Genève ne sait pas jouer au taquin (10/04/2016)
Le taquin, c'est un jeu qui consiste à glisser dans le bon ordre 15 carrés numérotés de 1 à 15 dans un espace qui peut en contenir 16. Sans cet espace vide, pas de jeu, pas de mouvement: le blocage est total. C'est un peu l'image de Genève, où les adeptes de la mobilité douce traînent les pieds pour introduire un espace vide dans le jeu de la circulation.
Combien de nouvelles voies de circulation a-t-on ménagé dans l'espace cantonale en une génération?
Une seule, la bretelle autoroutière de Plan-les-Ouates qui, en 1997, relia le cul de sac qu'était depuis vingt ans l'autoroute bâtie au-dessus de la route des jeunes (creusée dans les années 30 par des chômeurs) et l'autoroute A1 à Perly. Depuis on a plutôt assisté au rétrécissement des rues au profit des vélos et des bus, ce qui est parfaitement concevable et normal en ville sur le réseau secondaire, mais l'est beaucoup moins sur les axes principaux.
L'équation est pourtant simple (sur le papier). Comme au taquin, il faut libérer une case. Il faut élargir des routes et en construire de nouvelles pour augmenter la vitesse commerciale des transports publics.
Il en va de même d'ailleurs du développement urbain au PAV. A ce sujet, l'architecte Charles Pictet avait proposé un domino magique: délocaliser la gare de La Praille à Colovrex (lire aussi ici et là). Une vision pionnière, aujourd'hui hélas tombée dans les limbes:
Genève n'a pas fini de payer en bouchons, en heures perdues, en pollution et en crises de nerf politique son indécision quant à une traversée du lac et à son premier maillon, la liaison entre l'autoroute blanche et la route de Jussy près de Puplinge et son refus de bâtir des parkings d'échange en France voisine, mais aussi son imprévoyance d'en bâtir sur les lignes du futur Léman express.
Les votes du mois de juin prochain (sur la traversée du lac, la priorité aux TPG et son contreprojet) ne vont sans doute pas changer les priorités fixées désormais par la Berne fédérale, laquelle a décidé de commencer par l'élargissement de l'autoroute de contournement, oeuvre sans doute nécessaire mais qui ne résoudra que partiellement le problème de la congestion biquotidienne de cet axe et notamment le bouchon de la douane de Bardonnex, dont le déblocage ne figure pas dans les plans de la Confédération.
La lecture des 67 pages du Plan d'actions du réseau routier 2015 - 2018 (délivré par le duo Barthassat-Maudet vendredi 8 avril 2016, donc avec 18 mois de retard) ne nourrit guère d'espoir. On y délivre surtout la longue liste des obstacles et des précautions pour justifier un crédit de 50 millions dont les deux tiers ne relèvent en fait que du simple entretien des feux de signalisation, lesquels sont à mettre autant sinon davantage au crédit de la sécurité et de la mobilité douce qu'à la fluidité du trafic automobile. (Les feux en périphérie de la ville ne servent-ils pas à juguler le flux entrant? Et en bien des carrefours, la priorité accordée aux trams, a pour effet d'allonger les queues dans lesquelles les bus sont coincés.)
Le jeu social nécessite un peu de jeu. A vouloir tout réglementer, on va finir par tout bloquer.
23:21 | Lien permanent | Commentaires (2)
Commentaires
Le meilleur jeu reste à mon avis "Rush hour" http://puzzles.com/products/RushHour/RHfromMarkRiedel/Jam.html
Plus sérieusement, j'ai le sentiment que les services de la DGT disfonctionnent grave et que la réorientation de son directeur, M. Blaise Hochstrasser, n'en est qu'un symptôme.
Mais c'est peut-être le cas dans tous les services de l'Etat puisque les hauts fonctionnaires n'en font qu'à leur tête. Ils ne devront "subir" leur nouveau chef de département "que" pendant une législature ou deux.
C'est ainsi que nous avons péniblement dû faire avec près de 15 ans de suprématie des Verts avec Cramer et Künzler. Les mauvais plis se sont creusés et la bonne volonté de M. Barthassat ne suffira pas à modifier les comportements qui visent à décourager la voiture en ville.
L'approche par la brimade a provoqué l'effet inverse à celui escompté puisque, en immobilisant les transports individuels motorisés, on paralyse tout le réseau, y compris celui des transports publics.
J'ai passé plus de deux heures avec M. Barthassat dans mon taxi afin de lui démontrer "in situ" les plus grosses aberrations du trafic.
Rien, mais absolument rien de ces "Etat généraux" n'a été repris et concrétisé. Il semble donc que cette opération qui date maintenant de deux ans, n'ait été qu'une opération de communication.
Écrit par : Pierre Jenni | 11/04/2016
Je dénonce avec vous un sens des priorité rigide et paralysant.
En offrant systématiquement le vert aux piétons qui sortent d'un transport public, on interrompt les flux sur des axes importants.
La rue de Lausanne en est un bon exemple en sortie de ville.
En revanche, la question de la modernisation des feux de circulation est un impératif incontournable. C'est l'outil principal qui permet d'analyser en temps réel les flux pour les adapter immédiatement aux diverses situations. Les services de la mobilité s'appuient déjà sur ce type de données aux carrefours qui sont équipés, mais c'est l'ensemble du réseau qui doit être pris en compte pour que le système de régulation fonctionne.
Écrit par : Pierre Jenni | 11/04/2016