The Independant abandonne la presse. Va-t-il y perdre son âme ? (13/02/2016)

image.pngLa nouvelle a traversé cette semaine les rédactions comme une annonce fatale. On y passera tous. Tôt ou tard. The Independant, 30 ans à peine, des fleurons de la presse britannique cessera en mars prochain de dévorer chaque jour des arpents de forêt pour n'être publié plus que sur la toile. Un grand progrès pour l'écologie même si près de la moitié de la matière première du papier journal vient de déchets recyclés. 

Un ancien éditorialiste du quotidien publie dans le Guardian cette interrogationPeople who say “there are enough newspapers”, are like people who say there are enough public parks or libraries, or piano concertos: always and forever wrong.

Andrew Marr craint qu'une rédaction en ligne perde plus facilement qu'une édition imprimée ce supplément d'âme qui fait d'un journal un journal. 

Il tempère certes son jugement: Yes, The Independent remains online. Journalistic communities exist there, too. I find the same energy in Bella Caledonia (on the Scottish left) and CapX (on the British right) that I find anywhere in print. The danger of going global/online, however, is that you lose your roots in a real community of real people; that you become disconnected. Il pourrait sans doute citer Mediapart et d'autre pure players ou sites de journaux où règnent une dynamique et s'échangent (souvent mais jamais assez) des interrogations sur les manières de faire ce métier.

Sa crainte reflète peut-être le sens commun. Mais elle m'étonne. Que dire des rédactions des radios et des télévisions dont la BBC et quelques autres fleurons (cathodiques naguère, numériques désormais): sont-elles moins pertinentes que les rédactions des grands produits de la presse?

Il y a, il est vrai deux grandes différences entre un média imprimé et un média radio ou télédiffusé: le premier consacre  ses forces essentiellement à informer tandis que le second passe son temps et ses moyens à distraire. L'autre différence tient à l'éphémère de la diffusion audio-visuel, une différence qui certes est en partie comblée par le replay et autre postcast. Reste que les moteurs de recherche renvoient bien davantage sur des textes que sur des émissions. 

Je note encore cette différence. A l'heure de la revue de presse, la radio ne cite que les quotidiens, parfois les hebdomadaires, jamais les commentaires mis en onde (ni les blogs), comme si le journal écrit conservait une suprématie dans l'ordre de la prédication du prêt à penser ou du cousu main, tels ces pasteurs qui ont vidé les temples pour n'avoir pas su entrer dans le temps de l'interactivité.

The Independent survivra-t-il à sa dématérialisation? C'est la question qui hante tous les éditeurs et les rédactions. Peut-on imaginer une uberisation des rédacteurs? Elle existe déjà au détour de la syndicats on de grandes plumes ou de ces chroniqueurs invités et sans frontière qu'on peut lire dans des publications promotionnelles.

Mais ses grandes plumes peuvent être exister longtemps sans le travail de fourmi des reporters sur le terrain, des enquêteurs, des datanalystes, bref du questionnement quotidien des journalistes sur le jeu des apparences, sur le bruit du monde (qu'amplifie l'armée des dircom) qui empêche de voir ou déforme la vraie information.

Andrew Marr pose encore cette question cruciale: But the old question – what, really, is a newspaper? – remains key. If the answer is simply a means of transmitting information, titles are merely nostalgia. No, the proper answer is that a decent newspaper is a platoon of similarly minded, but not identically minded, people who argue, debate and together fashion a view of the world which is distinctive. A newspaper, properly understood, is the space between what editors and senior correspondents think, and how that space is challenged by reporters bringing in unexpected information; and the static energy all that produces.

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