La fin des journalistes? (17/04/2016)

yann guégan.jpgUn collègue m'a signalé un blog de Yann Guégan intitulé: L’urgence pour les rédactions ? Arrêter d’embaucher des journalistes ! Sa collecte printanière au colloque de Perugia. Un billet bien fouillé et plein de références (combien de références dans les papiers que nous mettons en ligne en moyenne, lui ai-je demandé).

Je ne connais pas Yann Guégan, mais j'en ai croisé quelques-uns dans ma carrière de ces consultants qui ont le verbe facile, la souris agile, le surf buzzique. Ils vous en mettent plein les yeux et instillent une petite musique qui vous fait penser que vous et vos collègues êtes passablement largué, que votre entreprise est au bord de la centrifugeuse loin de ces modes d'expression tous plus smart les unes que les autres, censés capter l'audience, autant dire le graal. De la qualité de l'info citoyenne, il n'est que rarement question.

N'empêche que le métier change. Et pas qu'en raison des moyens désormais à la portée de presque tous les journalistes pour décrypter les mass-données (comme mass-média). Prenez, les Panama Papers et tous les Snowdon et autres leaks avant eux, le dépouillement de cette mass-données a réclamé une concertation au'aucun éditeur n'avait inventé avant la création du consortium international.

En matière d'infographie, le blogueur "Dans son labo" a produit récemment un série de cartes où l'on voit le globe terrestre (centrée sur la Méditerranée) se déformer, s'anamorphoser et ces déformations illustrent la forme des nations du monde  selon Le Monde, le Figaro, Libération, le Parisien ou une quinzaine d'autres publications imprimées ou en ligne. Un gros boulot dont Yann décrit les étapes ici. Spectaculaire, mais pour quel résultat? La démonstration d'une règle vieille comme les journaux, celle de la proximité, qui dit qu'un assassinat dans ma ville impressionne autant les lecteurs que dix morts à Paris ou aux Etats-unis et cent morts au Burundi.

Je retiens le travail collaboratif qui va sans doute s'imposer, à condition que tous les partenaires à l'élaboration d'une story comprennent ce qu'est le métier de journaliste et agissent comme tel et ne se contentent pas de décorer un texte... (je sais je me fais des illusions, la forme impose sa dictature partout, parfois quand c'est bien fait au profit du fond, l'info n'a de sens que si elle est divertissante et susceptible de capter une audience).  
 
Ce qui faut donc ce sont des raconteurs d'histoire (qui savent capter l'attention) et des producteurs de stories multimédias et interactives (qui savent emballer l'opinion). Le marché le plus florissant n'est-il pas celui des jeux? Plonger celui qui veut s'informer dans la réalité du décideur, c'est plus fort que de lui proposer le compte-rendu du session du Grand Conseil ou du Conseil municipal...
 
ça me rappelle les projets de Claude Monnier quand il m'a engagé au Journal de Genève, il pensait qu'un journal pouvait se résumer à une escouade d'excellents éditionneurs pour monter une éditions faites comme les voitures ou les avions de pièces détachées fabriquées par des fournisseurs spécialisés. Déjà le journal sans journaliste ou presque...
 
Reste à financer tout ça. A ce propos, qui a payé les trois jours que Yann a passés à Perugia (une rédaction, une université, la passion, un sponsor, Dassault, son propre budget R&D...? Un peu tout ça sans doute

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