Année sainte: «Pardonne-leur car ils ne savent pas ce qu’ils font!» (10/12/2015)

pape annee sainte.jpg«Pardonne-leur car ils ne savent pas ce qu’ils font!» Par ces mots, Jésus crucifié invoque la miséricorde de son père en faveur de ses tortionnaires. C’est l’ultime message d’un homme qui a cru sa vie durant que l’amour du prochain est assez révolutionnaire pour instaurer le règne de la justice et de la paix dans le monde.

Ses paroles, sa vie, l’affirmation de sa liberté inconditionnelle face aux pouvoirs politiques et économiques en place ont saisi des milliards d’êtres humains depuis. Ses amis ont forgé une religion qui, malgré leurs divisions, leurs écarts et oublis, a modelé, avec d’autres sagesses – grecque notamment – la civilisation occidentale. Comme le président des Etats-Unis, le gouvernement de la République de Genève, devenue laïque en 1907, prête toujours serment sur la Bible.

Ce 8 décembre, le pape François a ouvert une année sainte. Le 8 décembre, c’est aussi la fête controversée de l’immaculée conception. Instauré par le Vatican en 1854 avec l’assentiment des évêques, le dogme fait référence à la conception de la mère de Jésus, qui n’est pas entachée par la défiance originelle d’Eve et d’Adam ou plutôt le désir, jamais éteint, de l’être humain d’être tout-puissant.

Le pape argentin est devenu le chouchou des écologistes depuis qu’il a épousé la cause verte dans sa dernière encyclique Laudato Si. «Loué sois-tu, mon Seigneur, pour sœur notre mère la terre, qui nous soutient et nous gouverne, et produit divers fruits avec les fleurs colorées et l’herbe.» Dans ce cantique, François d’Assise, qui avait fait les quatre cents coups et tué un homme avant de se convertir et de devenir un des réformateurs de la religion chrétienne, rappelle, dit le pape François, que notre maison commune est aussi comme une sœur, avec laquelle nous partageons l’existence, et comme une mère, belle, qui nous accueille à bras ouverts.

L’année sainte s’inscrit, elle, dans une autre tradition, celle du pardon et de la réconciliation, de l’humilité aussi. Des actes bien peu médiatiques aujourd’hui. Les enseigne-t-on dans nos écoles?

Et pourtant. Souvenez-vous de la Commission de la vérité et de la réconciliation que l’évêque Desmond Tutu (qui y a gagné le Prix Nobel de la paix) et le président Nelson Mandela, un reclus lui aussi, un rebelle, ont lancée et médiatisée en Afrique du Sud, voilà vingt ans. Vérité et réconciliation, un processus ancestral qui n’efface pas la mémoire des crimes mais qui permet d’échafauder une nouvelle paix civile.

L’appel de François s’adresse à tous. Croyant ou pas, chacun est invité à devenir un agent de la paix. En particulier les chrétiens, dont l’«impératif» est «pardonner», rappelle le pape, même si «c’est difficile». C’est difficile en effet de se défaire de la rancœur, de la colère, de la violence, de la vengeance. Le Code pénal, qui punit les actes les plus graves, ne suffit pas à faire une société civile.

 

Ce texte a paru dans la rubrique Opinion de la Tribune de Genève

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