempli nos rêves d'enfants d'aventures et de héros positifs. Dans les églises d'Italie, désertées comme partout , les saints torturés pour leur foi ou investis totalement pour le biens de leurs frères humains sourient dans le vide. Chacun craint désormais pour sa vie non plus d'un accident mais  d'une rupture de l'espace temps: le terrorisme (des fous de Dieu) et l'empoisonnement (par des aliments non bio ou pire OGM). Des peurs qui semblaient appartenir au moyen-âge. 

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